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Maladies du triticale : adapter la protection à la sensibilité variétale

Très rustique lors de son démarrage au début des années 1980, le triticale a été soumis à des pressions biotiques de plus en plus importantes. Elles ont entraîné des contournements génétiques et mis en évidence des sensibilités variétales à différentes maladies. Les efforts de sélection variétale ont permis d'atténuer fortement ces défauts. Le point sur la situation en 2019 et repères pour 2020.

Le point sur les résistances des variétés de triticale aux maladies

Sur triticale, l’oïdium et la rouille jaune sont à l’origine des dégâts les plus fréquemment rencontrés. Leur présence précoce courant montaison impose un traitement fongicide avant le stade dernière feuille pointante. En l’absence précoce de ces maladies et de risque fusariose, un seul traitement positionné au stade dernière feuille étalée constitue un bon compromis.

Le recours à un programme en deux traitements fongicides sur triticale s’impose uniquement pour les variétés sensibles aux maladies.

Tableau 1 : Efficacité par maladie des principaux fongicides ou associations utilisables sur triticale en 2020

Depuis 3 ans, le panel variétal s’est largement étoffé, avec des variétés présentant un potentiel intéressant et de bons niveaux de résistance aux maladies.

La présence de rouille jaune provoque les dégâts les plus importants. Ainsi, Kaulos, KWS Fido et Rivolt, qui montrent une très forte sensibilité à cette maladie, présentent les dégâts les plus élevés en l’absence de traitements fongicides (figure 1).

L’oïdium provoque également des dégâts importants sur triticale, même si les pertes de rendement occasionnées ne sont pas aussi importantes que celles provoquées par la rouille jaune. Vuka et Tribeca présentent ainsi des pertes de rendement élevées en lien avec leur sensibilité à l’oïdium.

A noter la très bonne résistance aux maladies de Jokari, RGT Ruminac, RGT Omeac, RGT Suliac...

Figure 1 : Pertes de rendement en l’absence de traitements fongicides sur triticale (nuisibilité pluriannuelle 2017 à 2019)

La nuisibilité est exprimée en % des variétés présentes 3 ans. Les chiffres et le point central indiquent respectivement le millésime et la moyenne pluriannuelle (ex : 9 = 2019).

La rouille jaune reste une problématique majeure !

La rouille jaune est particulièrement agressive sur triticale. Les symptômes sont identiques à ceux du blé : stries jaunes qui correspondent à l’alignement des pustules sur la feuille. Ces symptômes peuvent apparaître dès le stade tallage et se développent généralement durant la montaison.


Depuis 2013, la rouille jaune s’observe sur épis dont les symptômes ne sont pas toujours faciles à détecter. Une partie de l’épi est décolorée mais cela peut passer pour un début de maturité. Il faut donc écarter la glume pour apercevoir les spores de rouille jaune qui, en fonction du stade d’infection, ont pu (ou non) faire avorter le grain.

Il faut donc rester très attentif sur Kaulos, KWS Fido, Rivolt, Tricanto et la nouveauté RGT Epiac.

En revanche, Brehat, Jokari, Bikini, RGT Bivouac, RGT Omeac, RGT Ruminac et Vuka sont d’un très bon niveau de résistance. A noter que Kereon présente une sensibilité au stade jeune (début montaison) qui s’atténue ensuite fin montaison.

Rappelons que les races de rouille jaune sont très évolutives et peuvent être particulièrement nuisibles sur triticale. Bien que les notes établies par le CTPS à l’inscription des variétés soient régulièrement mises à jour par ARVALIS, il est recommandé de rester vigilant et d’exercer une surveillance régulière des parcelles, y compris sur les variétés a priori résistantes.

Figure 2 : Echelle de résistance des variétés de triticale à la rouille jaune sur feuille

Oïdium : une sensibilité à maîtriser

Peu de variétés de triticale sont indemnes d’oïdium, à l’exception de Bréhat, RGT Ruminac, Volko et la nouveauté Rufus.

Tribeca et Bikini présentent la plus forte sensibilité, qu’il est parfois difficile de maîtriser dans les régions favorables à cette maladie. Cette forte sensibilité conduit à des pertes de rendement importantes en l'absence de protection fongicide. Bikini a la particularité d’être plus attaquée sur épis que sur feuillage, ce qui provoque de fortes pertes de rendement lorsque la maladie n'est pas bien contrôlée.


La sensibilité des variétés à l’oïdium est suivie avec attention sur triticale compte tenu de son évolution rapide et de la forte nuisibilité qu’elle provoque, en particulier lorsque les épis sont touchés.

Certaines techniques culturales permettent de limiter le risque de développement de l’oïdium, en particulier le fractionnement des apports d’azote (en limitant les apports précoces) et la densité de semis. Rappelons que les densités de semis sur triticale peuvent être limitées à 85 % des doses préconisées sur blé.

Figure 3 : Echelle de résistance des variétés de triticale à l'oïdium

Rouille brune : un classique souvent tardif

Les attaques de rouille brune interviennent généralement tardivement sur les variétés les plus sensibles. Attention toutefois, l’observation en fin de cycle n’est pas évidente et la confusion avec la rouille jaune reste possible.

Sur les observations pluriannuelles, Vuka (absente du regroupement 2019) est la seule variété parmi les plus cultivées qui montre une forte sensibilité à cette maladie.

A noter également la sensibilité de Jokari, RGT Omeac, Bikini et de la nouveauté Carmelo. Cette sensibilité reste toutefois inférieure aux variétés plus anciennes comme Vuka et Triskell.

En dehors des variétés sensibles, il est généralement inutile d’intervenir spécifiquement contre cette maladie.

Figure 4 : Echelle de résistance des variétés de triticale à la rouille brune

La rhynchosporiose se manifeste depuis quelques années

Fréquente sur orges, la rhynchosporiose se développe également sur triticale. Elle est généralement observée à partir du début de la montaison sur les variétés sensibles.

Tribeca, Kereon, RGT Bivouac et la nouveauté Carmelo sont les variétés les plus sensibles à cette maladie.


La nuisibilité de la rhynchosporiose reste à confirmer selon les régions.

Figure 5 : Echelle de résistance des variétés de triticale à la rhynchosporiose

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Une sensibilité à la septoriose inférieure au blé

Les feuilles de triticale peuvent également présenter, durant la montaison, des nécroses dues à des champignons de septoriose (surtout S. nodorum mais également Z. tritici).  Cependant, la sensibilité du triticale à la septoriose est inférieure à celle du blé.

D’autres maladies sont également parfois présentes sur les feuilles de triticale : Ascochytose ou Michrodochium… Ces différentes maladies, qui sont parfois difficiles à identifier, peuvent avoir une incidence sur la surface verte des dernières feuilles, sans vraiment savoir dire leur niveau d’impact sur le rendement, ni proposer aujourd’hui une grille de sensibilité variétale.

Fusariose des épis : un raisonnement similaire au blé

Le triticale présente une flore fusarienne identique à celle du blé, la prise en compte de la lutte contre la fusariose se réalise de la même manière sur les deux espèces. Avec le travail du sol et la rotation, la sensibilité variétale constitue un facteur important du risque d’accumulation de mycotoxines DON (déoxynivalénol), produites par des champignons du genre Fusarium (F. graminearum…).

Il est préférable de ne pas cultiver les variétés Kaulos, Kasyno, RGT Eleac… ainsi que les variétés récentes RGT Eleac et Rufus dans les situations à risque, en précédent maïs grain et travail simplifié notamment. A noter la bonne tolérance d’Elicsir, Volko et Rivolt au risque DON.

En cas de risque fusariose, la protection fongicide est impérative.

Figure 6 : Echelle de résistance des variétés de triticale au risque DON* (Fusarium graminearum)

Une grille d’évaluation du risque de contamination du triticale par le DON a été établie en 2016 grâce à 250 enquêtes agriculteurs menées sur trois ans. Elles ont permis de croiser des données d’itinéraires agronomiques avec des taux de contamination en DON.

Le triticale étant destiné à l’alimentation animale, le risque de contamination sur cette espèce a été défini par deux critères : la probabilité de dépasser le seuil de 900 μg de DON/kg de grain (seuil maximum recommandé pour l’alimentation des porcs et porcelets) et la moyenne de la teneur en DON.

Comme pour le blé tendre, la grille triticale estime le risque DON de 1 (risque le plus faible), à 7 (risque le plus fort). Une variété est dite « sensible » si sa note d’accumulation en DON est inférieure ou égale à 3,5 et « peu sensible » si cette note est supérieure ou égale à 6.

Tableau 2 : Grille d’évaluation du risque d’accumulation du déoxynivalénol (DON) dans le grain de triticale

Recommandations associées à chaque niveau de risque :
1 et 2 : Le risque fusariose est minimum et présage d’une excellente qualité sanitaire du grain vis-à-vis de la teneur en DON. Pas de traitement spécifique vis-à-vis des fusarioses quelles que soient les conditions climatiques.
3 : Le risque peut être encore minimisé en choisissant une variété moins sensible. Traiter spécifiquement vis-à-vis des fusarioses en cas de climat humide pendant la période entourant la floraison.
4 et 5 : Il est préférable de réaliser un labour pour revenir à un niveau de risque inférieur. Pour ces deux niveaux de risque, envisager un traitement avec un triazole* anti-fusarium efficace, sauf si le climat est très sec pendant la période entourant la floraison.
6 et 7 : Modifier le système de culture pour revenir à un niveau de risque inférieur. Labourer est la solution technique la plus efficace qui doit être considérée avant toute autre solution. Choisir une variété peu sensible à l’accumulation de DON. Traiter systématiquement avec un triazole* anti-fusarium efficace.
* Traitements efficaces contre F. graminearum et F. culmorum : principalement les produits à base de prothioconazole, tébuconazole, bromuconazole ou metconazole, utilisés début floraison à une dose suffisante (60 à 80 % de la dose homologuée minimum, selon le produit utilisé). Une association dimoxystrobine + époxiconazole est également efficace contre les Fusarium. Bien que plus variable, le thiophanate-méthyl peut lui aussi montrer une efficacité sur F. graminearum. Notez que parmi les solutions efficaces contre les Fusarium spp. il existe des différences marquées d’efficacité sur Microdochium spp. Une nuance qui peut s’avérer importante certaines années.

 

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