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Bourgogne-Franche-Comté

Excès d’eau en automne/hiver : comment adapter la fertilisation des céréales ?

Voici quelques éléments à prendre en compte pour la gestion de la fertilisation sur céréales, en raison de la forte pluviométrie enregistrée depuis le début de la campagne.

Apport d’azote sur une parcelle de blé tendre

Le cumul de pluie obtenu du 1er octobre 2023 au 10 janvier 2024 s’étend de 300 mm à plus de 650 mm en zone de montagne. On observe un gradient d’ouest en est, avec des écarts de cumul de pluie par rapport à la médiane particulièrement élevés, jusqu’à un excédent de plus de 150 à 200 mm (cartes 1 et 2). Les conséquences de ces excès d’eau sont nombreuses. Au-delà des semis tardifs des céréales à paille souvent réalisés dans de mauvaises conditions voire des re-semis pour les parcelles les plus touchées, c’est toute la conduite de ces cultures qui va devoir être réajustée en 2024. La fertilisation n’y échappe pas.

Carte 1 : Cumul de pluies (en mm) du 1er octobre 2023 au 10 janvier 2024

Carte 1 : Cumul de pluies (en mm) du 1er octobre 2023 au 10 janvier 2024

Carte 2 : Cumul de pluies excédentaire du 1er octobre 2023 au 10 janvier 2024 par rapport à la médiane des vingt dernières années (2003-2023)

Carte 2 : Cumul de pluies excédentaire du 1er octobre 2023 au 10 janvier 2024 par rapport à la médiane des vingt dernières années (2003-2023)

Des fournitures du sol moindres (azote et soufre) suite au cumul important de précipitations et au risque de lixiviation

Ces conditions devraient avoir pour conséquence des valeurs de reliquats d’azote minéral très faibles en sortie d’hiver, en particulier pour les zones ayant reçu un cumul de pluie supérieur à 400 mm telles que le pays d’Othe, Plateaux Langrois, Val de Saône, Plaine du Finage, la Bresse et le Charolais. Pour le vérifier, une mesure de reliquat sortie hiver (RSH) s'impose.

Un peuplement en sortie d’hiver qui peut être affecté

Le peuplement en sortie d’hiver (nombre de pieds par m²) peut être affecté par les conditions d’anoxie, mais il est très difficile d’en chiffrer les conséquences. Les attaques de limaces ont également pu affecter le peuplement. Si à partir de maintenant les conditions météo deviennent plus favorables (mois de février et mars sains), les céréales devraient pouvoir rattraper en partie un impact modéré sur le peuplement grâce à la grande « plasticité » des composantes de rendement.

En revanche, dans les zones où l’excès d’eau s’est maintenu plusieurs jours ou semaines (mouillères, bords de parcelles), il est probable que l’ensemble des plantes ait disparu. Dans ce cas, un re-semis « en rustine » peut s’imposer, avec des variétés demi-alternatives à alternatives (ex. : Prestance, Obiwan).

On considère généralement que le seuil de 60 à 100 pieds/m² relativement bien répartis permet de conserver la culture et de couvrir les frais engagés, sans pour autant espérer un rendement élevé.

Il faut également vérifier l’état de la structure du sol : si elle a été matraquée par des semis réalisés en forçant, le potentiel de rattrapage sera limité et on peut craindre des pertes de rendement.

Dans tous les cas, il sera nécessaire de tenir compte du potentiel de rendement amoindri dans le calcul de la dose X du bilan d’azote prévisionnel.

La valorisation des engrais potentiellement influencée par de mauvaises conditions d’enracinement

Une des conséquences des excès d’eau et de l’anoxie, est une croissance des cultures ralentie qui devrait se traduire par des enracinements superficiels. Ce devrait être le cas aussi pour les semis de céréales décalés en conditions saines, du fait d’une phase de tallage plus courte. En sortie d’hiver, dans les situations concernées, les céréales à paille ne valoriseront donc pas ou plus difficilement l’azote des horizons profonds (au-delà de 60 cm voire moins dans les situations les plus impactées). Il ne faudra donc pas compter sur l’azote de l’horizon 60-90 cm pour satisfaire les besoins en début de cycle voire durant la montaison. Cet azote ne devrait être disponible qu’en fin de cycle sous réserve que les racines finissent par atteindre cette profondeur et qu’entre temps, il n’ait pas été entraîné au-delà par lixiviation.

Une fertilisation à adapter

Dans ce contexte, il est recommandé d’éviter toute impasse sur le premier apport en sortie d’hiver sur des cultures dont les racines sont sans doute moins actives. Pour autant, il faudra se limiter à de petits apports (30-50 kg N/ha et non 70-80 kg N/ha) tout en respectant la directive nitrates dans les zones vulnérables.

Tableau 1 : Fractionnement des apports pour les zones vulnérables – directive nitrates régionale

Tableau 1 : Fractionnement des apports pour les zones vulnérables – directive nitrates régionale

Dans les sols refermés qui risquent de garder une tendance à l’hypoxie (disponibilité en oxygène réduite), la reprise de croissance des cultures devrait démarrer lentement et leur capacité à valoriser des quantités importantes d’azote sera mauvaise.  Mais avant cela, la priorité devra être donnée au désherbage antigraminées et non aux apports d’azote, pour éviter de « fertiliser » les adventices et d’ajouter un facteur limitant supplémentaire.

Tout ceci justifie aussi de « biberonner » la culture en fractionnant la dose d’azote en trois voire quatre apports.

L’utilisation d’OAD reste une fois de plus incontournable pour adapter sa fertilisation en 2024.  Pour le pilotage de l’orge d’hiver brassicole, il est indispensable de mettre en place une zone sur-fertilisée afin de pouvoir utiliser la méthode HN-Tester.

Il ne faudra pas non plus négliger la fertilisation soufrée, qui tout comme l’azote, risque d’être lixivié. Ainsi, dans les situations les plus à risques, c’est-à-dire sur sols superficiels, pauvres en matière organique (MO) et ne recevant pas d’apports de produits organiques, ayant reçu de forts abats d’eau depuis l’automne, un apport de 30 à 50 kg de SO3/ha est recommandé selon le potentiel de rendement (tableau 2).

Tableau  2 : Grille pour évaluer la dose de soufre nécessaire sur blé tendre (en kg de SO3/ha) - ARVALIS

Tableau  2 : Grille pour évaluer la dose de soufre nécessaire sur blé tendre (en kg de SO3/ha) - ARVALIS

Les chiffres en orange correspondent au conseil pour un objectif de rendement de 70 q/ha, ceux en vert pour un objectif de 100 q/ha.
Valeurs sans parenthèses : sans apports réguliers de PRO
Valeurs entre parenthèses : avec apports réguliers de fumiers et composts (> 1 an sur 3)

La date d’apport optimale s’étend de fin tallage à épi 1 cm. Si l’apport est réalisé avec des engrais azote-soufre, il convient de le positionner au plus près des besoins, plutôt juste avant le stade épi 1 cm que tôt en février.

Enfin, les apports de phosphore en sortie d’hiver pour rattraper un mauvais enracinement doivent être raisonnés selon les parcelles : nos essais historiques montrent une réponse des céréales à ces apports uniquement dans les situations où les teneurs du sol sont faibles même si, dans ces situations, la réponse est moindre que pour des apports réalisés au semis.

Dans les situations bien pourvues en phosphore, il n'y a aucun intérêt à faire un apport pour espérer rattraper un mauvais enracinement.

À retenir
- Forte hétérogénéité (densité et potentiels) à attendre à la fois entre parcelles (date de semis   et conditions d’implantation) et au sein d’une parcelle (type de sol, contours plus tassés…).
- Enracinement sans doute limitant dans les zones ennoyées ou saturées en eau.
- RSH probablement faibles dans la majorité des cas -> une mesure s'impose.
- Des risques de mauvaises assimilations des grosses doses d’azote, surtout au premier apport (nécessité de fractionner les doses au plus près des apports).
- Des situations où des apports de soufre seront nécessaires.
- Des travaux à prioriser (désherbage antigraminées).
- Apport de phosphore au tallage intéressant seulement pour les parcelles à faible teneur.
- Le pilotage de la fertilisation azotée en fin de cycle sera très important.

Article rédigé par les partenaires de « Blé Orge Objectifs Protéines » (BOOP) Bourgogne-Franche-Comté :
CHAVASSIEUX Diane et BOUNHOURE Léa (ARVALIS), BLAS Jérémie (CA21), BONNIN Emmanuel (Soufflet Agriculture), FOLTIER Benjamin (Axereal), CHOPARD Patrick (CA39), COURBET Emeric (CA70), DERELLE Damien (SeineYonne), FLAMAND Romain (SAS Bresson), KOEHL Philippe (Interval), LACHMANN Alexandre (Bourgogne du Sud), LOISEAU Marie-Agnès (CA89), MIMEAU Mickaël (Alliance BFC), VILLARD Antoine (CA71) et ZAMBOTTO Cédric (CA58)

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