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Lorraine

Céréales 2022/2023 : retour sur les faits marquants de la campagne

La campagne 2022/2023 commençait plutôt bien pour les céréales d’hiver, avec des conditions climatiques favorables à la mise en place des premières composantes de rendement. Cependant, cela s’est un peu gâté pendant la phase de remplissage des grains, impactant les potentiels. Résultat, un bilan très contrasté.

Au champ, une vis vide les grains d'orge dans la benne – récolte 2023 en Lorraine

Du semis à épi 1 cm

Le début de la campagne 2022/2023 a été marqué par des cumuls de températures très nettement supérieurs à la moyenne, en atteignant des niveaux maximaux depuis les vingt dernières années. Cette anomalie est le résultat de plusieurs vagues de chaleur/douceur, entrecoupées de périodes plus froides. Ces conditions climatiques ont eu un effet direct visible sur nos céréales d’hiver au courant de l’automne : levée et émission rapide des feuilles, atteinte précoce du stade début tallage. Par conséquent, le stade épi 1 cm apparaît plus précocement, d’environ 10 jours, soit autour du 15-20 mars pour un semis de début octobre.

Côté ravageurs, ces conditions ont pu également favoriser une présence persistante de pucerons et cicadelles.

Sur le plan hydrique, l’automne-hiver a permis de recharger partiellement les nappes avec des cumuls de pluie légèrement en retrait proche de la moyenne sur vingt ans d’octobre à février (figure 1). Les conditions météorologiques ont été favorables à la dynamique de minéralisation des sols avec un nombre de jours normalisés dans la fourchette haute observée ces dix dernières années, proche de 2014-2015 et largement supérieur à une année moyenne. Par conséquent, les reliquats sortie hiver sont dans la moyenne.

Figure 1 : Sommes des pluies du 1er octobre 2022 au 10 février 2023 en % de la médiane
Figure 1 : Sommes des pluies du 1er octobre 20022 au 10 février 2023 en % de la médiane

D’épi 1 cm à floraison 

Le début de montaison des blés s’accompagne du retour des pluies. En tendance, les apports d’azote sont bien valorisés grâce aux conditions pluvieuses qui se maintiennent jusque début mai (≈ +50 % par rapport à la moyenne), associées à des températures fraîches. La montaison est donc longue, ce qui est gage d’une bonne montée à épis, d’autant plus que les sols ne sont pas du tout en situation de stress hydrique, quelle que soit leur profondeur. Et en effet, les densités épis sont proches de la moyenne, voire légèrement supérieures en sols profonds, tandis qu’elles sont clairement au-dessus de la moyenne pluriannuelle en sols superficiels. Si le nombre d’épis est la composante la plus évidente du futur nombre de grains/m2, il faut également prendre en compte la fertilité des épis qui se détermine tout au long de la montaison. Pour cette composante, la période qui apparaît comme la plus sensible est la seconde partie de la montaison, du stade 2 nœuds à la floraison.

En cette période de pleine croissance de l’épi, les deux moteurs de croissance que sont la température et le rayonnement doivent fonctionner en même temps pour assurer la fertilité de l’épi (nombre d’épillets et de grains par épillet). L’effet combiné de ces deux facteurs est appelé quotient photothermique. Exprimé en cal/cm2/jour, ce quotient définit un niveau d’offre pour la croissance : il est étonnement bon cette année en Lorraine malgré un sentiment persistant de manque de rayonnement. Ce qui se traduit visuellement aux champs par des épis corrects constitués d’un nombre satisfaisant d’épillets.

Notons toutefois que la période autour du 16 mai est marquée par un niveau de rayonnement très bas (inférieur à 200 cal/m²) et également des températures fraîches. Cet à-coup intervient autour de la méïose de certaines parcelles, et peut expliquer des fertilités très décevantes (pour rappel, la méïose est un processus cellulaire qui requiert beaucoup d’énergie, un déficit de rayonnement et de température peut donc avoir un impact).

Figure 2 : Quotient photothermique - 2 nœuds et floraison
Figure 2 : Quotient photothermique  - 2 nœuds et floraison

D’un point de vue fertilité épi, ramené au m², le nombre de grains est correct, grâce aux densités épis supérieures à la moyenne.

L’épiaison a lieu autour du 25 mai, soit quelques jours après la date moyenne pluriannuelle. La floraison intervient sous des conditions climatiques ensoleillées et déjà sèches, car même si la réserve en eau du sol était bien rechargée suite à la pluviométrie de mars et avril, le bilan hydrique s’effondre littéralement très rapidement, y compris en sols profonds (figure 3).

A noter que les céréales ont subi un revirement de climat relativement brutal autour de mi-mai, en passant d’un régime frais et humide à un régime ensoleillé et chaud, sans réelle période d’acclimatation.

Figure 3 : Bilan hydrique, pour la variété KWS Sphère semée le 11 octobre 2022 à Saint-Hilaire-en-Woëvre (55) - sol argilo-limoneux à bonne réserve utile de 130 mm
Figure 3 : Bilan Hydrique, pour la variété KWS Sphere semée le 11 octobre 2022 à Saint-Hilaire-en-Woëvre (55) - sol argilo-limoneux à bonne réserve utile de 130 mm

D’un point de vue sanitaire, la pluviométrie du printemps et les températures élevées ont été propices au développement d’un fond de cuve maladies, notamment la septoriose, présente très tôt en saison mais qui finalement est restée contenue sur feuilles basses. Le risque fusarioses des épis était très faible voire nul en l’absence totale de pluie autour de la floraison.

De la floraison à la récolte 

Le début de remplissage des blés intervient à partir de début juin, date de floraison des blés. La floraison marque le début de la première phase, jusque grain laiteux,  autour du 20 juin ; la seconde se terminant au stade grain pâteux autour du 30 juin.

Les blés entament ainsi la première phase sous des températures maximales constamment supérieures à 25°C.

A noter que les blés, ont cumulé près de 30 jours durant lesquels la température maximale était supérieure à 25°C accompagnés de vent. Pour autant cette année, il n’y a pas eu de températures échaudantes supérieures à 30°C comme les années précédentes (figure 4). La biomasse étant importante, ces conditions cumulées engendrent une demande évaporative importante (évapotranspiration - ETP), ce qui explique finalement une entrée en stress hydrique rapide et brutale dès fin mai en sols profonds et dix jours plus tôt en sols superficiels.  

En 2023, les ETP sont constamment entre 5 et 6 mm par jour, alors qu’ils sont généralement proches de 4 mm/jour de manière historique (la note de 7 marquant un seuil critique et un arrêt potentiel du fonctionnement de la plante).

Figure 4 : Cumul de températures supérieure à 25°C entre floraison et maturité des blés
Figure 4 : Cumul de températures supérieure à 25°C entre floraison et maturité des blés

Les cartes permettent de visualiser le nombre de jours durant lesquels l’ETP était strictement supérieure à 5 sur la première phase de remplissage (scindée en deux) et la seconde. Ainsi, sur 20 jours que compte la première phase, près de 15 affichent des ETP supérieures à 5. Pour rappel, la phase la plus sensible du remplissage se situe entre floraison et à mi-chemin entre grain laiteux et grain pâteux (figure 4). Ainsi, 90 % de la phase de remplissage des blés sur notre secteur a lieu sous conditions climatiques non optimales.

Figure 5 : Nombre de jours avec ETP supérieure à 5 mm selon les différentes phases de remplissage des blés
Figure 5 : Nombre de jours avec ETP supérieure à 5mm selon les différentes phases de remplissage des blés

Les ETP élevées impliquant un stress hydrique au sein de la plante, on comprend que le remplissage soit impacté dès le départ (figure 6). Des sites peuvent parfois décrocher très fortement : c’est le cas en sols superficiels, qui ont cumulé un nombre élevé de grains à remplir, de fortes ETP et un déficit hydrique.

Figure 6 : Dynamique de remplissage des blés sur le réseau régional ARVALIS
Figure 6 : Dynamique de remplissage des blés sur le réseau régional ARVALIS

Dans les essais ARVALIS en craie et barrois, les rendements oscillent entre 70 et 95 q/ha. Au sein du territoire, on enregistre des déceptions sur des terres dites profondes à potentiel et de bonnes surprises sur des terres superficielles, grâce aux composantes de début de cycle.

Au global, les rendements sont tout de même centrés sur la moyenne, mais déçoivent, compte tenu du potentiel élevé durant le printemps (figure 7). La production de paille est remarquablement élevée.

Figure 7 : Rendements des blés sur le réseau régional « physiologie » ARVALIS
Figure 7 : Rendements des blés sur le réseau régional « physiologie » ARVALIS

Côté qualité, les teneurs en protéines de l’observatoire ARVALIS sont comprises entre 10,5 et 12 %. Les teneurs en protéines sont donc moyennes à moyennement faibles, inférieures aux tendances habituelles.

Les poids spécifiques sont dans l’ensemble en retrait, avec des valeurs régulièrement en dessous du seuil de 76 kg/hl. 

Au fil de la campagne 2022-2023
- Un automne et hiver extrêmement doux
- Des fournitures du sol en sortie d’hiver moyennes
- Une arrivée précoce du stade épi 1 cm, une avance qui s’est gommée par la suite
- Des apports d’azote bien valorisés grâce aux précipitations régulières
- Une hydromorphie de printemps défavorable à l’enracinement en sols argileux hydromorphe
- Une mise en place des premières composantes de rendement optimales
- Une offre climatique défavorable au remplissage des grains
- Des rendements plutôt décevants aussi bien en termes de quantité que de qualité au vue du potentiel de l’année

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