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Bretagne

Semis de céréales : ne pas se précipiter pour ne pas récolter la déception

Maïs ensilés, sols ressuyés, météo favorable sans pluies : les conditions semblent réunies pour démarrer les chantiers de semis, notamment en parcelles hydromorphes. Et pourtant, ce positionnement n’est pas forcément gagnant, surtout en cas de risque ray-grass. Mieux vaut donc attendre le 20 octobre. Rappels sur l’importance des dates de semis pour éviter les impasses techniques et économiques, avec des préconisations sur l’étalement des chantiers et les adaptations pour les parcelles déjà semées.

Semis de blé en Bretagne

Les risques de semer trop tôt et ainsi augmenter la pression ray-grass, piétin échaudage et pucerons (JNO) peuvent être supérieurs aux bénéfices de bonnes conditions d’implantation précoces. 

Rappels des pertes et charges supplémentaires pour gérer les bioagresseurs

La période de semis recommandée en Bretagne est du 20-25 octobre au 5-10 novembre.

Semer tôt, avant 15-20 octobre entraîne :

  • des conditions favorables à l‘infestation de bioagresseurs (ray-grass, piétin échaudage…) à l’automne ;
  • une augmentation forte des risques de pertes de rendements en fin de cycle : échaudage lié au piétin et JNO (jaunisse nanisante de l’orge), concurrence avec le ray-grass sur l’eau, rayonnement, nutriments… ;
  • une hausse également des charges, pour espérer réduire une partie de ces pertes : traitements de semences, ajout d’un programme herbicide à l’automne, insecticide automne… ;
  • une marge nette pas toujours avantageuse selon l’état de pression existante.

Semer plus tardivement, c’est :

  • limiter la pression des bioagresseurs et les charges économiques pour les contrôler ;
  • des implantations parfois plus difficiles en sols hydromorphes qui se compensent partiellement ou totalement selon l’hiver et le printemps suivant (ex. 2025).

Tableau 1 : Quelques rappels sur les ordres de grandeur des pressions des bioagresseurs en semis précoces et les moyens supplémentaires pour les maîtriser plus ou moins partiellement

Tableau 1 : Quelques rappels sur les ordres de grandeur des pressions des bioagresseurs en semis précoces et les moyens supplémentaires pour les maîtriser plus ou moins partiellement

Sans oublier également une augmentation de la pression des maladies foliaires au printemps (ex. septoriose). Selon la météo du printemps, cela peut nécessiter d’augmenter potentiellement les doses ou passages.

Prioriser selon l’état d’hydromorphie et surtout la pression ray-grass

Les conditions des prochains jours sont particulièrement bonnes pour réaliser des bonnes implantations. Ce sont également des conditions favorables pour les mauvaises herbes, les champignons pathogènes, les pucerons, les virus…

L’évolution du changement climatique engendre des automnes et hivers de plus en plus doux en Bretagne. Cela est favorable à l’activité des bioagresseurs sur une plus large période, en raison de températures froides arrivant plus tardivement pour freiner l’activité de ces bioagresseurs.

Si de surcroît, les semis sont plus précoces : on augmente de manière considérable la période d’activité des bioagresseurs pour infester les céréales à l’automne. Les conséquences ne seront visibles qu’en juin, avec un remplissage décevant.

La période recommandée en Bretagne du 20-25 octobre au 5-10 novembre permet d’optimiser l’implantation tout en réduisant le risque bioagresseurs. Les bons rendements de la récolte 2025 s’expliquent en partie par des semis décalés à début novembre, limitant la nuisibilité des bioagresseurs sur la fin de cycle des céréales.

Dans certains cas, il est possible de déroger à cette période recommandée :

  • semer avant le 20-25 octobre : parcelles hydromorphes non drainées sans pression ray-grass ;
  • semer après le 5-10 novembre : parcelles avec une difficulté à gérer les ray-grass.

Tableau 2 : Propositions de périodes favorables au semis selon l’état d’hydromorphie des parcelles (non drainées) et de la pression ray-grass permettant de prioriser les semis

Tableau 2 : Propositions de périodes favorables au semis selon l’état d’hydromorphie des parcelles (non drainées) et de la pression ray-grass permettant de prioriser les semis
Peu : quasi pas de d’épis de ray-grass au printemps sur céréales (quelques-uns en entrée de parcelles) - Moyen : des épis de ray-grass au printemps sur céréales en entrée de parcelle et dans les tours - Fort : des épis de ray-grass au printemps sur céréales dans différents endroits de la parcelle

En cas de semis avant le 20-25 octobre : quelles adaptations ?

Pour le piétin échaudage

Le champignon du sol est très fréquent sur les parcelles bretonnes. Néanmoins, l’abondance et l’intensité d’attaque vont dépendre de plusieurs facteurs : si anciennes attaques recensées, climat de l’année (automne-hiver doux favorable) et fréquence de plantes hôtes dans la rotation :

  • Une rotation chargée en graminées type maïs-blé ou maïs-blé-orge ou avec des intercultures avec des CIVE type seigle, orge, triticale sont à risque. Tandis qu’un précédent colza ou avec une à deux cultures sans graminées (hors avoine) réduit la pression.
  • La présence de repousses de céréales à l’interculture est très favorable. Au contraire, des déchaumages récurrents pour éliminer rapidement les repousses réduit le risque.
  • Un chaulage à l’interculture avant le semis des céréales favorise le champignon.

En cas de parcelles à risque, un semis précoce est d’autant plus à risque de pertes de rendement. Toutefois, la seule adaptation est d’avoir des semences traitées Latitude XL en ayant en tête que toute la nuisibilité ne sera pas contrôlée (50 % d’efficacité).

Il convient d’observer les racines (ne pas arracher et bien laver les racines) en fin de cycle pour s’assurer de l’état de pression sur la parcelle.

Pour les pucerons et le virus JNO

En semis précoces, les levées peuvent avoir lieu au moment de l’arrivée des pucerons dans la parcelle. Ces pucerons peuvent transmettre un virus appelé la JNO. L’orge est plus sensible aux dégâts que le blé. En orge, il est indispensable de semer des variétés d’orge tolérantes JNO.

En cas de semis de variétés sensibles en orge ou blé, surveiller la présence de pucerons de la levée à début tallage : si plus de 10 % des plantes ont des pucerons ou si des pucerons sont présents sur plus de 10 jours, un insecticide sera nécessaire. Vigilance à ne pas intervenir en systématique ou en mélange avec l’herbicide, le risque est d’appliquer un insecticide trop tôt par rapport à la présence des pucerons. Il vaut mieux l’appliquer trop tard que trop tôt.

Pour le ray-grass

Le ray-grass est en forte progression en Bretagne. Pour autant, c’était l’une des dernières régions contaminées, en raison de leviers agronomiques historiquement favorables : labour fréquent, dates de semis plus tardives que les autres régions, rotations avec des cultures de printemps et des cultures pluriannuelles (prairies).

Les semis précoces augmentent la pression ray-grass en coïncidant avec le pic de levée du ray-grass. En cas de manque de maîtrise de ces adventices, le stock semencier produit est très important et la pression devient exponentielle les années suivantes.

En parcelles avec une pression ray-grass en semis précoces, une prélevée est indispensable et une postlevée à 1-2 feuilles également nécessaire si la pression est moyenne à forte. L’efficacité n’est pas de 100 %, si des épis de ray-grass sont présents en fin de cycle :

  • écimer, voire ensiler si la pression est trop forte ;
  • adapter la récolte en demandant le nettoyage régulier de la moissonneuse, récolter les parcelles sales en dernier et les zones les plus infestées en dernier.

Pour les maladies foliaires

Les semis précoces peuvent augmenter la pression des maladies foliaires type septoriose, à l’instar de la campagne 2024/2025, avec des pressions très fortes sur les semis d’octobre par rapport aux semis de novembre.

Surveiller ces parcelles au printemps, utiliser des outils d’aide à la décision (OAD) pour ajuster la protection à la pression de l’année (variétés, dates de semis, météo printanière…).

Résumé

La technique veut qu’on attende au moins le 20-25 octobre pour semer, voire au-delà du 5 novembre en cas de pressions bioagresseurs avérées. Toutefois, les contraintes logistiques sont également à prendre en compte.

Période de semis recommandée en Bretagne : 20-25 octobre au 5-10 novembre.

Chercher les bons compromis entre la technique et l’organisation du travail pour optimiser la marge nette :

  • ne pas semer avant le 15 octobre dans tous les cas ;
  • autour du 20 octobre : semer en priorité les parcelles hydromorphes non drainées sans problème de ray-grass ;
  • semer en dernier les parcelles à risque ray-grass et piétin échaudage ;
  • en cas de difficulté à gérer le ray-grass : il vaut mieux prendre son mal en patience et décaler les semis après début novembre. Ceci d’autant plus que l’infestation est forte, en visant un semis avant le 10-15 novembre.

En cas de semis trop précoce, quoi faire pour limiter les pertes ?

  • Surveiller la présence de pucerons sur ces parcelles en priorité jusqu’au tallage : pression pucerons sur variétés sensibles.
  • Adapter le programme de désherbage selon la pression ray-grass : prélevée minimum voire pré + post à 1-2 f dans les fortes pressions ray-grass.
  • Surveiller l’évolution des maladies au printemps. Adhérer à des OAD pour faciliter l’adaptation du programme fongicide à la hausse ou la baisse selon la météo du printemps.

Consultez l’article sur les 10 commandements de la gestion du ray-grass, notamment le 2e commandement : les semis précoces, tu éviteras !

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