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Champagne-Ardenne

Céréales : ne pas gaspiller l’azote en apportant trop fort et trop tôt

Selon la réglementation régionale, les épandages d’engrais minéraux sont autorisés sur cultures d’automne dès le 1er février. Une date qui peut sembler pratique pour positionner le premier apport d’azote… mais qui n’a pas forcément d’intérêt technique. La période actuelle n’étant pas favorable, mieux vaut attendre que les conditions soient optimales pour optimiser la valorisation des apports.

azote tallage

Fourniture du sol en sortie d’hiver et état des cultures

Cet automne, les dates de semis ont été légèrement décalées par les abats d’eau de fin septembre et début octobre. Pour les dates de semis classiques, d’octobre, les parcelles sont aujourd’hui au stade début tallage, voire mi-tallage et progressent vers une date d’épi 1 cm prévue pour fin mars. Les températures automnales et hivernales de cette campagne sont très proches de la médiane des vingt dernières années, et expliquent cette date d’épi 1 cm plus « tardive » que 2024, mais bien dans la médiane des dernières années. Les semis plus tardifs réalisés dans de bonnes conditions atteignent en ce moment le stade début tallage. La date d’épi 1 cm est annoncée pour ces semis plus tardifs sur la première décade d’avril. 

La synthèse régionale des reliquats sortie d’hiver (RSH) 2024 est désormais disponible pour réaliser les plan prévisionnel de fumure( PPF). Alors que les reliquats post-récolte étaient assez élevés, en lien avec la mauvaise récolte 2024, les RSH sont légèrement plus élevés en 2025 que la moyenne pluriannuelle pour les mêmes situations, et sont très proches de ceux observés en sortie d’hiver 2024.

Les fortes pluies de fin janvier (une quarantaine de mm sur la dernière décade de janvier) ont eu un impact restant limité sur les RSH, les résultats issus de prélèvements de début février sont relativement proches de ceux de début janvier.  

Tableau 1 : Valeurs moyennes (kg N/ha) de reliquats en sortie hiver sous céréales d’hiver selon le type de sol, de précédent et de pratiques
Tableau 1 : Valeurs moyennes (kg N/ha) de reliquats en sortie hiver sous céréales d’hiver selon le type de sol, de précédent et de pratiques
Synthèse annuelle régionale réalisée sur la région Champagne-Ardenne par la Chambre d’Agriculture de la Marne, 6 300 parcelles analysées - Validées  pour le PPF.

Ne pas gaspiller l’azote en apportant trop fort et trop tôt

Afin d’optimiser la fertilisation azotée, l’idée principale est d’apporter « la bonne dose au bon moment » afin qu’un maximum des unités d’azote apportées soient valorisées par la culture.

Pour l’apport tallage, le facteur principal de la valorisation est la vitesse de croissance de la culture (conditions poussantes avec des températures douces). La date de premier apport d’azote se raisonne donc selon la reprise de croissance de la culture en sortie hiver.  La période actuelle fraîche avec des températures gélives n’est pas favorable à une bonne valorisation de l’azote : inutile d’y aller trop tôt et d’en mettre trop ! Compte tenu des prévisions météo et du faible avancement dans les stades, les premiers apports pourraient être réalisés fin février. Ce constat est d’autant plus vrai pour les semis un peu plus tardifs.

A ce stade, les besoins de la culture restent assez faibles, l’enjeu pour couvrir les besoins du blé ou de l’orge jusqu’au deuxième apport au stade épi 1 cm s’élève à environ 40 kg N/ha, voire 60 kg N/ha. Apporter davantage au premier apport, c’est donc courir le risque que ces unités supplémentaires ne soient pas absorbées tout de suite par la culture et soient ensuite lessivées par les pluies suivantes ou organisées dans le sol. Il faut noter que le coefficient apparent d’utilisation de l’azote (CAU) au stade tallage n’est que de 60 %. Cela signifie qu’en moyenne seules 60 % des unités du premier apport seront réellement valorisées. Le CAU au stade épi 1 cm ou dernière feuille étant plus élevé, autant conserver des unités pour les apporter plus tard.

Contrairement à certaines idées reçues, un fort apport azoté au stade tallage ne permettra pas de faire redémarrer la culture plus vite et ne favorisera pas non plus l’émission des talles supplémentaires. De plus, au cours de la montaison, naturellement, plusieurs talles régresseront et ne monteront jamais à épi : il est donc inutile d’entretenir un tallage fort en début de cycle, particulièrement sur des variétés récentes qui construisent leur rendement principalement sur les composantes de fertilité épi et de poids de mille grains. 

Ces dates clés restent à adapter selon le contexte de la parcelle, mais n’oubliez pas qu’une légère décoloration à tallage ne se traduit pas par une perte en rendement.

Faire un premier apport important, c’est faire le choix de répartir ses unités d’azote au détriment du dernier. Souvent, cette décision d’apporter beaucoup et tôt en début de cycle est prise par peur de manque de pluie sur la suite du cycle et donc, d’une mauvaise valorisation des dernières unités apportées. Pourtant, lorsque l’on étudie les essais réalisés au cours des trente dernières années, cette stratégie est rarement gagnante : dans ¾ des essais, la stratégie la plus sécurisante, en rendement et en protéines, est celle avec un apport à dernière feuille !

Figure 1 : Ecarts de rendements observés entre une stratégie de fertilisation tout avant montaison (pas d’apport à dernière feuille) et une stratégie en trois apports dans différents essais ARVALIS et partenaires - 154 essais en tout

Actualisation des besoins unitaires en stratégie qualité : b et bq

La détermination de la dose totale d’azote s’appuie notamment sur l’appréciation des besoins en azote de la culture pour produire un quintal, c’est le petit b de la méthode du bilan. Si l’on ajoute la notion de protéines à celle du rendement, ce petit b devient bq, en ajoutant un complément d’azote pour les variétés ayant une faiblesse sur la teneur en protéines afin de viser 11,5 %.

bq = b + bc
b qualité = petit b + besoin complémentaire protéine

Pour répondre à cet objectif de teneur en protéines, le supplément de dose d’azote obtenu avec le b qualité doit être apporté au meilleur moment, c’est-à-dire au dernier apport. Pour les variétés à faible teneur en protéines, pour lesquelles bq > b (bc > 0), il faudra donc prévoir une mise en réserve pour l’apport à dernière feuille d’autant plus important.

  • La mise en réserve conseillée est de 40 kg N/ha pour les variétés ne nécessitant pas de supplément qualité (bc = 0) comme Junior Ou Lg Audace.
  •  Cette dose devra être augmentée de 20 kg N/ha si la variété nécessite un complément qualité, soit 60 kg N/ha apportés à dernière feuille pour Chevignon, Celebrity, Shrek ou Pondor par exemple.

Mettre en réserve une partie de la dose totale d’azote pour le dernier apport c’est aussi la meilleure manière de s’adapter à la campagne en cours et de revoir à la baisse la dose dans le cas où les blés seraient bien alimentés.

Tableau 1 : Besoins unitaires en azote (kg N/q) à prendre en compte par variété et par objectif de production

En gras : variétés introduites pour 2025 dans le classement
* : la mise en réserve minimale de 40 kg N peut être réduite en cas de faible potentiel

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