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Mildiou de la pomme de terre : une souche résistante à la mandipropamide se développe en Europe du Nord

Une souche de mildiou de la pomme de terre découverte au Danemark s’avère résistante à la mandipropamide. Cette souche, baptisée 43_A1, a migré vers les pays voisins et interroge. Que sait-on aujourd’hui de ce nouveau variant ? Comment a-t-il pu émerger ?

Symptômes de mildiou sur feuille de pomme de terre

Depuis quelques années, des baisses d’efficacité de la protection fongicide sont observées au Danemark sur mildiou de la pomme de terre (Phytophtora infestans). Des tests de sensibilité ont identifié un variant résistant à la mandipropamide, une substance de la famille des Carboxylic Acides Amides (CAA). Détectée pour la première fois en 2018 à de faibles fréquences, la souche 43_A1 s’est progressivement installée jusqu’à représenter plus de la moitié de la population danoise de P. infestans en 2022 (figure 1). Dans les parcelles montrant une baisse d’efficacité du Revus (spécialité à base de mandipropamide), cette souche représente désormais 85 % des isolats génotypés.

Figure 1 : Evolution de la fréquence des génotypes de P. infestans présents au Danemark
Figure 1 : Evolution de la fréquence des génotypes de P. infestans présents au Danemark

(Source Euroblight)

Plus récemment, cette souche a été détectée aux Pays-Bas, avec une baisse d’efficacité constatée au champ de la mandipropamide, ainsi qu’en Allemagne et en Belgique. Dans ces deux derniers pays, la souche 43_A1 est présente dans des proportions moindres et sans impact sur l’efficacité au champ.

En France, aucune souche 43_A1 n’a été détectée à ce jour. Les suivis épidémiologiques se poursuivent et des tests de sensibilité vis-à-vis des fongicides de la famille des CAA seront conduits par ARVALIS en 2023, en relation avec l’université d’Aarhus au Danemark.

Un terrain favorable au mildiou

Cette souche a pu émerger au Danemark grâce à un contexte épidémiologique très favorable. Premièrement, la diversité des variétés cultivées est faible et la majorité d’entre elles sont sensibles au mildiou. Cela favorise l’établissement d’une large population pathogène en saison. De plus, les rotations sont souvent trop courtes (< 4-5 ans) et la lutte contre les sources d’inoculum primaire (tas de déchets, repousses) est lacunaire, ce qui favorise la conservation du mildiou durant l’inter-saison. Enfin, au Danemark, l’agent du mildiou se reproduit à la fois de manière sexuée et asexuée, ce qui favorise le brassage des gènes et augmente la diversité génétique des souches.

Or la grande taille et la diversité génétique d’une population de pathogène favorisent la sélection de la résistance à un fongicide lorsque celui-ci est appliqué.

Une stratégie fongicide inadaptée

Facteur aggravant, la stratégie fongicide mise en œuvre au Danemark accélère le développement de résistance.

Le panel de matières actives autorisées contre le mildiou y est plus faible qu’en France (5 en 2022, contre plus de 10 en France). Si le nombre de traitements fongicides au cours d’une saison est similaire au Danemakr et en France (environ 10-12), alternances et mélanges entre matières actives sont à la base des programmes de protection fongicide en France, alors que la stratégie d’applications « en blocs » est la plus employée au Danemark. Par exemple 6 applications consécutives de Revus® sont suivies d’applications de Ranman Top ou Zorvec en bloc également. Or l’application d’un fongicide en bloc favorise le développement de la résistance, par rapport à une stratégie d’alternance, car elle agit de manière identique sur deux générations successives (figure 2).

Figure 2 : Stratégie d'alternance de matières actives fongicides : mécanisme, particularité et limites
Figure 2 : Stratégie d'alternance de matières actives fongicides : mécanisme, particularité et limites.

(AS.Walker - CIMA 2018)

Les flèches verticales représentent les applications alternées de deux fongicides (rouge ou bleu) présentant des modes d’action différents. Les triangles présentent les périodes d’exposition de la population de pathogènes à ces fongicides. Au moment du traitement, une génération est constituée d’un certain nombre d’individus (axe vertical des polyèdres) qui décroît au fur et à mesure de l’efficacité des fongicides. A la génération suivante n+1, la taille de la population augmente à nouveau jusqu’à l’application suivante. Les points représentent les individus constituant les populations. Leurs couleurs représentent leur statut par rapport à la résistance. Les fréquences relatives des différentes couleurs représentent la fluctuation théorique de la structure des populations au cours du temps. L’évolution des résistances est ici représentée de manière accélérée, pour des raisons pédagogiques.

Enfin, la formulation du produit lui-même expose la molécule au risque de résistance, la mandipropamide étant seule dans le Revus. Une utilisation répétée, sans alternance, d’un produit solo expose très significativement la molécule au pathogène, favorisant la sélection d’une résistance.

Au final, une large population diversifiée de P. infestans combinée à une forte pression fongicide non diversifiée constituent le parfait cocktail pour la sélection de génotypes résistants. Un exemple à ne pas suivre en France !

Une résistance par mutation de cible

Dans le cas du variant 43_A1, le mécanisme de résistance est une mutation de cible : l’affinité entre la mandipropamide et sa cible diminuant, le pathogène est moins impacté par un traitement fongicide.
Il existe des risques de mutation croisée avec les molécules au même mode d’action (CAA), cela a déjà été observé pour le mildiou de la vigne. Il faudra donc veiller à généraliser de bonnes pratiques d’application pour tous les produits contenant des substances actives de la famille des CAA.

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