Campagne blé tendre 2024/2025 : l’heure du bilan
Du semis à la récolte, retour sur les principaux faits marquants de la campagne 2024/2025 en blé tendre d’hiver.
Un début de campagne perturbé par la pluie puis du sec sur le printemps
Les implantations sont perturbées par les fortes pluies du 9 et 10 octobre.
En moyenne, les semis sont décalés d’une dizaine de jours, avec 20 % des blés semés au 15 octobre et la majorité entre le 20 octobre et mi-novembre.
Septembre est assez pluvieux, avec des sols saturés très tôt en eau. Les pluies se sont répétées sur l’automne-hiver, et s’additionnent à un manque de rayonnement. Les sols se referment et restent humide en surface avec peu de ressuyage.
Carte 1 : Cumul de pluie du 1er octobre 2024 au 31 décembre 2024
La qualité des levées est hétérogène avec des parcelles parfois gorgées d’eau et des sols tassés où l’enracinement ne se fait pas de manière optimale (après 18 mois d’excès d’eau et d’absence de période de restructuration, des récoltes et des semis en conditions difficiles).
Les semis tardifs (après le 11 novembre) ne bénéficient pas de la douceur d’octobre : il n’y a donc pas de rattrapage des semis tardifs comme en 2023/24.
Au final, sont observés un taux de perte de plantes/m² plus important que d’habitude pendant l’hiver et un nombre de tiges fertiles (à + de 3 feuilles) faible à épi 1 cm.
La pression pucerons est assez forte à l’automne, essentiellement pour les semis de début octobre, avec une présence bien observée dès le stade pointant de la céréale. Quelques symptômes de jaunisse nanisante de l’orge sont signalés en sortie d’hiver. Les cicadelles sont absentes.
Les dégâts de limaces sont assez importants, allant parfois jusqu’au re-semis de parties de parcelles.
85 % des céréales d’hiver sont désherbées à l’automne avec une augmentation du double passage « pré puis post » : les efficacités sont bonnes, en corrélation également avec le décalage de la date de semis, sans gros problème majeur de sélectivité.
Un printemps sec avec un rayonnement exceptionnel et des pluies en juin qui tombent à pic : des conditions favorables à la fertilité épis et au remplissage !
Les stades en sortie d’hiver sont moins en avance que les dernières années suite aux températures fraîches de janvier-février.
Le stade épi 1 cm se situe dans la normale, à l’image des semis plus tardifs. Le stade 2 nœuds tarde à arriver, les blés sont courts jusque fin avril puis a lieu une accélération des stades suite à un rayonnement record sur le printemps et à un cumul de températures supérieure à la médiane depuis début mars. On peut également noter des cumuls de pluies de mars à mai qui sont les plus faibles depuis vingt ans. Le printemps 2025 s’approche de ceux de 2011, 2020 ou 2007.
Le risque de verse à la sortie de l’hiver est faible dans les sols superficiels à moyens dans les terres plus profondes et dépend de la sensibilité variétale. Quelques situations de verse sont signalées avec les orages de courant juin.
L’épiaison arrive avec 7 à 10 jours d’avance, les premiers épis de blé sont observés au 5 mai. La floraison reste globalement précoce, avec des épisodes pluvieux rares voire inexistants en région et des cumuls qui restent faibles, globalement inférieurs à 10 mm.
Au niveau de la nutrition azotée, bonne surprise : bonne absorption de l’azote sur le printemps malgré le sec ! Les tous premiers apports, malgré la pluie, n’ont que peu fonctionné avec les températures plutôt fraîches. L’apport au stade épi 1 cm, réalisé dans le sec, a été moins efficient que d’habitude mais a permis de faire repartir la végétation.
Si un apport a été réalisé à 2 nœuds, il a été très bénéfique avec les pluies du 20-23 avril (sur certaines parcelles, les blés sont devenus bleu fin avril-début mai). Le potentiel d’absorption est plutôt bon jusqu’à floraison.
Carte 2 : Somme de pluie en mm du 20 au 25 avril 2025
Est observé un record en nombre d’épi/m2 bas, le plus faible par rapport à la moyenne pluriannuelle mais non limitant, compte tenu du profil des variétés actuelles : -13 % par rapport à la moyenne 1997 à 2025.
Figure 1 : Nombre d’épis/m2 - Observatoire des Hauts-de-France
C’est lié à un tallage hivernal affecté et une régression de tiges avec le climat sec du printemps.
La fertilité épi (le nombre de grains par épi) est record, avec un rayonnement printanier exceptionnel. Le faible nombre d’épis a aussi aidé à maximiser la fertilité des épis : +23 % par rapport à la moyenne 1997 à 2025.
Figure 2 : Fertilité des grains (nombre de grains par épi) - Observatoire des Hauts-de-France
L’excellente fertilité épi a permis de compenser le nombre d’épi/m2 en retrait, et donc d’obtenir un nombre de grains/m2 qui finit à +6 % par rapport à la moyenne 1997 à 2025.
Figure 3 : Nombre de grains par m2 à la récolte - Observatoire des Hauts-de-France
Une progression constante de la fertilité épi depuis plus de vingt ans, sûrement liée au progrès génétique.
Faible pression maladies, une année favorable aux rouilles
2025 est marquée par une faible pression septoriose, complètement à l’inverse de 2024, et une pression en rouille brune élevée.
L’impasse T1 est souvent réalisée avec l’absence de septoriose. Début mai, le modèle Septo-LIS® déclenche dans la plupart des situations en lien avec l’arrivée du stade dernière feuille étalée (DFE) A mi-mai, la quasi-totalité des parcelles sont indemnes de septoriose ; à la limite, on observe quelques symptômes sur F4 ou F5.
De la rouille jaune n’est observée qu’à partir de mi-avril, suite à un nombre de jours de gel important sur janvier et février (entre 16 et 21 jours avec des températures inférieures à 0°C). Des pustules sont constatées essentiellement sur les variétés sensibles (Campesino, Prestance…) mais pas que… Des foyers sont signalés sur des variétés dites « peu sensibles » telles que Chevignon et Pondor sans protection spécifique rouilles.
A mi-mai 2025, on commence à voir apparaître les pustules de rouille brune avec les températures élevées et elle restera bien présente jusque fin juin. D’où l’importance de la protection de fin de cycle jusqu’au stade grain laiteux – pâteux.
Suite aux fortes amplitudes thermique du début de printemps (gelées matinales et 15 à 20°C la journée) et à la présence de vent d’est desséchant, une épidémie de taches physiologiques est observée début avril mais qui s’estompent courant mai.
Le reste des maladies reste relativement discret : un peu de piétin-verse et de l’oïdium dans les situations à risque sur variétés sensibles, mais sans débordement. Les conditions étaient peu favorables au développement des flores Microdochium et de Fusarium graminearum. Les épisodes pluvieux autour de la floraison ont été rares et hétérogènes. Les cumuls restent globalement faibles, de 7 à 51 mm pour les secteurs les plus arrosés (pluies du 24-25 mai et du 27-28 mai). De plus, les conditions venteuses ont permis de ne pas conserver l’humidité au niveau des épis pour les secteurs les plus arrosés.
La nuisibilité est faible cette année sur la région, en moyenne autour de 7 q/ha. La protection fongicide contre les rouilles était essentielle cette année et notamment en fin de cycle contre la rouille brune.
Un remplissage très atypique mais particulièrement bon
Les conditions de remplissage, moyennes jusqu’à grain laiteux, sont bien meilleures en seconde partie de remplissage (absence de températures échaudantes, un peu de pluie mais pas trop, absence de maladies …). Les poids de mille grains (PMG) à la récolte sont très bons, +4,4 % par rapport à la moyenne pluriannuelle ; même si la tendance pluriannuelle depuis vingt ans est à la baisse (aléas climatiques, remplissage de plus en plus chaotique).
Figure 4 : PMG (Remplissage) selon l’année - Observatoire des Hauts-de-France
Figure 5 : Tendance d’évolution du PMG (Remplissage) - Observatoire des Hauts-de-France
Une moisson pas record mais de bons rendements et de la qualité
La récolte précoce débute avec une semaine d’avance. Le pic de moisson intervient autour du 9 juillet et la récolte continue jusqu’au 20 juillet : 95 % des blés sont récoltés pour l’Aisne et l’Oise, 75 % pour la Somme et 60 % pour le Nord-Pas-de-Calais. La moisson est ensuite perturbée par les pluies et à l’arrêt jusqu’au 7 août, mais la majorité des parcelles restantes n’étaient pas mûres.
Carte 3 : Cumul des pluies du 14 juillet au 15 août 2025
L’excellente fertilité épis ainsi que les très bons PMG ont permis de compenser le nombre d’épis/m2 en retrait cette année, avec un rendement régional de 89 q/ha. Les rendements de blés attendraient : 95 q/ha dans le Nord-Pas-de-Calais (+8 % par rapport à la moyenne sur dix ans) ; 92 q/ha dans la Somme (+7 %) et 85 q/ha dans l’Aisne et l’Oise (+5 %).
Des disparités s’observent malgré tout : les terres superficielles, les semis très tardifs ainsi que les implantations en conditions difficiles, qui entraînent un nombre d’épis/m² très bas, obtiennent des rendements autour de 60-80 q/ha.
Les poids spécifiques (PS) sont globalement bons, avec une moyenne de 78,6 kg/hl : des PS élevés avant les pluies autour de 80 kg/hl et finalement qui restent généralement aux normes après les pluies.
Figure 6 : Tendance d’évolution du PS - Observatoire des Hauts-de-France
Les teneurs en protéines sont généralement bonnes, avec une moyenne de 11,3 % sur la région et cohérentes au vu des rendements. Cependant, quelques déceptions parfois, probablement liées à l’absence de l’apport fin montaison et/ou à la forme de l’azote utilisée avec les conditions météo favorables à la volatilisation sur le printemps.
On retiendra donc 2024/2025 comme une campagne record en rayonnement et en faible cumul de pluie sur le printemps. Des rendements non-records mais agréablement surprenants à la vue d’un nombre d’épis/m² en retrait. Et enfin, un progrès génétique sur les composantes de rendements de fin cycle indéniable avec nos variétés actuelles.
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