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Récolte des Cive d’hiver : comment limiter la production d’effluents d’ensilage ?

Les CIVE d’hiver récoltées pour la méthanisation sont fréquemment humides. Les risques de production d’effluents d’ensilage sont bien réels. Les stratégies de culture et de récolte doivent être adaptées pour réduire ces volumes d’effluents, pénalisant pour le rendement méthanogène et l’environnement.

Jus de silo

Lors du stockage par ensilage de plantes récoltées humides, d’importants volumes d’effluents liquides – ou jus de silo - peuvent être produits. Ces volumes sont fortement réduits à partir d’un taux de matière sèche à la récolte de 30 %. Or, les CIVE sont fréquemment récoltées à des taux inférieurs.

L’humidité à la récolte permet d’estimer le volume d’effluent produit grâce aux méthodes de Bastiman (1986) et Sutter (1957) - figure 1. Il varie également selon la plante, la hauteur du silo, la densité de tassement et la finesse de hachage.

Figure 1 : Estimation du volume de jus d'ensilage produit en fonction du taux de matières sèches de la récolte
Figure 1: Estimation du volume de jus d'ensilage produit en fonction du taux de matières sèches de la récolte

Les jus de silos sont riches en composés organiques et minéraux. Ils ont également des propriétés corrosives (tableau 1). En comparaison avec des lisiers, la concentration en matière organique des jus d’ensilage peut atteindre des valeurs 10 fois supérieures, et celle des différents éléments nutritifs (azote, phosphore et potassium) atteignent des valeurs similaires (Omafra, 2015).

Tableau 1 : Principales caractéristiques des jus d’ensilage - Valeurs moyennes (min – max) - Issu de Gebrehanna et al., 2014
Tableau 1 : Principales caractéristiques des jus d’ensilage - Valeurs moyennes (min – max) - Issu de Gebrehanna et al., 2014

Pour les plantes les plus humides, plus de 10 % du potentiel méthanogène de la récolte peut s’écouler dans les jus (figure 2).

Les jus peuvent aussi causer de graves pollutions des eaux de surfaces : un litre d’effluent peut tuer la vie aquatique dans 10 000 litres d’eau.

Figure 2 : Potentiel méthanogène des jus de silo rapporté à la quantité de CIVE ensilées (base matière sèche)
Figure 2 : Potentiel méthanogène des jus de silo rapporté à la quantité de CIVE ensilées (base matière sèche)

— : valeur moyenne.  - · - : valeurs minimales et maximales

Dans le cas où des volumes importants de jus sont collectés et méthanisés, une attention doit être portée quant à la capacité du méthaniseur à accepter le surplus de matière organique. En effet, le pic de production de jus arrive une semaine après la fermeture des silos et 90 % de la production a lieu durant le premier mois de stockage.

Pour un ensemble de silos de grande taille, les jus d’ensilage peuvent représenter un flux d’un potentiel équivalent à plusieurs dizaines de Nm3 CH4 /h pendant les premières semaines après fermeture des silos. Essentiellement composés de matière organique très rapidement dégradable, ils pourraient également causer un déséquilibre et une acidification du digesteur. Si de grands volumes d’effluents sont attendus, il est nécessaire d’installer d’une fosse à effluent pour maîtriser leur incorporation dans le méthaniseur.

Des pratiques de récolte qui limitent la production de jus

La production des jus d’ensilage peut être réduite grâce à des pratiques de récolte adaptées. La stratégie à mettre en place dépend de facteurs liés à la conduite de culture (espèce cultivée, maturité à la récolte) et des conditions de récolte (météo, date d’implantation de la culture suivante).

Figure 3 : Eléments de décision pour les pratiques de gestion des jus d’ensilage de CIVE
Figure 3 : Eléments de décision pour les pratiques de gestion des jus d’ensilage de CIVE

Viser un stade optimal de maturité à la récolte

Chez de nombreuses espèces végétales exploitées en CIVE, le taux de matière sèche est intimement lié au stade de maturité de la plante. Le choix de variétés de CIVE à l’indice de précocité adapté au contexte de culture peut permettre de viser un stade de maturité et un taux de MS appropriés. Cependant, les variétés tardives tendent à avoir un rendement supérieur aux variétés précoces. Un compromis doit donc être trouvé entre le stade de maturité lors de la récolte et le rendement atteint. L’implantation de variétés à l’indice de précocité optimal est possible avec des plantes telles que le maïs, pour lequel un large choix variétal est proposé. Pour d’autres espèces, comme le seigle, l’offre est plus limitée. Attendre le taux de MS optimal pour récolter implique alors d’adapter son calendrier au rythme de développement de la CIVE, ce qui peut être incompatible avec la bonne conduite de la culture suivante.

Le préfanage, un coup de pouce qui  demande beaucoup de doigté

Le préfanage, consistant à faire sécher naturellement la biomasse au champ, permet de gagner rapidement plusieurs points de matière sèche et ainsi de limiter voire d’éviter la formation d’effluents. Toutefois, sa mise en œuvre n’est intéressante que dans le cas où une fenêtre météorologique adaptée est attendue. Si les conditions météo ne sont pas optimales, un ensilage direct est préférable car le taux de MS idéal de 30 % ne pourra pas être atteint dans les temps.

A l’inverse, il est important de ne pas appliquer un préfanage trop intensif. Au-delà de 35 % de MS, le tassement de l’ensilage sera rendu difficile, ce qui pourra engendrer d’autres dégradations au cours du stockage .

Le préfanage est surtout appliqué aux couverts denses semés à faible écartement (céréales, fourragères, sorghos multicoupes…). Il est déconseillé pour d’autres CIVE comme le tournesol, le maïs et le sorgho monocoupe semées « en pur », car il implique des durées longues de 2 à 3 jours et complexifie fortement la récolte (reprise de la biomasse au sol).

Pour que le préfanage soit intéressant, sa durée ne doit pas excéder 48 heures car des pertes énergétiques importantes dues au métabolisme de la plante et à une activité microbienne aérobie surviennent lors des fenaisons longues. Notons ici que nous partons du principe que la fauche est réalisée en grande largeur (~9 m) et que le matériel permet un regroupement des andains dès la fauche. Lors du ramassage des andains, une attention particulière doit être portée à la possible incorporation de pierres.

Le co-ensilage avec un substrat sec de type paille ou miscanthus a été étudié (Van Vlierberghe, 2022), il pourrait être une alternative au préfanage qui limite les chantiers de récolte et allonge les délais entre CIVE et culture suivante. Sa mise en œuvre pratique en silo reste à travailler.

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