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Bourgogne-Franche-Comté

Stade épi 1 cm en avance : comment adapter la fertilisation azotée sur céréales ?

La trajectoire actuelle oriente d’ores et déjà vers un stade épi 1 cm anticipé d’une dizaine de jours cette année par rapport aux normales sur vingt ans. Il est important, par conséquent, d’adapter la stratégie d’apport en fonction de la diversité des stades de chacune des parcelles.

Semis de blé en début de montaison en Bourgogne-Franche Comté en 2024

Ce début de campagne 2023-2024 est marqué par un climat particulièrement doux et humide. Les températures sont au-dessus de la moyenne de ces vingt dernières années pour toutes les stations, et le cumul de pluies du 1er octobre 2023 au 15 février 2024 s’étend d’environ 400 mm à plus de 600 mm, soit toujours au niveau du maximum des vingt dernières années.

La majorité des semis réalisées avant le 20 octobre capitalise une offre climatique importante tandis que les semis postérieurs ont été réalisés sur une période très étalée dans des conditions humides. Cela a pour conséquences des différences de développement (et de densité). Toutefois, les délais entre le semis et le stade épi 1 cm sont toujours plus courts pour des semis tardifs que pour des semis précoces (tallage moindre).

La carte 1 montre les anomalies de températures cumulées depuis le 1er octobre sur la région (en écart à la moyenne 20 ans). Cet excès de températures se situe entre plus 200 et plus 260 degrés base 0 ; il est même supérieur à 260 degrés dans le Jura et au sud de la Saône-et-Loire. Au niveau physiologique, cet excès de température enregistré peut correspondre, pour des semis précoces en bonnes conditions, à environ 2 talles supplémentaires par rapport à la moyenne historique.

Carte 1 : Anomalie de températures cumulées depuis le 1er octobre sur la région Bourgogne-Franche-Comté

Carte 1 : Anomalie de températures cumulées depuis le 1er octobre sur la région Bourgogne-Franche-Comté

Source : ARVALIS – Méteo France

Des reliquats sortie hiver faibles à moyens

Sans surprise, le reliquat moyen d’azote disponible dans les sols est légèrement plus faible que l’an passé sur les résultats issus des synthèses d’analyse réalisées par Auréa sur un ou deux horizons (0-30 cm et 30-60 cm) entre le 1er janvier et le 14 février (tableau 1).

Tableau 1 : Reliquat azoté moyen pour les parcelles prélevées sur un ou deux horizons – Synthèse des mesures effectuées par Auréa du 1er janvier au 14 février 2024

Tableau 1 : Reliquat azoté moyen pour les parcelles prélevées sur un ou deux horizons – Synthèse des mesures effectuées par Auréa du 1er janvier au 14 février 2024

Source : Auréa

Ces évolutions du reliquat d’azote sont à mettre en corrélation avec l’important cumul de précipitations enregistré depuis cet automne avec un gradient ouest-est sur la région.

Carte 2 : Cumul de pluies (mm) du 1er Octobre au 15 février sur la région Bourgogne-Franche-Comté

Carte 2 : Cumul de pluies (mm) du 1er Octobre au 15 février sur la région Bourgogne-Franche-Comté

Source : ARVALIS – Météo France

En parallèle, l’hiver 2023/2024 est globalement doux, ce qui implique des reprises précoces de la minéralisation de la matière organique des sols.

Des céréales en avance

L’année 2024 s’annonce précoce, voire très précoce comme 2007 et 2020. La précocité observée actuellement va très probablement impacter les semis tardifs (moindre tallage).

Les dates prévisionnelles du stade épi 1 cm sur notre région s’étalent sur mars en se situant entre :

  • Début mars pour les semis précoces et les variétés à reprise précoce (ex : KWS Ultim semée le 15/10 à Sens) ;
  • Fin mars pour une variété tardive semée tard (ex : Chevignon semée le 5/11 à Châtillon sur Seine).

Cela correspond à environ une dizaine de jours d’avance par rapport à la médiane des vingt dernières années.

Recommandations pour adapter ses apports d’azote 

Compte tenu des pluies importantes, l’enracinement des céréales sera moins efficace (moins profond et moins dense). Cela sera d’autant plus important sur des semis tardifs et pourra être aggravé dans les mouillères. Dans ce contexte de semis tardifs, il est conseillé de se limiter à des apports de 60 à 70 kg N/ha pour diminuer les risques de mauvaise valorisation. Voici dans les arbres de décisions quelques exemples de fractionnement :

Schéma 1 : Exemple de fractionnement des apports d’azote pour un semis précoce

Schéma 1 : Exemple de fractionnement des apports d’azote pour un semis précoce

Schéma 2 : Exemple de fractionnement des apports d’azote pour un semis tardif

Schéma 2 : Exemple de fractionnement des apports d’azote pour un semis tardif

* A ajuster en fonction du bc de la variété. Ex : mettre en réserve 60 uN pour CELEBRITY, CHEVIGNON, KWS ULTIM… et mettre en réserve 40 uN pour LG ABSALON, INTENSITY, PRESTANCE… Blé tendre : les besoins en azote des variétés réactualisés
**dès que pluie annoncée

Pour le pilotage de l’apport fin montaison avec la pince HN-Testeur, penser à faire une zone sur-fertilisée pour les mélanges de variétés et les blés améliorants.

Le choix de la forme d’azote impacte le rendement mais aussi la qualité de la récolte. De nombreux résultats d’essais montrent que sur le plan de l’efficience de l’absorption de l’azote, l’ammonitrate sort gagnant devant l’urée et surtout devant les solutions azotées lorsque ces deux dernières formes sont sans adjuvant ni enrobage. En blé, il n’y a pas d’écart de rendement significatif entre une fertilisation à base d’urée ou d’ammonitrate, mais l’urée est moins efficace pour gagner des protéines. Les solutions azotées sont moins efficientes tant sur les plans du rendement que des protéines avec, en moyenne 3,3 q/ha de rendement en moins qu’avec l’ammonitrate, et plus d’un demi-point de protéines en moins.

Rappel ! Penser à la fertilisation soufrée cette année !
Dans les situations les plus à risques, c’est-à-dire sur sols superficiels, pauvres en matière organique et ne recevant pas d’apports de produits organiques, ayant reçu de forts abats d’eau depuis l’automne, un apport de 30 à 50 kg de SO3/ha est recommandé selon le potentiel de rendement (voir la grille soufre ARVALIS).
La date d’apport optimale est de fin tallage à épi 1 cm. Si l’apport est réalisé avec des engrais azote-soufre, il convient de le positionner au plus près des besoins, plutôt juste avant le stade épi 1 cm.

Et pour les orges ?

Orges d’hiver

Tout comme en blé, il est indispensable de réajuster le potentiel de la parcelle si nécessaire (jaunisse nanisante de l’orge, anoxies racinaires…).

Jusqu’au stade épi 1 cm, apporter la dose d’azote calculée avec la méthode du bilan. A ce stade, sur-fertiliser une zone adjacente avec environ 80 kg N/ha supplémentaires pour piloter un apport courant montaison. La taille de la zone doit être suffisante pour pouvoir réaliser les mesures N-Tester (mini 20 m x 20 m pour des engrais solides et 10 m x 10 m pour des formes liquides). Eviter les tournières ou les zones hydromorphes afin d’être le plus représentatif de la parcelle.

Entre les stades 1 et 2 nœuds, sous réserve que l’apport épi 1 cm ait été valorisé par au moins 15 mm de pluie, établir un diagnostic avec la pince N-Tester d’une part sur la parcelle, d’autre part sur la zone adjacente sur-fertilisée. Puis se rendre sur https://www.at.farm/fr/n-tester/ afin d’interpréter les mesures et télécharger votre conseil.

Orges de printemps en semis de printemps

Le débouché des orges de printemps est brassicole, ce qui implique de faire attention à la teneur en protéines à travers la maîtrise de la dose totale d’azote apportée et, dans une moindre mesure, son fractionnement.

La gestion du fractionnement doit trouver un compromis entre une bonne valorisation de l’azote (apports pas trop précoces, en cohérence avec les besoins) et une teneur en protéines compatible avec les exigences brassicoles (9,5 à 11,5 % protéines).

En semis tardif, le fractionnement avec un apport dès le semis (1/2 à 2/3 de la dose totale, si possible enfoui) est conseillé pour accompagner une levée rapide. Nos essais démontrent que le fractionnement 1/3 de la dose au semis et 2/3 à tallage est une stratégie robuste car elle permet de répartir les risques entre année sèche et année humide. En 2024, on s’oriente vers des semis de mi-mars comme en 2020, en fonction des conditions et de la date de semis, le rendement devrait probablement être revu à la baisse et la fertilisation adaptée pour ne pas craindre un déclassement.

À retenir 
- L’année 2024 est une année précoce, voire en record de précocité, comme en 2007 et 2020.
- Des stades épi 1 cm en avance d’une dizaine de jours par rapport à la médiane des vingt dernières années.
- Si défaut d‘enracinement suites aux excès d’eau, l’apport « épi 1 cm » en blé tendre est à fractionner en deux fois, limitées pour éviter les risques de mauvaise valorisation (possible en cas de dose X > 200 uN).
- Pour le pilotage de l’orge d’hiver et de printemps brassicole mais également des mélanges variétaux de blé tendre et aussi des variétés de blé améliorants, penser à mettre en place une zone sur-fertilisée au stade épi 1 cm, pour pouvoir utiliser la méthode HN-Tester.

Article rédigé par les partenaires de « Blé Orge Objectifs Protéines » (BOOP) Bourgogne-Franche-Comté : CHAVASSIEUX Diane et BOUNHOURE Léa (ARVALIS), BLAS Jérémie (CA21), BONNIN Emmanuel (Soufflet Agriculture), FOLTIER Benjamin (Axereal), CHOPARD Patrick (CA39), COURBET Emeric (CA70), DERELLE Damien (SeineYonne), FLAMAND Romain (SAS Bresson), KOEHL Philippe (Interval), LACHMANN Alexandre (Bourgogne du Sud), LOISEAU Marie-Agnès (CA89), MIMEAU MICKAËL (Alliance BFC), VILLARD Antoine (CA71) et ZAMBOTTO Cédric (CA58)

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