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Chaulage : une décision qui repose sur le besoin de corriger plus ou moins rapidement le pH acide du sol

La mesure du pHeau du sol suffit pour faire un diagnostic d’acidité et prendre la décision de chauler. Tant qu’il ne descend pas au-dessous de 6, l’apport d’amendement minéral basique peut être différé d’un an sans risque sur le rendement. En-deçà, le choix du produit dépend du besoin de coriger plus ou moins rapidement le pH du sol : à l’exception des parcelles qui nécessitent un redressement urgent (pHeau < à 5,5), les amendements à action moyennement rapide voire lente suffisent.

Amendements basiques : quelles sont les économies possibles ?

Pour la grande majorité des cultures (céréales, maïs, prairies temporaires…), le maintien du pHeau dans la gamme 6 – 6,5 avec le chaulage d’entretien permet de s’affranchir de tout problème lié à l’excès d’acidité. Tant que le pHeau ne descend pas au-dessous de 5,8 (5,5 en sols sableux), le risque de perte de rendement reste faible, sauf pour l’implantation d’une luzerne où ce seuil est fixé à 6. Pour des parcelles au pHeau supérieur ou égal à 6, l’apport d’amendement minéral basique peut attendre.

En pH acide, l’aluminium devient toxique

L’abaissement du pH dans les sols acides contribue à rendre de plus en plus solubles certains composés minéraux contenant de l’aluminium. Ces composés deviennent toxiques et conduisent à des baisses de rendement importantes lorsque le pHeau est inférieur à 5,5. La suppression de la toxicité de l’aluminium dans les sols trop acides est la fonction première dévolue aux amendements basiques.

Les légumes sont les cultures les plus affectées par l’acidité. Parmi les céréales, l’orge s’avère sensible à la toxicité aluminique alors que le triticale et le maïs le sont peu. Les prairies temporaires ont un comportement proche du maïs. La luzerne est un cas à part puisque l’installation de son rhizobium nécéssite un pHeau supérieur à 6.

Choisir en fonction de la rapidité d’action du produit

Les amendements disponibles sont de deux types : les produits cuits (oxydes de calcium et de magnésium) et les produits crus (carbonates de calcium et de magnésium). Ces derniers sont classés comme pulvérulents, broyés ou concassés selon leur granulométrie. Cette classification, associée à la mesure de la solubilité carbonique du produit, conditionne la vitesse d’action de l’amendement. Les produits pulvérulents, les plus fins, ont donc généralement une action rapide et conviennent bien pour les apports de redressement destinés à remonter le pH du sol au-dessus de la gamme où il est défavorable aux cultures. De leur côté, les produits broyés ou concassés, dont l’action est plus étalée dans le temps, conviennent bien pour les apports d’entretien, qui visent à maintenir le pH dans la gamme recherchée.

En chaulage d’entretien, privilégier les produits à action lente, les plus économiques

Tous les essais réalisés depuis de nombreuses années (Inra, instituts techniques, Chambres d’agriculture) ont montré que les produits d’action lente (carbonates broyés, sables calcaires…) répondent bien aux objectifs d’une stratégie d’entretien dans tous les sols régulièrement travaillés. Leur dissolution dans le sol, facilitée par les opérations culturales, permet de libérer chaque année une quantité suffisante de bases pour neutraliser l’acidification naturelle du sol.

D’après ces essais, il faut apporter l’équivalent de 150 à 350 kg CaO/ha/an selon les conditions climatiques et le système de culture pour maintenir le pHeau dans la gamme optimale. Lorsque les parcelles reçoivent des apports raisonnés d’effluents d’élevages, des apports moyens annuels inférieurs à ces préconisations permettent d’entretenir le pH du sol. Les apports peuvent être bloqués pour 4 à 5 ans.

Dans tous les cas, seul le suivi régulier du pHeau (tous les 5 ans par exemple) permet de gérer de manière précise le chaulage d’entretien.

Les produits à action rapide ne sont justifiés qu’en cas de redressement

Les produits à action rapide tels que les chaux et carbonates pulvérisés ne s’imposent que dans les situations nécessitant un redressement d’urgence, c’est-à-dire lorsque le pHeau est inférieur à 5,5 et que le délai entre l’apport et l’implantation de la culture suivante est court (quelques semaines).

Dans les autres cas, les amendements à action moyennement rapide ou lente conviennent également.

Prenons un exempleEn chaulage d’entretien, un besoin de 200 kg CaO/ha par an peut conduire à un apport tous les 4 ans de 800 kg CaO/ha. L’utilisation d’un carbonate broyé à 40 unités de Valeur Neutralisante (VN 40), conduit à un apport de 2 t/ha (pour un coût proche de 70 €/ha tous les 4 ans). En comparaison, un apport de chaux vive (VN 90) conduirait à un coût proche de 160 €/ha, et un carbonate pulvérisé (VN 54) à un coût proche de 110 €/ha.

Gare aux excès !

Si le niveau plancher se situe à 6, il est également recommandé de ne pas dépasser un pH de 6,5 dans la majorité des situations, à l’exception des systèmes betteraviers et sols limono sableux instables drainés. Au-delà, des risques de carence parfois sévères en oligo éléments (manganèse, bore, cuivre, zinc) sont à craindre dans certains sols, en particulier les sols granitiques riches en matière organique (figure 1).

Un suivi réalisé en Bretagne sur 16 parcelles au cours des campagnes 2015 et 2016, présentant de fortes carences en manganèse sur céréales a montré que ces parcelles présentaient une moyenne de pHeau élevée et proche de 6,8.

Par ailleurs, le piétin échaudage et la gale de la pomme de terre deviennent plus importants lorsque le pHeau est proche de 7. Si des symptômes ont déjà été observés, il faut veiller à ne pas dépasser ce seuil de 6,5. Au-delà de ce niveau de pHeau, l’arrêt du chaulage est même recommandé !



Les carences en manganèse sont favorisées par les sols soufflés et des niveaux de pHeau trop élevés.

Une amélioration de l’état structural dans quelques situations très spécifiques

L’apport d’amendements minéraux basiques est aussi pratiqué dans bien des parcelles sans problème lié à l’acidité du sol. La motivation première de pratiques de chaulage visant un pH supérieur à 6,5 voire 7, est alors l’amélioration ou le maintien de l’état structural du sol pour prévenir sa prise en masse. Cependant, les effets bénéfiques de telles pratiques ont été observés principalement sur des sols limoneux ou limono sableux battants, à faible teneur en matière organique (< 1,8 %), à CECMetson faible (inférieure à 7 cmol(c)/kg), drainés, sensibles à la prise en masse les hivers pluvieux.

Figure 1 : Modifications des propriétés chimiques et biologiques du sol liées aux variations de pHeau

(source ARVALIS)

Les enjeux d’un report de chaulage

En situation d’entretien, lorsque le pHeau du sol est compris entre 6 et 6,5, le risque de perte de rendement associée au décalage d’1 ou 2 ans de l’apport d’amendement, est faible.

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