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Les teneurs en phosphore sont a priori plus faibles dans les sols bio

Mis en place en 2021 par ARVALIS et ses partenaires, l’observatoire PhosphoBio a permis de dresser un état des lieux des teneurs en phosphore dans les parcelles cultivées en agriculture biologique (AB). 

teneur en phosphore

Fort de 201 parcelles situées dans quatre territoires aux systèmes de production contrastés (Sud-Ouest, Grand Ouest, Bassin parisien et Rhône-Alpes), l’observatoire PhosphoBio compte 172 parcelles de grandes cultures et 29 prairies permanentes. La répartition entre parcelles appartenant à des exploitations avec élevage (101) et sans élevage (100) est plus équilibrée, tout comme celle entre parcelles récemment converties en AB ou plus anciennes (108 parcelles converties entre 2006 et 2016 vs 93 converties avant 2006).

Une campagne de prélèvement et d’analyses de terre a été réalisée au cours de l’hiver 2021-2022 par le laboratoire Auréa AgroSciences sur l’ensemble de ces parcelles, afin d’en caractériser la disponibilité du phosphore par la mesure du P Olsen. Des informations sur les pratiques agricoles (rotation, rendements, apports de fertilisants, etc.) mises en œuvre de 2017 à 2021 ont également été recueillies lors d’enquêtes auprès de 153 agriculteurs.

Des disparités selon la localisation géographique et la présence de calcaire

Les teneurs en P Olsen du sol mesurées sur l’ensemble de l’observatoire présentent une grande variabilité (entre 10 et 164 mg de P2O5/kg de terre).

Ces teneurs n’apparaissent impactées ni par l’ancienneté de conversion en AB, ni par la présence d’élevage sur l’exploitation, ni par l’occupation du sol (grandes cultures ou prairies permanentes). Une légère corrélation avec la présence de couverts végétaux a été relevée, mais elle s’expliquerait davantage par les pratiques des agriculteurs qui semblent apporter plus de fertilisants lorsqu’il y a des couverts, qu’à l’effet des couverts directement. Les teneurs en P Olsen ne sont pas non plus corrélées à la teneur en matière organique du sol.

En revanche, on constate une disparité géographique avec des teneurs en P Olsen significativement inférieures en moyenne dans le Sud-Ouest par rapport aux autres territoires (figure 1). On observe également que les teneurs en P Olsen des parcelles en sols calcaires sont significativement plus faibles que celles des autres parcelles (30 vs 48 mg de P2O5/kg de terre). Cela pourrait s’expliquer par un pouvoir fixateur du sol vis-à-vis du phosphore plus important dans ces types de sols.

Figure 1 : Comparaison entre les distributions de teneurs en P Olsen du sol des parcelles de grandes cultures de l’Observatoire PhosphoBio (en rouge) avec celles de la BDAT¹ (en bleu), pour les quatre territoires étudiés
Figure 1 : Comparaison entre les distributions de teneurs en P Olsen du sol des parcelles de grandes cultures de l’Observatoire PhosphoBio (en rouge) avec celles de la BDAT¹ (en bleu), pour les quatre territoires étudiés
Significativité des tests de comparaison : *10 %, **5 %, ***1 %, ****0,5 %.

¹BBDAT = base de données des analyses de terre 

La distribution des teneurs en P Olsen des parcelles de grandes cultures de l’observatoire PhosphoBio est significativement inférieure à celle des teneurs de la BDAT.

Les teneurs en P Olsen mesurées sur les 172 parcelles de grandes cultures de l’Observatoire PhosphoBio ont été comparées à celles extraites de la BDAT (base de données des analyses de terre) sur la période 2016-2020, en sélectionnant uniquement les communes correspondant à ces parcelles (figure 1). La BDAT regroupe les résultats d’analyses de terre des principaux laboratoires de France métropolitaine agréés par le ministère de l’Agriculture. Les données étant anonymisées, il n’est pas possible d’identifier l’origine de ces analyses, mais les parcelles cultivées en grandes cultures et en agriculture conventionnelle y sont majoritaires. 

Dans les quatre territoires étudiés, la distribution des teneurs en P Olsen des parcelles de grandes cultures de l’observatoire PhosphoBio est significativement inférieure à celle des teneurs de la BDAT. Ceci permet donc de conclure qu’à l’échelle des territoires étudiés dans l’observatoire PhosphoBio, les teneurs en P Olsen du sol en grandes cultures et polyculture-élevage bio sont globalement plus faibles qu’en conventionnel.

Des facteurs aggravants

L’écart pourrait s’expliquer par une difficulté en AB à compenser les quantités de phosphore exportées dans les produits récoltés par des apports de fertilisants. Ce phénomène est plus marqué qu’en conventionnel, en raison notamment du coût élevé des fertilisants utilisables en AB, qui contraint sans doute les agriculteurs bio à rationnaliser davantage les apports qu’en conventionnel. En effet, les données de l’observatoire PhosphoBio révèlent que les teneurs en P Olsen des sols sont significativement plus faibles dans les parcelles où les doses et la fréquence d’apport de fertilisants contenant du phosphore sont les plus basses.

Un déstockage de phosphore dans les situations peu ou pas fertilisées

Sur le bilan phosphore, les pratiques de l’observatoire se traduisent à la parcelle par un déstockage moyen de 15 kg de P2O5/ha/an dans les situations non fertilisées ou recevant seulement un apport en cinq ans. À l’inverse, le bilan moyen est de +24 kg de P2O5/ha/an dans les situations avec apports tous les ans ou quatre années sur cinq. Les situations intermédiaires sont proches de l’équilibre.

La nature des fertilisants influe également sur les bilans de phosphore. Les parcelles qui reçoivent des fientes de volailles ou différents fertilisants phosphatés (le plus souvent des fientes de volailles combinées en alternance soit avec du fumier, soit avec des Protéines Animales Transformées - PAT) présentent, en moyenne, des bilans positifs. À doses d’azote comparables, les parcelles recevant exclusivement du fumier ou des PAT présentent des bilans légèrement négatifs, mais significativement supérieurs aux parcelles n’ayant pas reçu d’apport de fertilisants au cours des cinq dernières années.

Vigilance dans les rotations avec légumineuses

Enfin, l’observatoire PhosphoBio met en évidence un risque de carence en phosphore plus marqué dans les rotations qui intègrent une proportion importante de légumineuses (figure 2). En effet, dans ces systèmes où la fourniture d’azote aux cultures repose principalement sur la fixation symbiotique par les légumineuses, les agriculteurs gèrent la nutrition azotée des cultures sans apport de fertilisants, ou avec des quantités limitées. Or, si les légumineuses peuvent se substituer à l’azote des fertilisants organiques utilisés en AB, elles ne remplacent pas le phosphore qu’ils contiennent aussi. Le risque de carence en phosphore est alors accentué, ce qui, potentiellement, peut entraîner une limitation de la croissance des légumineuses et à terme, remettre en cause l’autonomie en azote du système.

Figure 2 : Distribution des teneurs en P Olsen des parcelles de l’observatoire PhosphoBio selon la fréquence de légumineuses (hors couverts d’interculture) au cours des 5 dernières années
Figure 2 : Distribution des teneurs en P Olsen des parcelles de l’observatoire PhosphoBio selon la fréquence de légumineuses (hors couverts d’interculture) au cours des 5 dernières années
Dose annuelle moyenne d’azote et de phosphore apportées sur les parcelles et exportations annuelles moyennes de phosphore par les cultures sur les campagnes 2016-17 à 2020-21. Des lettres différentes indiquent une différence significative à 5 %.

Cet état des lieux et la mise en place de l’observatoire ont été réalisés dans le cadre du projet PhosphoBio2, financé par le CASDAR.

2 ARVALIS, Auréa Agrosciences, Bordeaux Sciences Agro, les chambres d’Agriculture des Pays-de-la-Loire et de région Ile-de-France, CREABio et Inrae sont les partenaires techniques du projet PhosphoBio.

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