Dérobée d’hiver : quelles espèces choisir et comment l’implanter ?
Le changement climatique impacte la production de fourrages et rend difficile la gestion annuelle des stocks fourragers à la fois en quantité mais également en qualité. Les dérobées hivernales constituent une alternative afin de produire un fourrage complémentaire et sécuriser les stocks pour les éleveurs.
Quelles alternatives au RGI ?
Le RGI (Ray-Grass d’Italie) est la dérobée la plus couramment implantée entre une céréale d’hiver et un maïs fourrage. Il est certes possible d’obtenir de bonnes valeurs alimentaires en le récoltant précocement, mais celles-ci diminuent rapidement lorsque la météo perturbe les chantiers. D’autre part, ses besoins en azote font que sa production devient coûteuse dans le contexte économique actuel et peu adaptée d’un point de vue environnemental.
Certains trèfles tirent leur épingle du jeu
Initiées par le plan Cap Protéines en 2021, des études de comparaison du potentiel de production (rendement et valeurs alimentaires) de diverses dérobées ont permis d’identifier des alternatives au RGI. Il en ressort que les associations céréales et légumineuses ou protéagineux sont les plus intéressantes. D’une part, elles ne requièrent généralement pas d’azote minéral, ce qui réduit le coût de production du fourrage et son impact environnemental. D’autre part, certains mélanges présentent des potentiels de rendement proches d’un RGI. C’est notamment le cas du seigle fourrager associé à certains trèfles comme le squarrosum, l’Alexandrie, l’incarnat ou le Micheli. Par ailleurs, les valeurs alimentaires de ces trèfles oscillent entre 15 et 20 % de MAT (Matières Azotées Totales), ce qui est bien supérieur aux 10 % de MAT d’un RGI récolté classiquement à dernière feuille pointante. Seul bémol : les trèfles associés au seigle fourrager présentent des valeurs UFL légèrement inférieures au RGI.
Il est important de noter que tous les trèfles ne sont pas adaptés pour les dérobées car ils ne passent pas toujours l’hiver. C’est notamment le cas des trèfles vésiculés et hybrides et, dans une moindre mesure, du trèfle de Perse.
Choisir les légumineuses selon ses objectifs
Si l’objectif de la dérobée est de récolter des fourrages riches en protéines, les vesces seront une bonne alternative, notamment la vesce velue. Malgré une production plus faible d’environ 1,2 t MS/ha par rapport à un RGI précoce (récolté à épi 20 cm), la vesce velue présente une MAT comprise entre 20 et 25 %. Sur le plan énergétique, les valeurs en UFL d’un mélange seigle fourrager et vesce velue sont similaires à celles du RGI épi 20 cm.
Pour rappel, les légumineuses ont besoin d’un tuteur (d’où l’association avec une graminée). C’est particulièrement vrai pour les vesces et le trèfle de Micheli, et, dans une moindre mesure, pour les trèfles incarnat, squarrosum et d’Alexandrie qui ont un port plus dressé.
Tableau 1 : Résultats de rendement et des valeurs alimentaires des dérobées les plus intéressantes face au RGI semées le 10 octobre 2023 – essai mené sur la campagne 2023-2024 sur la station expérimentale ARVALIS de la Jaillière (44).
Dans ces travaux, seuls des mélanges binaires, composés d’une légumineuse associée à une graminée (principalement du seigle fourrager) ont été étudiés. Cependant, en situation réelle, plusieurs graminées et légumineuses seront associées afin de produire un fourrage plus complet. Côté légumineuses, les trèfles cités précédemment et la vesce velue sont de bons partenaires. Côté graminées, de nouvelles expérimentations débutent pour comparer des graminées (seigle fourrager, seigle forestier, avoine d’hiver) avec ces légumineuses dans le cadre d’un usage en dérobée d’hiver.
Quelques points de vigilance à l’implantation
Le semis des dérobées hivernales est à réaliser sur la période de septembre à fin octobre. Selon les espèces sélectionnées dans le mélange, il sera préférable d’adapter la date de semis pour assurer un bon niveau de production.
Lire aussi : « Prairies : soigner l’implantation pour une installation rapide »
La préparation du sol sera un élément clef pour assurer une bonne levée des dérobées. L’objectif est que le sol soit préparé suffisamment fin (mélange de terre fine et de mottes de 1 à 2 cm de diamètre) pour faciliter le contact sol-graine. Il sera également indispensable d’effectuer un roulage après l’implantation pour optimiser la levée.
Pour un usage en dérobée, et donc une récolte précoce (avec un faible risque de verse) visant à maximiser la valeur alimentaire, il est préconisé d’implanter la céréale à faible densité dans l’association (entre 50 et 100 grains/m2) afin qu’elle ne prenne pas le dessus sur la légumineuse et qu’elle assure son rôle de tuteur. Il sera également préférable d’associer plusieurs légumineuses afin de coloniser et d’exploiter tout l’espace disponible.
Tableau 2 : Exemple de composition d’un méteil ayant servi à l’engraissement de jeunes bovins dans le cadre d’un essai mené à La Ferme Expérimentale des Bordes (36)
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.