Articles et actus techniques

Nouvel arrêté pollinisateur - Décodage d’une règlementation complexe

L’arrêté pollinisateurs du 21 novembre 2021 encadre les applications de produits phytosanitaires pendant les périodes de floraison sur « cultures attractives » ou sur « zone de butinage ». Les traitements autorisés sont alors soumis à une contrainte horaire en lien avec l’heure du coucher du soleil. Revue de détails des nouvelles dispositions et de la période transitoire.

Le précédent arrêté pollinisateurs du 28 novembre 2003 interdisait l’utilisation des insecticides et acaricides sur toutes les cultures en floraison et en période de production d’exsudats. Par dérogation, les insecticides et acaricides portant une mention abeilles étaient autorisés, en dehors de la présence des abeilles.

Avec le nouvel arrêté du 21 novembre 2021, le principe d’interdiction est remplacé par un régime d’autorisation d’utilisation des produits phytopharmaceutiques pendant la floraison des cultures sous certaines conditions restrictives. Cette autorisation est soumise à un examen spécifique des produits par l’ANSES.

Des évolutions majeures

Plusieurs changements majeurs sont apportés par rapport à la version de 2003.

Outre le fait qu’on passe d’un régime d’interdiction-dérogation à un système d’autorisation basé sur une évaluation spécifique, cet arrêté présente quatre changements majeurs.

D’une part, le périmètre du nouvel arrêté, qui est rentré en vigueur le 1er janvier 2022, s’étend à l’ensemble des produits phytopharmaceutiques utilisés en pulvérisation (herbicides, fongicides, insecticides, acaricides, régulateurs, adjuvants).

D’autre part, il s’intéresse aux utilisations pendant la période de floraison sur « cultures attractives pour les pollinisateurs », ou aux utilisations sur les « zones de butinage ».

Ensuite, le nouvel arrêté instaure une plage horaire pour l’application des produits autorisés : elle doit intervenir uniquement pendant les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les 3 heures qui le suivent (cf. éphéméride).

Enfin, l’arrêté utilise souvent les termes associés de « abeilles et autres pollinisateurs ». Cependant, il ne donne qu’une définition pour le terme « abeilles », qui couvre « les abeilles domestiques, les abeilles sauvages et les bourdons ».

Un arrêté qui s’applique aux cultures attractives

Quelques nouvelles notions méritent d’être précisées. La première est la notion de culture attractive pour les pollinisateurs. Au sens de l’arrêté, une culture attractive est « une culture qui, par sa nature, présente un attrait pour les abeilles ou d’autres insectes pollinisateurs ». Cela concerne donc la période de floraison.

Une première liste de cultures non attractives a été éditée dans le Bulletin officiel du 24 mars 2022 par le ministère de l’Agriculture. Elle se base sur des évaluations réalisées par l’ANSES et différents instituts techniques. Figurent dans cette liste :

  • les céréales à paille (avoine, blé, épeautre, orge, riz, seigle, triticale, tritordeum et autres hybrides de blé),
  • les autres cultures céréalières (hors sarrasin et maïs),
  • les graminées fourragères, dont le moha et les ray-grass (hors maïs),
  • le houblon,
  • la lentille,
  • le pois,
  • la pomme de terre,
  • le soja,
  • la vigne.

Ces cultures non attractives ne sont donc pas concernées par le nouvel arrêté. Toutefois, les restrictions antérieures propres à chaque produit ou usage, spécifiées dans les AMM au travers de la phrase Spe8 et les mentions associées, sont toujours d’actualité.

Les cultures intermédiaires potentiellement concernées

La deuxième notion apparaissant dans l’arrêté est la zone de butinage. La définition officielle est la suivante : « à l’exclusion des cultures en production, une zone de butinage est un espace agricole ou non agricole occupé par un groupement végétal cultivé ou spontané, qui présente un intérêt manifeste pour les abeilles ou d’autres insectes pollinisateurs du fait de la présence de fleurs ou d’exsudats. Au sens du présent arrêté, les utilisations de produits sur les zones de butinage sont celles visant à traiter spécifiquement ces zones, indépendamment de l’utilisation sur les cultures en production ».

De manière synthétique, on peut considérer que les parcelles de grandes cultures ne sont pas concernées par les zones de butinage, à l’exception des cultures intermédiaires qui pourraient être traitées pendant leur floraison.

Ne sont pas concernés non plus les couverts associés (plantes de service) dans une culture, même fleuris, car ils ne sont pas explicitement visés par les traitements.

Des cas particuliers sans contraintes horaires

Des exemptions existent pour l’application de produits phytopharmaceutiques sans contraintes horaires. C’est le cas de l’activité exclusivement diurne d’un bioagresseur ou la présence de maladie nécessitant des applications dans des délais contraints.

Une période de transition jusqu’au 20 juillet 2022 permet, durant la floraison sur culture attractive ou zone de butinage, la possibilité de traitement sans contrainte horaire à condition que la température soit suffisamment basse afin d’éviter la présence d’abeilles ou autres pollinisateurs. Dans ce cas, un enregistrement des conditions de traitements est exigé, en précisant l’heure de début et de fin de traitement et le motif ayant motivé la modification de la période de contraintes horaires. A ce jour, aucune précision n’a été apportée pour définir le seuil de température.

Une phase d’évaluation des produits commence

Au point de vue des autorisations de mise sur le marché (AMM des nouveaux produits et des renouvellements), l’arrêté institue un nouveau processus d’évaluation scientifique des risques vis-à-vis des pollinisateurs (figure 1). Réalisée par l’ANSES, cette évaluation complémentaire à ce qui se pratiquait déjà permettra d’établir si l’application est interdite ou possible sous restrictions.

Figure 1 : Processus d’évaluation scientifique des risques vis-à-vis des pollinisateurs par l’ANSES
Processus d’évaluation scientifique des risques vis-à-vis des pollinisateurs par l’ANSES

Au sortir de cette évaluation, les produits qui bénéficient des mentions « exposition négligeable, ou ne provoque pas d’effet inacceptable, aigu ou chronique, sur les abeilles ni d’effet sur la survie et le développement des colonies » seront autorisés pour un usage dans les conditions du nouvel arrêté.

En termes d’étiquetage, la mention « abeille » de l’ancien arrêté de 2003 va progressivement disparaître au profit de nouvelles mentions qui seront sans doute associée à la phrase SPe8.

Bien lire les étiquettes !

La difficulté va donc être de s’y retrouver pendant la période de transition, avant que tous les produits soient passés par la nouvelle évaluation spécifique.

Sur cultures non attractives, le nouvel arrêté ne s’applique pas, mais il n’annule pas les éventuelles restrictions antérieures propres à chaque produit ou usage. Les spécifications des AMM contenues dans la phrase Spe8 sont toujours d’actualité.

Sur cultures attractives, le nouvel arrêté s’applique d’ores et déjà (contraintes horaires, tous produits). Et dans l’attente des nouvelles mentions, les anciennes spécifications s’appliquent aussi.

En résumé, il faut toujours lire les étiquettes pour identifier les restrictions d’emploi.

Pour en savoir plus, téléchargez l’arrêté du 21 novembre 2021.

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.