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Vers un outil de diagnostic du stress lié au phosphore sur soja

Actuellement, seules les graminées et les prairies bénéficient d’outils de diagnostic fonctionnels sur l’état de nutrition des plantes en phosphore. Un des axes du projet Phosphobio est de développer ce type d’outils sur légumineuses, cultures souvent mises en place en AB pour la pérennité des systèmes. Les premiers travaux portent aujourd’hui sur le soja.

soja bio

Les légumineuses sont à la base de la fertilité des systèmes conduits en agriculture biologique (AB) via la fixation d’azote exogène. Ces cultures présentent également l’avantage d’être peu dépendantes des ressources azotées du sol. Néanmoins, elles peuvent être assez exigeantes en termes d’éléments non renouvelables comme le phosphore. A titre d’exemple, sur le site de la Hourre (32), domaine converti en AB depuis 1999, les exports de phosphore les plus élevés sont proches de 22,9 kg P2O5/ha sur soja et féverole pour des teneurs de P Olsen moyens de 7 ppm sur 0-45 cm de sol. Des travaux suggèrent qu’une meilleure gestion de la disponibilité en P (Mitran et al. 2018) pourrait améliorer la quantité d’azote fixée par les légumineuses, permettant ainsi de réduire la dépendance aux intrants.

Avoir des outils de diagnostic permettrait d’accéder à une information d’importance pour déplafonner les rendements des légumineuses et de tendre vers des systèmes plus autonomes vis-à-vis de l’azote.

Une carence en phosphore impacte le développement mais pas toujours le rendement

Une carence, si elle est avérée, aura un impact sur le développement de la plante et pourra impacter le rendement si elle est suffisamment importante. En effet, certaines cultures ont la capacité de favoriser le remplissage du grain au détriment du reste de la biomasse ou de mobiliser ces réserves permettant ainsi de diminuer l’impact d’une ressource limitée en phosphore.

Il existe déjà plusieurs méthodes et outils utilisables sur d’autres cultures (Jouany & Valé 2017). Pour identifier un stress phosphaté a posteriori, il est possible d’interpréter les teneurs en phosphore de la biomasse aérienne de la culture à des stades-clefs. La teneur est alors interprétée en fonction de la biomasse produite : c’est la dilution de l’élément limitant qui peut induire une carence.

Concernant les carences en phosphore, celles-ci peuvent donc être identifiées en fonction de la biomasse produite mais aussi de la teneur en azote. L’azote est un facteur très souvent plus limitant pour les non-légumineuses dans les systèmes en AB comme a pu le montrer le projet InnovAB (Fontaine L. et al. 2019).

La réponse du soja au phosphore suivie sur le long terme

Sur légumineuses, il n’existait jusqu’à récemment aucun outil de diagnostic pour le phosphore. Pour créer ce type d’outil, il est nécessaire de tester pour différentes disponibilités en phosphore la réponse des cultures en termes de biomasse produite et de dilution de l’élément phosphore dans cette biomasse.

Un essai longue durée suivi par l’UMR AGIR de l’INRAE d’Auzeville (31) a permis de mettre en évidence la réponse du soja à différents niveaux de P. Ce dispositif, conduit en agriculture conventionnelle et existant depuis 1969, permet d’étudier la réponse au P des cultures annuelles. L’essai consiste à suivre l’évolution du sol et des cultures selon trois traitements sous forme minérale : P1 (25 kg P2O5/ha), P2 (50 kg/ha) et P4 (76 kg/ha). Un témoin P0 ne reçoît pas de phosphore. Chaque modalité reçoît par ailleurs la même dose d’azote.

Il existe aujourd’hui un fort gradient de P au sein du dispositif avec des teneurs en P Olsen variant de 7 ppm (P0) à 53 ppm (P4) de P2O5

Un soja a donc été semé le 1er juin en 2021 sur cet essai dans l’optique d’identifier deux éléments : le stade clef où des carences peuvent être diagnostiquées et le seuil de réponse du soja à des faibles disponibilités en P. Pour identifier le stade, il était impératif de trouver les repères de stades après sevrage de la plante des réserves de la graine.

Vers un outil opérationnel pour diagnostiquer le stress lié au phosphore sur le soja

Le suivi du soja tous les 3 à 4 jours a pu montrer un début de réponse de la culture sur le traitement P2. En réalité, le seuil où le soja commence à être carencé sur les sols de l’essai doit être situé entre les traitements 1 et 2. Une teneur en P-Olsen sur 0-30 cm a permis de discriminer plus fortement les différences entre les niveaux de traitement est le stade de remplissage du grain. Cela suggère donc qu’il s’agit du stade de référence à privilégier pour estimer l’existence d’une carence dans le développement du soja.

Figure 1 : Courbe des teneurs critique en P en fonction de biomasse estimée d’après le suivi du soja effectué en 2021 sur l’essai d’Auzeville
Figure 1 : courbe des teneurs critique en P en fonction de biomasse estimée d’après le suivi du soja effectué en 2021 sur l’essai d’Auzeville

En identifiant les traitements qui ont été limitants, une courbe critique a pu être établie (figure 1). Cette courbe permet de représenter l’optimum de concentration en phosphore dans la culture : si on a une valeur inférieure, on pourra potentiellement observer une carence liée à une faible disponibilité en phosphore.

Néanmoins, une certaine incertitude est associée à ces valeurs seuils : une valeur à peine inférieure à ces seuils n’aura pas nécessairement d’impact sur le développement de la culture. En guise d’exemple, sur les indices de nutrition azoté, il est souvent considéré que le ratio de la teneur observée rapportée à la teneur optimum/seuil doit être inférieure à 0,8 pour avoir un impact réel sur le développement de la plante.

A la suite de ce travail, il sera nécessaire de poursuivre les travaux et les acquisitions de données afin d’affiner la construction de cette courbe critique et d’étudier le lien entre carence observable via cet outil de diagnostic et la chute de rendement potentielle.

Un meilleur diagnostic pour identifier les situations à risque en AB

Actuellement, seules les graminées et les prairies bénéficient d’outil de diagnostic fonctionnels. Il sera nécessaire d’adapter ce travail à d’autres cultures souvent mises en place comme le pois ou la féverole. Ces outils pourraient permettre d’identifier les situations limitantes en phosphore et de déplafonner les rendements de ces légumineuses en AB ainsi qu’en conventionnel. En effet, ces outils se basent sur des concepts physiologiques de dilution des éléments qui sont indépendants du mode de production. Néanmoins, en AB, l’enjeu d’avoir des outils opérationnels pourrait être plus important dans la mesure où l’utilisation de légumineuses en cultures principales ou intermédiaires est indispensable à la nutrition azotée et à la pérennité des systèmes en AB.

Article rédigé par Enguerrand Burel et Eve-Anna Sanner (CREABio) d’après les résultats du stage de Yoann Leopold co-encadré par Claire Jouany et Enguerrand Burel

Fontaine L. 2019. InnovAB - Améliorer les systèmes de grande culture en agriculture biologique : enseignements d’un réseau d’expérimentations de longue durée. Innovations Agronomiques, 71, 295-309.

Jouany C., Valé M. 2017. Diagnostic d’état nutritionnel des cultures : Principes et méthodes basés sur l’analyse de plante. In: Colomb B., COMIFER. Guide de la fertilisation raisonnée. Paris, France : Editions France Agricole, 270-280.  (Agri-Production, n°2).

Mitran, T., Meena, R.S., Lal, R., Layek, J., Kumar, S., Datta, R. 2018. Role of Soil Phosphorus on Legume Production. In: Meena, R., Das, A., Yadav, G., Lal, R. (eds) Legumes for Soil Health and Sustainable Management. Springer, Singapore. https://doi.org/10.1007/978-981-13-0253-4_15
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