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Chute des températures : quels risques pour les céréales à paille en montaison ?

La chute des températures amorcée mi-avril se poursuit et devrait aboutir au retour des gelées dans les jours qui arrivent. Alors que la plupart des céréales à paille sont dans leur phase de montaison, y a-t-il un risque potentiel d’altération de la fertilité des épis ?

blé fin montaison

Pour la période du 18 au 25 avril, Météo France prévoit des gelées sous abri modérées et limitées à certains secteurs de l’Est et du Centre : Lorraine, Bourgogne, Auvergne-Rhône-Alpes. Par contre, ces épisodes froids vont se répéter plusieurs jours de suite.

Carte 1 : Température minimale sous abri annoncée (en °C) pour la période du 18 au 25 avril 2024

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Carte 2 : Nombre de jours annoncés avec des minimales sous abri inférieures à 2°C pour la période du 18 au 25 avril 2024

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Cette baisse de température est associée à un temps instable, avec alternance de périodes ensoleillées et de passages pluvieux ou nuageux. Ainsi, il sera assez rare d’avoir des journées très maussades à faible ou très faible rayonnement (< 200 cal/cm²) : l’occurrence est inférieure ou égale à 1 jour sur la semaine considérée.

Carte 3 : Rayonnement quotidien global minimal annoncé (en cal/cm²) pour la période du 18 au 25 avril 2024

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Au global, les températures minimales annoncées sont proches du seuil de sensibilité des cultures en fin de montaison ou lors du stade de méiose pollinique. Mais les niveaux de rayonnement ne devraient pas être limitants, car pas durablement bas.

Lire aussi : « Comment s’élabore le rendement des céréales à paille ? »

A quelle date sera atteint le stade méiose cette année ?

Les céréales à paille sont actuellement à des stades hétérogènes, en lien avec les dates de semis très étalées et aux éventuels effets d’excès d’eau qui peuvent affecter les cultures. Pour des semis aux dates recommandées (qui ne sont pas forcément majoritaires cette année), le stade « méiose pollinique » assez proche du stade « dernière feuille étalée » est estimé aux dates indiquées dans la carte 4. Evidemment, l’étalement des dates de semis et la modification des choix variétaux doivent être pris en compte lors de l’interprétation de ces prévisions.

Carte 4 : Dates estimées d’apparition du stade Dernière Feuille Etalée / méiose pollinique pour différentes céréales d'hiver - modèle phénologique ARVALIS, dates de semis et variétés régionalisées

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Ainsi, les orges d’hiver ont atteint ou vont atteindre très prochainement ce stade ; par contre, en blé tendre, les secteurs concernés par le froid des prochains jours devraient l'atteindre fin avril ou tout début mai. Le risque sur blé tendre semble moindre car les secteurs annoncés comme les plus froids sont en moyenne plus tardifs. Cependant, la diversité des états de cultures, des stades d’avancement et des historiques culturaux peuvent générer des situations à risques plus élevés que ces simulations moyennes.

Quels risques associés au froid pour les céréales à paille ?

On peut identifier deux types d’accident :

  • Un risque de gel d’épis comparable à avril 2017 : compte tenu des températures annoncées, ce type d’accident risque d’être très limité. Cependant, les gelées annoncées interviennent sur des cultures potentiellement beaucoup plus avancées qu’en 2017, donc plus sensibles. Ainsi, si les températures sous abri passent en-dessous de -2°C environ pour des céréales autour du stade Dernière Feuille Pointante, il sera nécessaire d’observer les épis pour s’assurer de l’absence de dégâts. Il faut noter qu’en présence avérée de dégâts, il y aura moins de compensation possible que lors de gels de début de montaison, où la montée tardive de talles permet de compenser partiellement la destruction des maîtres-brins.

    Lire aussi : « Comment diagnostiquer au champ des dégâts de gel à montaison sur céréales à paille ? »
  • Un risque d’altération de la méiose pollinique : pour rappel, il s’agit de la (courte) phase pendant laquelle les grains de pollen se forment, et qui s’avère sensible à une forte altération ponctuelle du métabolisme (froid, manque important de rayonnement, stress nutritionnel très fort). Les rares références disponibles sur cet accident indiquent que :
    • L’effet variété peut être fort, mais n’est pas caractérisé a priori. En blé tendre, une source génétique de sensibilité avait été identifiée dans les années 1990 et exclue des programmes de sélection.
    • L’effet climatique consiste en de faibles températures (proches de 0 à 2°C) et de faibles rayonnements sur plusieurs jours (< 200 cal/cm²), avec sans doute un facteur prépondérant du rayonnement. Le scénario météorologique de l’année prévoit pour le moment des niveaux de rayonnement peu problématiques (en intensité ou en fréquence sur la majorité du territoire), alors que les températures s’approchent des seuils problématiques sur la moitié est de la France (hors pourtour méditerranéen)
    • L’état nutritionnel, notamment en oligo-éléments (Cu) est impactant : une carence accroît fortement le risque d’altération du processus de méiose. Les situations d’engorgement en eau peuvent avoir un effet amplificateur en réduisant l’absorption racinaire.

Si la méiose est impactée, le pollen sera altéré et moins fertile : il sera dès lors difficile pour les fleurs de s’autoféconder. Cela pourrait donc affecter nettement la fertilité des épis, avec des impacts dépassant les -80 % dans les situations les plus extrêmes. Les défauts de fécondation peuvent également ouvrir la porte à certains pathogènes tels que l’ergot du seigle.

Lire aussi : « Stress climatiques à la méiose : comprendre les processus physiologiques en jeu »

Les conditions climatiques annoncées et l’état d’avancement des cultures laissent donc penser que les orges les plus tardives dans l’Est du pays sont les plus exposées (stades * faibles températures).  

Ne pas rajouter des facteurs de stress

Il n’est pas possible, à l’échelle des parcelles de céréales, de protéger du froid comme cela se fait en vignes ou en vergers. Par contre, il est important de ne pas rajouter des facteurs de stress supplémentaires. Il est ainsi déconseillé d’appliquer des solutions phytosanitaires à effets phytotoxiques dans ces situations tels que herbicides et régulateurs. Concernant la protection fongicide, il est recommandé d’intervenir sur végétation sèche, en milieu de journée, pour éviter l’interaction avec les faibles températures matinales.

A l’inverse, bien qu’aucune donnée ne soit disponible à notre connaissance sur le sujet, il est très peu probable que l’application spécifique d’éléments fertilisants ou nutritionnels (type oligos, engrais foliaires, biostimulants) lors de ces épisodes de froid ait un rôle protecteur.

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