Pucerons et cicadelle : quelle stratégie insecticide adopter sur céréales ?
La surveillance des parcelles révèle une présence de pucerons et/ou de cicadelles ? Il y a donc un risque de transmission de maladies virales et il faut y remédier rapidement. Mais le choix de la stratégie la plus appropriée et de sa mise en œuvre soulève quelques questions.
Il est important de combiner différents leviers de lutte afin d’éviter les pertes de rendement dues à la jaunisse nanisante de l’orge (JNO) et la maladie des pieds chétifs. Trois leviers majeurs sont actuellement disponibles : la date de semis , le choix variétal et la protection insecticide. Focus sur la stratégie de protection insecticide.
Pour protéger les céréales à paille contre la JNO et la maladie des pieds chétifs, il est nécessaire de limiter au maximum l’abondance et la durée d’activité dans les parcelles des insectes vecteurs de virus, pucerons et/ou cicadelles. Les conditions climatiques, notamment la température, influent fortement sur leur activité. Des températures douces, sans être nécessairement chaudes, peuvent être favorables à la propagation de la maladie dans la parcelle même si l’abondance de population semble limitée. Si le climat ne peut être un allié pour limiter rapidement les risques, il faut être réactif et, si nécessaire, recourir à une protection insecticide.
Quand traiter ?
La date de traitement ne doit pas être définie en fonction du stade de développement de la culture ou d’une date calendaire. Seules les observations réalisées dans la culture, ou sur pièges pour les cicadelles, permettent de déterminer la période optimale de traitement. Ceci est valable pour la première intervention ou pour un éventuel renouvellement. En effet, les insecticides actuellement disponibles ont une action de contact qui leur confère une persistance d’action assez limitée. La lutte sera efficace vis-à-vis des ravageurs présents au moment du traitement et seules les feuilles déjà développées seront protégées.
Si la végétation a une vitesse de croissance rapide et que les colonisations se poursuivent (captures sur les pièges englués ou observation de pucerons ailés sur les jeunes feuilles), l’efficacité de l’insecticide pourra être insuffisante à cause d’individus arrivés après le traitement. Dans cette situation, l’application insecticide pourra être renouvelée.
A notre connaissance, il n’y a pas de travaux récents disponibles permettant de définir les conditions optimales d’efficacité des traitements concernant le type de buse ou la période de traitement dans la journée. S’agissant de produits de contact, il est déconseillé d’appliquer le produit insecticide avec un faible volume de bouillie.
Avec quel produit ?
Le choix du produit est assez simple compte tenu de la faible diversité des substances actives disponibles. Les différents produits homologués à ce jour sur les céréales à paille et efficaces comportent tous une substance active appartenant à la famille des pyréthrinoïdes. Quelques différences d’efficacité sont constatées entre les produits et substances actives de cette famille en situation de fortes infestations de pucerons dans nos conditions expérimentales. Les produits à base de lambda-cyhalothrine (référence : Karaté Zéon) présentent la meilleure efficacité et la meilleure régularité. Cependant, dans des conditions optimales d’application et face à des infestations moins soutenues, la différence d’efficacité avec d’autres substances actives disponibles (tau-fluvalinate, esfenvalérate, cyperméthrine ou encore deltaméthrine) appliquées à leur dose maximale autorisée reste le plus souvent assez faible.
Si l’application de l’insecticide vise également les cicadelles, le choix de la solution doit également prendre en compte son autorisation contre ce ravageur. Certains produits, notamment à base de cyperméthrine, ne sont pas homologués vis-à-vis des cicadelles. En ce qui concerne leur efficacité, aucune différence n’a été mise en évidence entre les spécialités commerciales.
Lire aussi : « Mélange herbicide racinaire et insecticide : attention aux buses et aux volumes de bouillie »
Il est également nécessaire de veiller aux contraintes spécifiques accompagnant chaque spécialité, que ce soit le nombre maximal d’applications autorisées (de 1 à 3), le délai nécessaire entre 2 applications (pouvant aller jusqu’à 21 jours) ou encore la zone de non-traitement (de 5 à 50 m).
Dans le cas où il est à la fois nécessaire de réaliser un traitement insecticide et un traitement herbicide, il conviendra alors de s’assurer que le mélange est autorisé car les spécialités présentent des contraintes spécifiques.
Tableau 1 : Principales spécialités insecticides applicables en végétation contre les vecteurs de viroses des céréales à paille
Deux spécialités comportent une substance active n’appartenant pas à la famille des pyréthrinoïdes :
- Karaté K associe lambda-cyhalothrine et pyrimicarbe. Efficace mais pour un coût plus élevé.
- Teppeki, à base de flonicamide (IRAC 29), est autorisée uniquement sur blé, triticale et épeautre, et dispose de l’usage pucerons (pucerons du feuillage et pucerons des épis). Son intérêt pour la protection contre la JNO n’a pas été mis en évidence dans nos essais (gain de rendement proche de 50 % de celui obtenu par la référence en moyenne sur 6 essais 2017 et 2018) et son usage à l’automne n’est pas préconisé par la firme détentrice.
Bien utiliser les pyréthrinoïdes pour limiter les risques de résistance
Par conséquent, seules des spécialités contenant des pyréthrinoïdes sont recommandées. Cette situation est favorable à l’apparition de résistance au sein des populations de ravageurs. Un premier cas de Sitobion avenae présentant une résistance à des substances actives de la famille des pyréthrinoïdes a été détecté en France en 2020. Si actuellement il n’est pas mis en évidence de perte d’efficacité, ce risque ne peut cependant pas être négligé.
Par mesure de précaution, et à défaut de pouvoir diversifier les familles chimiques, il est conseillé de diversifier autant que possible les spécialités :
- en recourant au seul produit associant deux modes d’action (Karaté K) ;
- en diversifiant les produits de la famille des pyréthrinoïdes en fonction de la sous-famille à laquelle la substance appartient (tableau 2). Les sites de fixation de la substance active sur la cible (non formellement identifiés à ce jour) peuvent différer entre ces produits, leurs différences pourraient ainsi contribuer à abaisser le risque de développement de résistance.
L’application des produits de différentes sous-familles en mosaïque à l’échelle d’un bassin de production pourrait contribuer à retarder l’éventuelle apparition de résistance.
Tableau 2 : Les trois sous-familles des pyréthrinoïdes
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