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Blé tendre : comment expliquer les mauvais rendements en 2024 ?

Outre le recul des surfaces semées en céréales à paille, la collecte catastrophique de 2024 s’explique par des rendements globalement moyens, voire mauvais, sans contrepartie qualitative. Décryptage du rôle des différents facteurs biotiques et abiotiques marquants de la campagne 2023-2024 dans cette contreperformance.

excès d'eau et manque de soleil

Les estimations de collecte de blé tendre réalisées par Agreste et FranceAgriMer au 10 novembre 2024 ont de quoi marquer les esprits : 61 q/ha (contre 71,4 q/ha pour la moyenne décennale), pour 11,4 % de taux de protéines (vs 11,7 %).

Certes, l’intensité des pertes de rendement reste en retrait par rapport à 2016, où le rendement national était descendu à 54 q/ha. Mais elles touchent une zone géographique très étendue et se combinent à une réduction des surfaces de blé tendre, en partie attribuable aux difficultés d’implantation de l’automne 2023. On estime en effet qu’environ 500 000 ha ont basculé vers des cultures de printemps ou d’été.

Climat : la pluie n’est pas la seule responsable

Trois caractéristiques ont marqué le climat de la campagne 2023-2024 : un très fort cumul de précipitations presque partout en France, à l’exception de l’extrême pointe sud, un cumul de températures élevées (surtout hivernales) et un faible rayonnement (tableau 1).

Tableau 1 : Caractéristiques climatiques exceptionnelles de la campagne 2023-2024 en France
Tableau 1 : Caractéristiques climatiques exceptionnelles de la campagne 2023-2024 en France

Les excès d’eau ont indirectement affecté le fonctionnement des cultures pendant toutes les phases de développement. En provoquant un manque d’oxygénation des racines (hypoxie), l’humidité récurrente de l’automne 2023 jusqu’à l’été 2024 a affecté l’installation du système racinaire en profondeur, et son fonctionnement global dans l’absorption des nutriments.

Parallèlement, le manque de rayonnement a abaissé le potentiel physiologique des cultures. Rares sont les parcelles à avoir dépassé les 100 q/ha, même en sols drainants, avec une bonne protection fongicide, en l’absence de stress thermique et/ou hydrique. Les plateformes expérimentales ne font pas exception. Ce manque de rayonnement (- 6 % vs la moyenne des 20 dernières années) impacte de manière quasi-proportionnelle le rendement, en limitant le fonctionnement photosynthétique pendant la phase de remplissage via un abaissement du Poids de mille grains (PMG). Dans les essais de l’observatoire blé tendre d’ARVALIS, le nombre de grains par m² est dans la normale, alors que le PMG est en recul de 11 % par rapport à la moyenne historique.

Difficultés de désherbage : 10 à 40 q/ha de pertes

L’arrivée des pluies autour du 20 octobre a surtout affecté la gestion du désherbage des parcelles déjà levées (absence de créneaux pour intervenir en post-levée, notamment). Pour les autres parcelles, l’ensemble du programme de désherbage a également pu être remis en cause par les conditions de sol durablement très humides.

Les parcelles semées en octobre ou mal désherbées ont été les plus impactées. Dans ces situations, le stock semencier présent dans la parcelle et le positionnement des interventions ont conditionné le salissement, et donc la nuisibilité des graminées adventices sur le rendement. À l’inverse, les parcelles aux semis retardés par les conditions climatiques sont restées plus propres. Certaines observations locales dans des situations à salissement contrasté ont confirmé la nuisibilité potentielle d’une infestation mal maîtrisée de vulpin ou de ray-grass : 10 à 40 q/ha de nuisibilité à court terme, avec un effet évident sur le stock semencier futur de la parcelle. Sur ces parcelles, le potentiel de salissement est en hausse.

Tableau 2 : Impact des différents facteurs biotiques et abiotiques marquants de la campagne 2023-24 sur le rendement national du blé tendre, établi à 61 q/ha
Tableau 2 : Impact des différents facteurs biotiques et abiotiques marquants de la campagne 2023-24 sur le rendement national du blé tendre, établi à 61 q/ha

Le poids de chaque facteur est variable selon les conditions pédoclimatiques et l’itinéraire technique réalisé sur chaque parcelle.

Maladies : la moindre défaillance dans les programmes fongicides a été sanctionnée

Côté maladie, la septoriose a largement dominé. La nuisibilité observée dans les essais d’ARVALIS est parmi les plus fortes mesurées ces dernières années (23 q/ha avec une variété sensible à la septoriose comme SY Admiration). Idem dans les parcelles d’agriculteurs : la moindre défaillance dans le programme fongicide ou le choix d’une variété sensible ont été immédiatement sanctionnés par une perte de rendement significative. L’efficacité de protection contre la septoriose explique en effet à elle seule entre 77 et 95 % de la variabilité des rendements, sur une amplitude de 30 q/ha.

À noter que les maladies cryptogamiques n’ont pas uniquement un effet sur le rendement final. Elles affectent le PMG et perturbent l’absorption et la remobilisation de l’azote au point de limiter la teneur en protéines des grains.

Fertilisation : un déficit moyen de 20 kg/ha d'azote dans les grains

Alors que jusqu’à début juin, les niveaux de biomasse et les densités d’épis du blé tendre étaient proches des normales, le statut azoté des cultures s’est avéré nettement carencé à la récolte.

On estime que les fortes pluies ont généré de la lixiviation de nitrate jusqu’au début du printemps, privant les cultures d’un stock d’azote utile à leur croissance. Parallèlement, les apports d’engrais n’ont pas toujours été correctement absorbés par des racines dysfonctionnelles. Les cultures se sont adaptées à cette situation en concentrant les ressources dans les étages foliaires supérieurs, ce qui a masqué l’intensité de la carence en azote. Le manque d’azote s’est répercuté sur l’élaboration du rendement et de la teneur en protéines : le remplissage des grains s’est initié sur des cultures qui ne disposaient pas de réserves d’azote et de sucres suffisantes. Contrairement à des stress hydriques ou thermiques de fin de cycle, le scénario n’a pas permis une concentration en protéines dans les grains. Il a manqué en moyenne 20 kg N/ha dans les grains, soit une sous-fertilisation de 30 à 40 unités.

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