Récolte 2025 : des blés de qualité mais qui imposeront une préparation soignée à la mouture pour en tirer le meilleur
Les acteurs de la meunerie française ont analysé les caractéristiques de la récolte 2025 lors de la 3e édition de la journée « Visions Croisées » organisée à Paris. Résultat : des blés globalement de bonne qualité, avec un poids spécifique élevé et une très bonne qualité protéique. Leur faible humidité nécessitera cependant une vigilance renforcée lors du conditionnement avant mouture pour en tirer le meilleur parti.
Chaque année, la meunerie française transforme 14 % de la production nationale, soit 5 millions de tonnes de blé. La qualité des récoltes suscite donc une attention particulière. C’est dans ce cadre qu’une cinquantaine de meuniers se sont réunis jeudi 25 septembre 2025 à Paris lors de la journée « Visions Croisées », organisée par ARVALIS, Banette, Eurogerm, Festival des Pains et Lesaffre. Objectif : partager les résultats d’analyses de la récolte 2025 et identifier les solutions à mettre en œuvre pour les valoriser au mieux.
« Les blés de la récolte 2025 sont secs, avec une moyenne de 12,6 % d’humidité », a présenté Adeline Streiff, responsable de l’évaluation de la valeur technologique du blé tendre chez ARVALIS, sur la base de 598 échantillons analysés depuis l’été. « Du côté du poids spécifique, c’est une bonne surprise : la moyenne nationale atteint 78,6 kg/hl, et 94 % des lots dépassent 76 kg/hl ».
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« Les PMG sont également plus élevés qu’en 2024. Autre signe de qualité : les indices de chute de Hagberg sont très élevés, 98 % des blés dépassant 240 secondes ».
La faible humidité des blés, qui constitue un atout pour la conservation, rappelle toutefois que le travail du meunier restera stratégique cette année. « Nous mettons un point d’alerte sur la préparation et la conduite de mouture de ces nouveaux blés, globalement de bonne qualité », a souligné Anne Collin, responsable du laboratoire physico-chimique d’Eurogerm.
En effet, si la teneur en cendres des grains est inférieure à celle mesurée en 2024, celle des farines issues de la mouture peut varier selon la stratégie de conditionnement mise en œuvre dans les moulins au regard de ces faibles humidité des grains. Dans les laboratoires d’analyses, les blés sont mouillés en deux temps, ce qui facilite la pénétration de l’eau dans le grain et la séparation de l’albumen et de l’enveloppe. Finalement, la teneur en cendres des farines est abaissée par rapport à 2024 pour un rendement équivalent. Dans les moulins, cette pratique n’est pas toujours possible. Dans ce cas, il est recommandé d’allonger le temps de mouillage. « L’enjeu est sur le conditionnement, c’est-à-dire sur les opérations de préparation du grain avant la mouture », résume Gael Denizot, responsable technique du Festival des Pains. « L’effet de l’allongement du temps de repos sur la qualité de la farine est net cette année, que ce soit sur les teneurs en cendres, sur l’énergie consommée au pétrin, ou ultérieurement sur la couleur des pains ».
Le taux de protéines, relativement faible (11,3 % de moyenne nationale), n’empêche pas une bonne aptitude à la transformation si on en juge par les critères d’appréciation indirects : 51 % des lots affichent une force boulangère (W) supérieure à 170. Les indices d’élasticité témoignent en outre de pâtes bien équilibrées en dépit de rapports P/L qui peuvent paraître élevés.
La qualité meunière de onze variétés à la loupe
Parallèlement à cette analyse à l’échelle de la collecte, les experts ont ensuite décortiqué les caractéristiques des principales variétés cultivées composant les lots des organismes stockeurs. Onze variétés ont ainsi été passées au crible en pure ou en mélange dans les laboratoires d’ARVALIS, Banette et Festival des Pains selon différents diagrammes de fabrication, en méthode type pain courant français ou en pain de tradition.
« Chevignon reste la variété la plus cultivée, même si ses surfaces diminuent », relève Adeline Streiff. « Elle conduit à de bonnes notes globales avec un profil de pâte équilibré au test de panification de type pain courant français ».
Intensity a été inscrite en 2023 au catalogue français et s’affiche déjà comme la deuxième variété la plus cultivée. Elle est appréciée pour son caractère extensible mais un manque de développement des coups de lame pénalise parfois le résultat final en 2025, selon Adeline Streiff. Michel Bilheude, responsable du laboratoire de panification de Banette, la qualifie de « super variété, adaptée à la fois au diagramme de tradition et au pain courant, avec une pâte équilibrée et régulière ».
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Prestance, très cultivée en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, offre une farine présentant une bonne capacité d’hydratation sans collant. Elle possède un profil tenace avec un manque d’allongement au façonnage et un léger excès d’élasticité. « C’est une variété hétérogène : superbe hydratation, mais un lissage insuffisant, ce qui rallonge la fabrication. La mie est bien jaune mais parfois caverneuse à cause d’un excès de force », détaille Michel Bilheude.
LG Absalon présente une pâte collante au pétrissage dans un cas sur deux selon ARVALIS, défaut qui disparaît dans la suite du diagramme de panification. Elle reste sûre et équilibrée pour sécuriser un mélange selon Banette. Pondor se distingue par d’excellents volumes et un très bon comportement général. LG Audace et Junior affichent également un profil équilibré. Celebrity confirme son caractère extensible, avec un résultat final irrégulier. KWS Extase présente des irrégularités cette année, tandis que KWS Ultim répond bien aux diagrammes de pain courant et de tradition. Finalement, Thermidor affirme son profil tenace.
L’utilisation de ces variétés en assemblage donne des résultats variables selon l’équilibre du mélange et la méthode de fabrication. « Une variété peut être bonne en méthode de tradition et moins adaptée en méthode standard, et vice versa », rappelle Michel Bilheude. « Les meuniers ont donc besoin d’une diversité de variétés ».
Les meilleurs mélanges en diagramme de tradition française pour 2025
« Pour les baguettes de tradition, on recherche des blés extensibles, avec une bonne capacité d’absorption, capables de supporter une fermentation longue. L’aspect de la mie est primordial, elle doit être bien colorée, jaune, avec des alvéoles irrégulières. »
En 2025, les meilleurs mélanges en diagramme de tradition française sont ceux dans lesquels la part de variétés à profil extensible (Intensity, Celebrity) est la plus importante. D’autres variétés comme Outdoor, RGT Lookeo, KWS Ultim, Thermidor et Pondor sont utilisées pour la couleur de la mie, et Prestance, Conquistador, Celebrity ou King-Kong pour améliorer le volume.
Ces constats se retrouvent lors de l’analyse de farines issues de mélanges meuniers. « Les farines absorbent davantage d’eau cette année au pétrissage. Nous recommandons par ailleurs la plus grande vigilance vis-à-vis du surpétrissage compte tenu de la rapidité du lissage des pâtes », confirme ainsi Sébastien Abert, responsable du fournil d’essais d’Eurogerm. Le spécialiste a également testé plusieurs combinaisons associant une base panifiable avec un mélange de blé de force en proportions variables pour différentes applications de boulangerie et viennoiserie. « Dans tous les cas, on observe un bénéfice à l’incorporation de BAF, aussi bien pour des diagrammes de panification en direct ou en différé, que pour des fabrications type croissant cru surgelé. Les blés de force apportent force et souplesse à la pâte, exactement ce que l’on recherche », s’enthousiasme l’expert d’Eurogerm.
Plus que jamais, l’association du savoir-faire des meuniers et boulangers, combinée à la grande palette de qualités offertes par la diversité variétale implantée par les producteurs permettra la fabrication de produits de haute qualité.
Les alpha-amylases pour prolonger l’activité fermentaire
Les alpha-amylases, naturellement présentes dans le grain de blé ou ajoutées aux farines, dégradent l’amidon en sucres simples assimilables par la levure. Ces sucres nourrissent les levures, accélèrent la fermentation et influencent directement le volume, texture et le goût du pain.
Arnaud Coisnon, ingénieur commercial chez Lesaffre, a présenté un regard complémentaire au travers d’une étude menée sur les farines de la récolte 2025 à l’aide du Risograph, un appareil mesurant le dégagement gazeux de la pâte (gaz total produit et cinétique (vitesse / durée) de production). Sans ajout d’alpha-amylase, la production de gaz chute après un certain temps faute de substrat disponible (carburant pour la levure). Avec ajout, l’activité fermentaire se maintient plus longtemps et est régularisée... « Le boulanger sécurise la biodisponibilité des sucres de sa farine pour la levure et donc un pain plus volumineux, coloré, aromatique », souligne Arnaud Coisnon.
Toutefois, l’effet de ces enzymes varie selon la farine. Certaines bénéficient d’un gain marqué et précoce, d’autres d’un effet plus faible ou plus tardif. « L’impact des alpha-amylases dépend toujours du profil de la farine (caractéristique du grain (variété, composition…) et du diagramme meunier (amidon endommagé…)), donc de sa capacité fermentaire mais aussi de sa propension à garder ce gaz produit (rétention). Une complémentarité des savoir-faire allant du sélectionneur à l’agriculteur puis de l’agriculteur au meunier et enfin du meunier au boulanger, soutenu par le levurier et l’ingrédientiste. Raison de la présence des différents acteurs en ce jour de partage », précise-t-il.
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