Articles et actus techniques
Bourgogne-Franche-Comté

Semis d’automne impossibles : pensez aux orges de printemps !

Les orges de printemps représentent une opportunité intéressante pour les parcelles où les semis d’automne ont été empêchés par les importantes précipitations. La conduite de cette espèce nécessite d’être bien encadrée, car rendement et qualité doivent se construire sur un pas de temps court, entre début mars et mi-juillet. Passage en revue des principales étapes de l’itinéraire technique pour réussir la culture.

Parcelle d’orges de printemps

La part des orges de printemps dans la sole Bourguignonne progresse depuis 2013, jusqu’à atteindre un pic de 77 000 ha en 2020 (figure 1), afin de compenser l’effritement progressif des orges d’hiver brassicoles soumises à des contraintes agronomiques et économiques.

En France, en moyenne sur les cinq dernières années, les surfaces consacrées aux orges de printemps, semées en sortie d’hiver, s’établissent à 596 000 ha. De manière spécifique à cette espèce, les surfaces sont variables d’une année à l’autre en fonction de la quantité de céréales d’hiver implantées à l’automne précédent. Le débouché prioritaire est la malterie – brasserie, qui en absorbe 2 à 3 millions de tonnes par an selon les conditions de l’année. La Bourgogne-Franche-Comté (BFC) consacre en moyenne 50 000 ha aux orges de printemps (figure 1), essentiellement concentrées sur l’Yonne (27 800 ha) et la Côte-d’Or (24 500 ha) pour un rendement moyen de 47 q/ha, cachant une variabilité interannuelle de 36 q/ha en 2020 jusqu’à 59 q/ha en 2019) (figure 1).

Figure 1 : Evolution des surfaces et rendements en orges de printemps sur la région Bourgogne-Franche-Comté depuis 2000

Figure 1 : Evolution des surfaces et rendements en orges de printemps sur la région Bourgogne Franche-Comté depuis 2000

(Source : Agreste)

La variété : choisir dans la liste des variétés préférées des brasseurs et malteurs de France

Du côté des variétés, la culture des orges de printemps a pour vocation quasi exclusive la production de malt. Il est donc fortement recommandé de cultiver les variétés pour lesquelles les organismes de collecte locaux ont un marché. Ces variétés sont sélectionnées dans la liste éditée chaque année par les Malteurs et Brasseurs de France.

RGT Planet est la variété majoritairement cultivée en France et en Bourgogne-Franche-Comté. Bien qu’inscrite en 2014, elle s’impose depuis 2018 en remplacement de Sébastian. Elle est cultivée en Bourgogne sur 90 % des hectares d’orge de printemps (figure 2). Depuis trois ans, KWS Fantex, variété préférée par le CBMO (Comité Bière Malt Orge) depuis 2020, tente de se faire une place. En 2023, pour la première année, LG TOSCA approuvée variété préférée par le CBMO depuis cette année arrive dans le top 3. Pour 2024, deux nouvelles variétés Sting et Magnitude ont été admises en validation technologique par le CBMO (figure 3), elles se produisent respectivement 3 à 4 % de plus en rendement que RGT Planet.

Figure 2 : Evolution des variétés d’orge de printemps brassicole cultivées depuis 2018 en Bourgogne en % de la surface totale

Figure 2 : Evolution des variétés d’orge de printemps brassicole cultivées depuis 2018 en Bourgogne en % de la surface totale

(Source : Agreste)

Figure 3 : Liste des variétés préférées de malteurs de France et Brasseurs de France pour les orges de printemps brassicoles – Récolte 2024

Figure 3 : Liste des variétés préférées de malteurs de France et Brasseurs de France pour les orges de printemps brassicoles – Récolte 2024

(Source : CBMO)

Le semis : tout se construit à partir d’une implantation réussie

La date de semis est conditionnée par la date de ressuyage des sols et la possibilité d’exécuter une préparation superficielle en un minimum de passages. Suite à un hiver humide, il est souvent bénéfique d’attendre un ressuyage correct du sol plutôt que de vouloir semer à tout prix. Le créneau de semis idéal pour l’orge de printemps se situe dans une fourchette d’environ un mois, entre le 20 février et le 15 mars.

Les semis avant le début de cette période sont souvent exposés à un coup de froid hivernal, alors que les graines sont en train de germer ou que la plante est encore peu vigoureuse. Le bilan d’une telle pratique est trop aléatoire pour être conseillé. Inversement, les semis après la fin de cette période (parfois nécessaires après un hiver humide), risquent de pénaliser la capacité de tallage de l’orge. Il faut donc penser, dans ce cas, à augmenter les densités de semis pour pallier cet inconvénient.

De plus, un semis trop tardif peut décaler le cycle dans une séquence de jours échaudants pendant le remplissage des grains. Les hauts rendements sur les orges à deux rangs, comme le sont les orges de printemps, sont souvent atteints avec des peuplements épis élevés.

La densité de semis aura pour objectif d’installer un peuplement suffisant, mais sans être excessif, pour éviter la verse assez fréquente sur cette espèce et par conséquent, la baisse du calibrage. Les recommandations s’établissent sur des fourchettes de 300 à 350 gr/m² sur les sols de limons et de 350 à 450 gr/m² sur des argilo-calcaires plus ou moins caillouteux.

semis
Semis 16/03, Bretenière (21), le 8/04/2016

La fertilisation azotée : à piloter pour ne pas « louper » les situations favorables

Le calcul de la dose totale d’azote prévisionnelle se réalise selon la réglementation du dernier programme d’action de la directive nitrates mis en place dans chaque région. En Bourgogne / Franche-Comté, le calcul s’appuie sur le bilan de masse, en soustrayant un ensemble de fournitures du sol au besoin calculé, avec un besoin unitaire par quintal de 2,5 kg d’azote.

Le débouché des orges de printemps est majoritairement brassicole, ce qui implique de faire attention à la qualité technologique, et notamment, la teneur en protéines à travers la maîtrise de la dose totale et, dans une moindre mesure, le fractionnement. La gestion du fractionnement doit trouver un compromis entre efficacité acceptable (apports pas trop précoces) et une teneur en protéines compatible avec les exigences brassicoles.

Le fractionnement - au semis (1 /3 de la dose) puis en végétation (2/3 de la dose à 3F-fin tallage) - est la stratégie la plus robuste

En agriculture, les pratiques prennent en compte les résultats pluriannuels, ce serait une erreur de baser une décision en 2024 sur le climat de l’année précédente, sachant que le climat est de plus en plus variable… Que sera le printemps 2024 ?

Que ce soit au niveau du suivi des cumuls de pluies sur les stations météo de la région ou bien d’études plus pointues de météorologues, tous s’accordent à dire qu’il n’y a pas de tendance significative (mais de la variabilité) sur l’évolution des pluies printanières pour le futur. Partant de ce constat et de l’inconnue du climat à horizon 1-2 mois, la stratégie de fractionner (semis puis tallage) est la plus robuste car elle permet de répartir les risques entre année sèche et année humide. L’apport en végétation doit être raisonné selon les pluies plus qu’à un stade précis. Ainsi, si entre 3 feuilles et début tallage, des pluies sont annoncées, il faudra en profiter !

Le N-tester pour corriger les carences éventuelles et profiter des pluies de mai !

En général, il est souvent observé un retour des pluies fin avril - début mai, il faut donc profiter du N-tester (méthode HNT EXTRA - figure 4) qui est la seule solution pour revoir la dose selon le potentiel de l’année et l’état de nutrition des plantes. Des gains de rendements sont à la clé tout en restant dans la fourchette 9,5-10,5 % de protéines ! Attention, il faudra prévoir une bande sur-fertilisée dès l’apport d’azote au semis, et les diagnostics ne sont réalisables qu’autour d’un nœud.

Figure 4 : Principe de fonctionnement de la méthode HNT extra sur orge de printemps pour piloter l’azote à partir du stade 1 nœud

Figure 4 : Principe de fonctionnement de la méthode HNT extra sur orge de printemps pour piloter l’azote à partir du stade 1 nœud

(Source : ARVALIS/YARA)

L’enfouissement de l’apport en solution azotée au semis : toujours gagnant

Rappelons également que l’enfouissement de l’apport au semis lorsqu’il est réalisé en solution azotée permet de gagner en moyenne 2 q/ha et 5 à 10 % d’efficacité de l’azote (CAU).

Pour désherber, les solutions ne sont pas nombreuses

Les orges de printemps sont beaucoup moins infestées en mauvaises herbes que ne le sont les céréales d’hiver. Ce type de culture de printemps est considérée comme un atout pour réduire le salissement des parcelles dans la rotation. Néanmoins, cet avantage semble se réduire au fur et à mesure que les années passent. En particulier, il convient d’être particulièrement vigilant vis-à-vis du ray-grass. Les solutions dans cette culture sont peu nombreuses. Il faudra profiter de l’interculture longue pour détruire un maximum de ray-grass (avant et après la culture intermédiaire). En cas de ray-grass résistants au mode d’action HRAC 1 (FOP/DEN), Avadex seul ne pourra gérer une infestation significative, mais sera indispensable.

Le vulpin est plus rare car ses levées se font plutôt à l’automne mais il peut néanmoins envahir aussi cette culture, en lien avec des hivers de moins en moins rigoureux. Dans notre région, de plus en plus de cas sont signalés. La folle-avoine est toujours assez répandue mais reste assez facile à gérer avec un produit foliaire (Axial Pratic…).

Du côté des dicotylédones, la flore est souvent mixte entre les adventices traditionnelles et des plantes à germination printanière (renouées). L’orge de printemps est également l’occasion de mettre en œuvre du désherbage mécanique (herse étrille, houe rotative, roto-étrille), avec des niveaux d’efficacité beaucoup plus satisfaisants que sur les céréales d’hiver. Ces outils qui travaillent en plein (à choisir surtout en fonction de son type de sol) doivent être passés, soit en prélevée à l’aveugle, soit sur une culture très bien implantée. Idéalement, penser à augmenter la densité de semis de 10-15 % pour compenser les pertes de pied possibles lors des passages. Le stade filament est le stade idéal à rechercher pour les adventices. Au-delà d’une feuille, les efficacités seront fortement réduites. À noter que ces outils sont plus efficaces sur adventices dicotylédones.

photo
Au colloque OCP en mai 2023 à Corcelles-les-cîteaux (21), une bande d’orge de printemps avait été semée pour illustrer le levier rotation sur le désherbage (source photo : Didier Quintard Dijon Céréales)
Actualité réglementaire : dernière campagne pour l’AVADEX 480 (triallate) !
Date limite à la commercialisation : 29/03/2024.
Date limite pour le stockage et pour l’utilisation : 29/03/2025.

Maladie : une nuisibilité faible en moyenne

Les dégâts dus aux maladies sur les orges de printemps sont en général atténuées par la rapidité de croissance et de maturation de cette espèce. Ils sont généralement compris dans une fourchette de 5 à 8 q/ha selon les variétés pour les semis de printemps. Mais, il reste toujours vrai que la lutte contre les maladies contribue à un meilleur remplissage des grains, donc permet d’obtenir de meilleurs calibrages, critère majeur pour les orges brassicoles. Les résultats expérimentaux enregistrés au cours des années passées ont montré l’intérêt d’adapter la protection fongicide à la sensibilité des variétés.

Dans la grande majorité des situations, un traitement unique au stade dernière feuille étalée peut être considéré comme la règle. Plus spécifiquement vis-à-vis de la rhynchosporiose sur les variétés sensibles telles que Yoda et LG Tosca, et plus récemment Sting, il faudra envisager un premier traitement en végétation si la maladie est présente tôt. Le cas a peu de risques de se présenter dans notre région. À titre indicatif, avec un prix de vente de l’orge autour de 220 €/t et une nuisibilité attendue d’environ 8 q/ha, la dépense en fongicides optimale s’établie à 50 €/ha. Dans les situations, ultra-majoritaires, à un traitement unique au stade dernière feuille étalée, on peut citer, sans être exhaustif, un certain nombre de solutions techniquement équivalentes (figure 5).

Figure 5 : Proposition de programme fongicides 2024 pour l’orge de printemps

Figure 5 : Proposition de programme fongicides 2024 pour l’orge de printemps

(Source : Choisir & Décider OP National ARVALIS)

Bien souvent, les orges de printemps reçoivent facilement un régulateur de croissance. Cette pratique sécuritaire est peu adaptée à une espèce qui montre souvent des signes de phytotoxicité suite à un traitement. L’évaluation du risque peut se faire dès le semis selon les classes de sensibilité variétale. Un ajustement est possible à partir du stade épi 1 cm en fonction de l’état de végétation. C’est en particulier vrai pour les variétés les plus sensibles à la verse, telles que RGT Planet, Yoda et KWS Thalis. Si le tallage a été contraint par les conditions climatiques, le risque devient alors faible comme généralement observé par exemple sur la variété KWS Fantex ainsi que LG Flamenco ou plus récemment Sting et Magnitude. À l’inverse, si le tallage est pléthorique et la montaison des tiges sans contrainte, alors le risque de verse devient élevé pour la majorité des variétés cultivées. Sans être exhaustif, des produits tels que Medax Top 0,5 l, Bogota Plus 0,8 au stade 1 nœud ou Baia E 0,5 au stade 2 nœuds feront l’affaire.

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.