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Ce mois-ci dans Perspectives Agricoles : est-ce qu'une dose réduite augmente les risques de résistance aux fongicides ?

Spécialiste fongicides chez ARVALIS - Institut du végétal, Claude Maumené rappelle que diminuer la dose de fongicide ne conduit pas à augmenter la pression de sélection de souches résistantes à ces produits. La littérature scientifique tend même à démontrer le contraire…

efficacité des traitements fongicides sur orge d'hiver

Perspectives agricoles : Y-a-t-il un lien entre forte dose de fongicides et accélération du développement d’une résistance ?

Claude Maumené : Il faut mettre fin aux mythes ! Les rares publications scientifiques qui s’intéressent à la question « dose et résistance », dont une revue en 2011 dans Plant Pathology, montrent toutes que de fortes doses de fongicides, quel que soit le pathosystème, augmentent la sélection des populations de champignons pathogènes résistants. Tout se passe comme si l’efficacité et la pression de sélection étaient liées. Il y aurait donc un paradoxe à vouloir être efficace et en même temps limiter le risque de résistance. Tout réside dans l’art du compromis, être suffisamment efficace pour protéger la culture et la récolte, sans exercer de pression de sélection inutile.

P.A. : Cela signifie-t-il que le fractionnement a aussi un impact sur la résistance ?

C.M. : Plus on est efficace, plus on sélectionne. Au sein d’une même famille, les substances actives les plus efficaces tendent à exercer une pression de sélection supérieure. De même, le fractionnement qui consiste, rappelons-le, à appliquer une dose donnée en plus de passages, permet généralement de gagner un peu en efficacité. En théorie, on sélectionne donc davantage. En pratique, les travaux au champ, qui croisent résistance et fractionnement sont rares et anciens. Une étude au champ conduite de 1992 à 1994 a par exemple mesuré l’effet négatif sur la résistance des applications fractionnées sur l’oïdium du blé. Il est bien sûr difficile de faire de ce cas une généralité, mais ces résultats sont cohérents avec ce qui est connu. Nous venons d’engager des essais sur la septoriose du blé, pour confirmer ou non ce résultat.
En 1990, des travaux ont aussi été réalisés au Royaume-Uni sur l’oïdium de l’orge et sur la septoriose du blé vis-à-vis des strobilurines (QoI). Concernant l’oïdium, l’augmentation de la dose ou du nombre d’applications conduit à une plus forte sélection de la résistance. Au contraire, l’alternance et les associations ralentissent la sélection. Sur septoriose, dès la première application, à la plus faible dose, la fréquence de mutation devient maximale. Cela reflète la très forte pression de sélection exercée par les strobilurines les premières années de leur utilisation, à cause de leur très forte activité intrinsèque.

P.A. : Une nouvelle famille de fongicides, les SDHI, est à son tour touchée par des problèmes de résistance. Cela remet-il en cause les préconisations existantes ?

C.M. : Nos préconisations restent les mêmes : limiter le nombre d’applications et les doses au strict nécessaire, tout en diversifiant les modes d’action. Une seule application de SDHI par saison est donc recommandée, comme pour toutes les familles chimiques. Par ailleurs, il ne faut pas oublier les bonnes pratiques agronomiques et la résistance génétique, qui limitent la présence de maladie et donc réduisent le besoin de traiter. Elles contribuent aussi à limiter le risque de résistance. Enfin, ARVALIS - Institut du végétal, l’INRA et l’ANSES publient chaque année un état des lieux et des recommandations, sous la forme d’une note commune. Elle est disponible sur le site internet www.perspectives-agricoles.com.

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