Pucerons et cicadelle : comment bien surveiller les parcelles pour optimiser la protection en végétation ?
Ne disposant actuellement que d’insecticides agissant par contact pour lutter contre les pucerons et les cicadelles, la surveillance des parcelles de céréales à paille à l’automne est indispensable pour décider d’une intervention en végétation. La surveillance de ces ravageurs n’est pas insurmontable, à condition de respecter quelques règles.
Il est important de combiner différents leviers de lutte afin d’éviter les pertes de rendement dues à la jaunisse nanisante de l’orge (JNO) et la maladie des pieds chétifs. Trois leviers majeurs sont actuellement disponibles : la date de semis, le choix variétal et la protection insecticide. Cette dernière requiert un préalable indispensable : la surveillance des parcelles à l’automne.
L’observation des pucerons au champ : un passage obligé pour évaluer le risque
Si Rhopalosiphum padi est l’espèce de puceron la plus fréquente, d’autres espèces sont capables de transmettre des virus B/CYDV de la JNO à l’automne sur céréales à paille. Cette diversité d’espèces vient accroître les possibilités d’infestations des parcelles par des pucerons.
Le développement des infestations dépend de nombreux facteurs. Les facteurs climatiques ont une influence majeure, en relation avec les caractéristiques biologiques propres aux pucerons. Mais d’autres facteurs, comme la qualité nutritive des plantes hôtes et la présence de réservoirs ou d’abris, peuvent également influer sur la présence et l’évolution des infestations.
1re étape : les pucerons ailés colonisent la parcelle
Des pucerons ailés colonisent les parcelles par temps calme et ensoleillé, avec un seuil thermique d’envol proche de 10-12°C. Cette colonisation par les ailés constitue l’étape préalable à l’infestation de la parcelle.
L’observation de l’éventuelle présence de pucerons directement sur les plantes de la parcelle est la meilleure façon d’apprécier le risque lié aux pucerons vecteurs de JNO.
Il existe par ailleurs deux types d’outils permettant d’évaluer l’activité de vol des pucerons :
- la tour à succion qui capture les pucerons ailés à 12 mètres de haut et fournit une indication hebdomadaire des flux des principales espèces de pucerons à une échelle territoriale (représentative d’une aire ayant un rayon d’une trentaine de kilomètres autour de la tour). Le nombre de tours actives est malheureusement très restreint ce qui rend difficile l’utilisation de leurs résultats pour la prise de décision sur un large territoire ;
- les pièges chromatiques (plaques jaunes engluées, cuvettes jaunes), qui donnent une indication sur l’atterrissage des pucerons dans la petite zone de la parcelle où le piège est positionné. Ces pièges, dont le nombre est nettement moins limitant, permettent de fournir une information à une échelle plus locale. Les pucerons peuvent être dénombrés, mais la distinction entre pucerons susceptibles de transmettre des virus aux céréales à paille et autres pucerons est rarement réalisée. Par conséquent, une forte abondance de pucerons sur de tels pièges témoigne de conditions favorables à une activité de vol sans présager de l’infestation de la parcelle de céréales.
Lire aussi : « Suivi des populations de pucerons et de cicadelles : comment poser et relever des pièges chromatiques ? »
Ces différents outils ont pour objectif de capturer des pucerons ailés au moment où ils migrent et/ou atterrissent dans la parcelle. La détection de pucerons à l’aide de ces outils doit inciter à aller réaliser des observations directement sur les plantes dans la parcelle afin de vérifier et quantifier leur abondance. Considérant que la colonisation d’une parcelle peut également se faire par les bordures (haies, bandes enherbées, etc.), une faible abondance de pucerons dans les tours à succion ou dans les pièges chromatiques ne garantit pas l’absence de risque pour la parcelle. C’est pourquoi, l’observation sur plantes ne doit pas être négligée.
2e étape : la dispersion des pucerons dans la parcelle
La dispersion des pucerons est cruciale dans la diffusion de la maladie entre plantes au sein de la parcelle. La rapidité du développement des colonies de pucerons est dépendante de la température et augmente fortement entre 10 et 25°C. Les jeunes larves aptères se nourrissent sur la plante infectée, acquièrent à leur tour les virus et contaminent les plantes voisines en se déplaçant de plante à plante. Elles provoquent ainsi la dissémination de l’infection virale dans la parcelle avec des foyers de JNO plus ou moins étendus selon l’abondance des populations et la durée des conditions climatiques favorables à leur présence. Si les conditions météorologiques sont au contraire peu favorables à la biologie des pucerons, leur courte présence laissera des traces plus ou moins visibles, au printemps, avec quelques pieds atteints épars ou des petits ronds, témoins des lieux d’atterrissage des ailés et de leur absence de dissémination dans la parcelle.
En pratique, comment faire les observations ?
Il s’agit d’observer des séries de 10 plantes réparties sur plusieurs lignes de semis (≥ 5), en privilégiant les zones à risque (proche de haies ou de réservoirs potentiels tels que des bandes enherbées, jachères, maïs…), et de compter les plantes porteuses d’un ou plusieurs pucerons pour déterminer le pourcentage de plantes habitées.
Cette observation est relativement facile à réaliser entre la levée et le stade 3 feuilles des céréales. Elle doit cependant être faite dans de bonnes conditions : par beau temps, durant les heures les plus chaudes du début d’après-midi. A ce moment-là, les pucerons sont montés sur les feuilles et plus faciles à observer (contrairement au matin où ils se cachent au pied du feuillage). Si les conditions sont pluvieuses, venteuses, avec une forte couverture nuageuse, trop tôt ou trop tard dans la journée, les observations sont nettement plus difficiles – et pénibles ! – à réaliser. En conditions d’observations non optimales, l’absence de puceron ne permet pas de conclure sur l’absence de risque. Il est alors préférable de renouveler l’observation lorsque les conditions sont à nouveau favorables.
Lorsque la culture a dépassé le stade 3 feuilles, le dénombrement des plantes habitées devient laborieux, les pucerons peuvent se réfugier à la base des plantes ce qui rend leur détection nettement plus aléatoire.
De l’observation à la protection : les seuils à prendre en compte
En théorie, le risque JNO peut varier selon l’espèce de puceron, du pouvoir virulifère et des capacités vectrices (charge virale du puceron et capacité à transmettre la maladie). Mais en pratique, il est impossible de disposer rapidement de cette information à l’heure actuelle. Celle-ci ne peut donc être intégrée dans le raisonnement de la protection de la culture. Par conséquent, la décision de traiter se fera uniquement en tenant compte des observations de pucerons sur plantes dans la parcelle avec les recommandations indicatives suivantes :
- si la fréquence de plantes habitées par au moins un puceron est supérieure à 10 %,
ou
- si la présence de pucerons se prolonge sur la culture sur plus de 10 jours.
Ces recommandations sont établies sur la base de suivis d’infestation réalisés avant tallage. Elles ne peuvent pas, en l’état actuel, être directement appliquées sur toute la période à risque, qui peut dépasser le stade tallage. Dans les situations pouvant rester longtemps favorables à la présence des pucerons, la surveillance doit être poursuivie pour renouveler la lutte si besoin.
Jusqu’à quand surveiller les pucerons ?
Les facteurs climatiques ont une forte incidence sur l’activité de vol, le développement des colonies, mais aussi sur la persistance des pucerons dans la culture.
Des températures froides (< 5°C) vont ralentir leur activité mais sans pour autant les tuer. Les températures létales varient selon les espèces (au laboratoire : 0°C pour R. padi, et en dessous de 8°C pour Sitobion avenae ou Metopolophium dirhodum - source : INRAE). Au champ, la culture protège les individus qui peuvent alors survivre malgré une activité très réduite. Des conditions très froides prévues à brève échéance peuvent avantageusement se substituer à une intervention (ou réintervention) insecticide, à condition que les prévisions soient justes ! Les paramètres biologiques étant très dépendants des espèces et de l’adaptation des populations au milieu, il n’est pas possible de définir de seuils climatiques précis.
Maladie des pieds chétifs : bien surveiller les cicadelles dans la parcelle
Les céréales peuvent également être exposées au risque de WDV, virus transmis par la cicadelle Psamottettix alienus et responsable de la maladie des pieds chétifs. Si tout le territoire est potentiellement concerné, le problème est plus fréquemment observé dans les régions centre et nord-est de la France. Une vigilance est particulièrement nécessaire dans ces larges secteurs.
La protection contre la maladie des pieds chétifs est basée sur la lutte contre la cicadelle P. alienus. La lutte s’appuie sur des traitements insecticides en végétation, uniquement quelques pyréthrinoïdes, qui agissent par contact (pas d’action préventive). Ils sont donc à appliquer en présence des cicadelles vectrices, et au besoin à renouveler en cas de présence persistante.
Comment reconnaître la cicadelle P. alienus
1- Sur piège chromatique (source : Olivier PILLON, SRAL DRAFF Champagne-Ardenne, 2012)
2- Photographies sur parcelles
Pour raisonner l’intervention insecticide, il est recommandé de disposer des pièges chromatiques, plaques jaunes engluées de format A4, sur le sol avec une inclinaison d’environ 30° (pour favoriser l’écoulement de l’eau ) à plus de 20 mètres de la bordure de la parcelle. Le piège doit être mis en place dès le semis. La surveillance peut être arrêtée après 2 semaines consécutives sans capture. Les pièges doivent être lus chaque semaine, voire 2 fois par semaine (ce qui facilite la détermination et le dénombrement des cicadelles).
Il est conseillé de réaliser un traitement insecticide en végétation si le nombre de capture hebdomadaire est supérieur ou égal à 30 cicadelles P. alienus.
Si les conditions météorologiques continuent d’être douces (température > 12°C) et ensoleillées, conditions favorables à la présence de cicadelles, il est conseillé de poursuivre les observations sur pièges et de renouveler le traitement si nécessaire.
Si aucun piège n’est mis en place dans la parcelle, une observation visuelle des cicadelles P. alienus sur la parcelle peut également être pratiquée durant la période la plus chaude de la journée, idéalement en condition ensoleillée. Si une forte activité est observée (observations sur 5 endroits de la parcelle faisant sauter devant soi au moins 5 cicadelles pour chaque endroit), il est conseiller de réaliser un traitement insecticide. Cette opération de quelques minutes pourra être renouvelée autant de fois que nécessaire.
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