Articles et actus techniques

Prairies : soigner l’implantation pour une installation rapide

Un itinéraire cultural soigné et le respect des dates optimales de semis sont indispensables pour réussir l’implantation d’une prairie et assurer sa productivité et sa pérennité. 

Réussir l’implantation d’une prairie en fin d’été ou au printemps

Bien choisir sa période de semis

Les périodes les plus favorables pour le semis d’une prairie doivent cumuler deux critères : une humidité du sol suffisante et une température douce qui favoriseront une levée rapide et homogène des semences et un développement des jeunes plantules. Ces conditions se rencontrent le plus souvent en fin d'été et au printemps.

Par ailleurs, il est important que les espèces soient suffisamment bien implantées pour résister aux stress climatiques. Pour cela, les graminées doivent avoir atteint le stade 4-5 feuilles - et les légumineuses le stade 2-3 feuilles trifoliées - avant l’apparition d’un stress hydrique pour les semis de printemps et de fin d’été ou avant les premiers gels pour les semis de fin d’été.

On privilégiera une implantation en fin d’été pour avoir une production dès le printemps suivant, limiter les infestations de mauvaises herbes et réduire le lessivage de l’azote grâce à une couverture du sol pendant l’hiver (tableau 1). Semer la prairie au printemps si les conditions climatiques sont difficiles à l’automne.

Tableau 1 : Intérêts et limites des différentes périodes de semis d’une prairie

Les dates limites pour un semis de fin d'été

En fin d'été, semez trop tôt expose à un risque de sécheresse et trop tard au risque de gel.

Nombre d’espèces prairiales sont lentes d’installation. Bien que des précipitations orageuses de fin d’été leur permettent de germer et de lever, il est probable que l’horizon de surface se dessèche avant un enracinement suffisant. Cela provoque la sénescence de nombreuses plantules, laissant une prairie dégradée dès la première année.

Ce risque sera accru avec un horizon de surface séchant (faible réservoir utilisable sur les 5 premiers centimètres). Ce risque détermine la date dite « au plus tôt » de semis théorique ; avant cette date, le risque d’échecs du semis est supérieur à 20 % (figure 1).

Figure 1 : Date de semis d'été « au plus tôt » avant laquelle le semis d’une prairie est exposé à un risque de sécheresse supérieure à 20 % selon le type de sol – (synthèse réalisée à partir des données météo 2002-2021)

Figure 1 : Date de semis « au plus tôt » avant laquelle le semis d’une prairie est exposé à un risque de sécheresse supérieure à 20 % selon le type de sol – (synthèse réalisée à partir des données météo 2002-2021)

(Source : Guide AFPF : Implantation d’une prairie)

A l’autre bout du calendrier de semis de fin d'été, le risque d’échecs est porté par le froid. Bien que des gels forts soient de moins en moins fréquents et de plus en plus tardifs, ils peuvent provoquer la sénescence de plantules trop peu développées. Selon les sources, les températures létales et les stades de sensibilité varient. Passé le stade 4-5 feuilles pour les graminées et 2-3 feuilles trifoliées pour les légumineuses, le risque de gel semble réduit. Ce risque doit donc prendre en compte un temps de croissance nécessaire pour atteindre ces stades en amont. Cela permet de déterminer une date dite « au plus tard » à partir de laquelle un semis à plus de 20 % de chance d’être confronté à un gel fort (températures inférieures à -4°C) avant un développement suffisant.

Il est important de noter que les légumineuses – et en particulier la luzerne – sont plus sensibles à la réduction de la durée du jour (photopériode. Une photopériode réduite ralentit leur installation, voire la compromet. Ainsi, sans mesures complémentaires (ex. semis sous couvert), leurs dates limites de semis seront plus avancées que pour les graminées (figure 2).

Figure 2 : Date de semis d'été/automne « au plus tard » après laquelle un risque de gel ou de mauvais développement de la prairie est supérieur à 20 % selon l’espèce - synthèse réalisée à partir de données météo 2002-2021

Figure 2 : Date de semis « au plus tard » après laquelle un risque de gel ou de mauvais développement de la prairie est supérieur à 20 % selon l’espèce - synthèse réalisée à partir de données météo 2002-2021

Plus le semis sera tardif à l’automne et plus le développement à l’entrée de l’hiver sera faible. Des espèces non semées pourront alors profiter des espaces non couverts pour se développer et concurrencer la prairie à son redémarrage au printemps. Pour y remédier, à partir de début octobre, il est possible de réaliser des semis de prairies sous-couvert de mélange céréales-protéagineux récolté en immature (MCPI) durant le printemps suivant. Cette pratique nécessite deux semis : un pour le MCPI, puis un pour la prairie. Le MCPI couvrira le sol à l’entrée de l’hiver, améliorera le rendement de la première coupe d’ensilage et laissera une prairie bien établie par la suite.

Lire aussi : « Mélanges fourragers - Un guide pour composer, conduire et valoriser les méteils »

Préparer son sol : labour ou non labour ?

Le labour est à privilégier dans le cas d’apport de matière organique avant semis (fumier, compost…) ou si la quantité de résidus végétaux (paille, repousses…) à enfouir est importante. Dans le cas de sols tassés après la récolte du précédent, un labour ou un passage de décompacteur sont préconisés. Le labour présente également l’intérêt de remplacer un désherbage chimique pour la destruction du couvert en place. Cette technique permet de préparer un bon lit de semences et favorise un meilleur enracinement des plantes. En revanche, elle conduit au cours de la première année d’exploitation à un déficit de portance. Le labour peut également favoriser le salissement par la remontée en surface de graines d’adventices. En implantation de fin d’été, le labour doit être réalisé au plus vite après la moisson pour profiter de la fraîcheur résiduelle du sol qui sera conservée en rappuyant le sol sitôt après le labour.

Le semis sans labour avec travail superficiel permet l’implantation de prairies sur des parcelles difficilement labourables (sols superficiels, présence de cailloux…). Il préserve la structure du sol et permet de maintenir la portance. La préparation superficielle du sol peut se réaliser avec un ou plusieurs passages d’un déchaumeur à disques ou à dents ou avec un outil animé. L’objectif de ces opérations sera à la fois de préparer une structure de surface favorable mais également de détruire les éventuelles repousses du précédent et adventices (effet faux-semis).

Enfin, le semis direct est plus adapté pour les espèces d’implantation rapide comme le ray-grass (RGI, RGH). En présence de repousses de céréales ou d’adventices, il faut cependant recourir à un désherbage chimique avant le semis et utiliser un semoir spécial.

Réaliser un lit de semence fin et bien émietté

L’objectif est d’obtenir un sol fin (mottes < 2 cm) en surface sur un sol bien nivelé et suffisamment rappuyé en profondeur. Cela nécessite de rouler avant le semis notamment en cas de labour et dans tous les cas après le semis avec un rouleau type cultipacker pour favoriser au maximum le contact terre-graines. Attention, l’utilisation d’un rouleau lisse risque de favoriser la formation d’une croute de battance notamment en sols limoneux.

Un sol bien rappuyé et sans discontinuité marquée sera favorable au développement racinaire des jeunes plantules et donc une croissance rapide de la prairie. Attention donc à l’enfouissement des résidus végétaux en fond de labour, aux zones compactes en fond de couche arable ou à l’inverse aux zones creuses en fond de labour…Un enracinement dense et profond valorisera mieux l’eau et les éléments minéraux du sol et la prairie résistera mieux à la sécheresse.

Adapter la densité de semis à l’objectif de levées

La densité de semis doit permettre d’assurer un peuplement à la levée d’environ 250 à 300 plantes par m2 pour les bromes et les RGI et de 500 plantes/m2 pour les autres espèces. Les doses de semis indiquées dans le tableau ci-dessous tiennent compte d’un taux de perte à la levée qui peut aller jusqu’à 50 % pour les plus petites graines.

Tableau 2 : Doses de semis recommandées (kg/ha) pour différentes espèces prairiales en pures ou associées à des légumineuses

Dans le cas d’associations et de mélanges pour prairies multi-espèces, la dose maximale de semis ne doit pas dépasser 30 kg/ha afin que chaque variété puisse s’exprimer (à l’exception des mélanges contenant du brome dont les graines sont plus grosses).

Semer dans le premier centimètre

La majorité des semences fourragères sont de très petite taille (2 à 4 mm de long et moins de 1 mm d’épaisseur pour les graminées ; de 1 à 2 mm de diamètre pour les légumineuses). Elles contiennent donc de faible réserve (10 à 12 fois moins qu’un grain de céréales). Semées trop profond, elles s’épuisent avant même de parvenir à la surface. De ce fait, il est impératif de placer la graine dans le premier centimètre.

Tableau 3 : % de graines levées en fonction de la profondeur de semis

(source : INRA)

Soigner la qualité de la répartition

La répartition des graines doit favoriser une couverture rapide et dense du sol sur l’ensemble de la parcelle pour limiter les zones de sol nu, espaces privilégiés pour le développement des adventices. Le semis à la volée avec un semoir à céréales dont les descentes ont été relevées donne de bons résultats, la herse du semoir suffit à enfouir superficiellement les graines. L’utilisation d’un semoir centrifuge à engrais est déconseillée car la répartition et la densité du semis sont difficiles à maîtriser. Enfin, le semis en ligne est envisageable à condition de disposer d’un semoir à faible écartement (8 à 12 cm maxi) et/ou de réaliser un semis croisé en 2 passages notamment dans le cadre de semis de mélange d’espèces.

Quel que soit le semoir utilisé, le passage d’un rouleau cultipacker est indispensable juste après le semis.

Semer une prairie représente un investissement non négligeable (coût de semences de 150 à plus de 250 €/ha pour les prairies multi-espèces) et il est donc indispensable de tout mettre en œuvre pour réussir l’implantation. Mais la conduite durant la première année est également primordiale pour garantir sa productivité et sa pérennité : désherbage chimique précoce si besoin, surveillance des limaces, absence de surpâturage, anticipation de la première fauche pour gérer le salissement… Les bonnes pratiques de gestion des surfaces en herbe permettront par la suite de favoriser la productivité et la qualité de cette prairie.

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.