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Bourgogne-Franche-Comté

Désherbage des céréales à l’automne : les recommandations une fois la perturbation passée

Les conditions climatiques dégradées des dernières semaines ont perturbé les implantations et les désherbages d’automne. Après des semis dans le sec, le retour des pluies le 19 octobre a empêché un retour rapide dans les parcelles. Les semis et les désherbages sont donc repoussés… mais les stades des cultures seront également décalés. Les solutions envisageables risquent d’être limitées (et encore plus restrictives sur les orges d’hiver), notamment avec la nouvelle réglementation prosulfocarbe limitant son utilisation au plus tard au stade 3 feuilles de la culture. Les graminées seront également plus développées et par conséquent, plus difficile à contrôler.

Orge d’hiver au stade pointant en 2023 en Bourgogne Franche Comté

Des conditions actuellement défavorables

Les cartes 1 et 2 montrent bien les cumuls de pluies enregistrés depuis le 1er octobre (même si la pluie n’est réellement revenue qu’à partir du 18 octobre) avec un gradient Nord-Ouest - Sud-Est. Les cumuls peuvent facilement atteindre ou dépasser les 150 mm en Côte-d’Or, en Haute-Saône et en Saône-et-Loire, voire plus de 200 mm pour le Jura. Les derniers automnes humides 2013 et 2019 n’atteignaient pas ces cumuls de pluies aussi précocement. L’automne 2023 se positionne déjà comme une année sur dix parmi les plus pluvieuses sur ce début de saison.

Carte 1 : Cumul de pluies (mm) du 1er octobre au 6 novembre en Bourgogne-Franche-Comté
Carte 1 : Cumul de pluies (mm) du 1er octobre au 6 novembre en Bourgogne-Franche-Comté

Carte 2 : Ecart de cumul de pluies (mm) du 1er octobre au 6 novembre par rapport à la moyenne 2003 – 2022 en Bourgogne-Franche-Comté
Carte 2 : Ecart de cumul de pluies (mm) du 1er octobre au 6 novembre par rapport à la moyenne 2003 – 2022 en Bourgogne-Franche-Comté

Pour les parcelles déjà semées et non désherbées, vent et pluies nécessitent de saisir la moindre opportunité. Dans ce cas, la plupart des spécialités prévues en prélevée pourront passer en postlevée (en blé), lorsque les conditions climatiques et de portance seront convenables. Dès lors, il sera nécessaire d’être vigilant sur le stade de la culture (les solutions seront plus limitées au-delà de 3 feuilles).

Pour les parcelles précoces ayant été désherbées au semis, les conditions sont plus favorables à la phytotoxicité qu’à l’automne 2022 : en effet, en présence de substances actives à sélectivité de position comme la pendiméthaline, le flufénacet ou le prosulfocarbe, les fortes pluies et/ou la présence de graines en surface favorisent le contact rapide entre l’herbicide et le semence, conduisant à une perte de sélectivité. Concernant les substances actives d’automne à sélectivité par détoxification comme le chlortoluron, le prosulfocarbe et le flufénacet, c’est l’état végétatif de la plante (mauvaise implantation, températures basses, hydromorphie…) qui vont conditionner la sélectivité.

Il y a des marquages importants sur les contours de parcelles (plus tassés), sur les croisements de rampes ou sur les zones de terre avec des grains enterrés plus superficiellement.

Quelles solutions disponibles en postlevée ?

Plus on retarde le désherbage, plus on augmente le risque de phytotoxicité. Mais tout est affaire de compromis. Il faut absolument contrôler les graminées présentes dans les cultures dès l’automne, car les solutions utilisables en sortie d’hiver ont des efficacités de plus en plus limitées (résistances).

Figure 1 : Comparaison des applications de postlevée en programme et programme « tardif » (5 essais vulpins 2020)
Figure 1 : Comparaison des applications de postlevée à programme et programme « tardif » (5 essais vulpins 2020)

Sur une culture au stade 1F, il est possible de réaliser une application classique voire, en situations infestées, de revenir à 3F même si cela paraît peu envisageable cette année. Dans l’exemple (tableau 1), Fosburi 0,6 l est positionné classiquement à 1F, le relais est fait avec Défi 3 l + Beflex 0,25 l à 3F. Cette situation correspond à un programme mais décalé. Il peut y avoir une légère perte d’efficacité, les solutions positionnées à 3F étant moins bien valorisées.

Voici les produits racinaires utilisables au-delà de 3 feuilles de la culture.

Tableau 1 : Comparaison d’un programme « tardif » (Fosburi à 1/2F puis Défi + Beflex à 3F) à diverses solutions de postlevée ou un programme classique sur vulpin (5 essais 2020)
Tableau 1 : Comparaison d’un programme « tardif » (Fosburi à 1/2F puis Défi + Beflex à 3F) à diverses solutions de post levée ou un programme classique sur vulpin (5 essais 2020)

Les principales limites de ces stratégies tiennent aux stades maximaux d’utilisation de certains produits : les spécialités type Fosburi, Voltage, Battle Delta ainsi que Défi, Roxy 800 ne sont plus possibles au-delà de 3F de la culture. Il sera nécessaire de se tourner vers des solutions type Merkur + Constel, Pontos + CTU, Quirinus + Celtic, CTU + Codix, etc…

Attention aux variétés de blés sensibles au chlortoluron (ex : KWS Ultim*, LG Aikido*, Obiwan*, Rubisko*, SY Admiration*, Intensity*, Winner…).

*peut recevoir 500 g/ha de CTU


Il est également possible d’utiliser des antigraminées foliaires classiques (Célio sur blé, Fenova Super sur orge, …) pour renforcer un produit racinaire. Le niveau d’efficacité sera toutefois très dépendant du statut de résistance des populations de graminées à la famille des inhibiteurs ACCase (FOD/DEN, HRAC 1).

L’autre solution passe par l’utilisation d’antigraminées sulfonylurées (Othello, Kalenkoa, Abak, Levto WG, etc…) (figure 2) en complément à des mélanges racinaires à base de flufénacet (ex : Fosburi, Merkur…), notamment en cas de graminées développées (> 2 feuilles). Les résultats peuvent être bons, mais sont également dépendants du statut de résistance des populations à la famille des ALS (sulfonylurées, HRAC 2). Un second inconvénient avec cette stratégie tient à la réglementation, qui interdit la possibilité de refaire un inhibiteur de l’ALS en sortie d’hiver.

Figure 2 : Comparaison d’Othello + H + Act à 3F, à diverses solutions de post levée précoce 1/2F sur vulpin (7 essais 2016)
Figure 2 : Comparaison d’Othello + H + Act à 3F, à diverses solutions de post levée précoce 1/2F sur vulpin (7 essais 2016)

En conclusion

• Pour les semis déjà effectués et non désherbés (majorité des situations dans la région), la palette de solutions au-delà du stade 3F est plus restreinte. Il sera nécessaire de se tourner vers des mélanges à base de CTU, Pontos… tout en tenant compte de l’éventuelle prélevée effectuée. Si les populations de graminées sont encore sensibles, c’est-à-dire que les traitements à base d’ALS fonctionnent en sortie d’hiver, il est possible d’utiliser un herbicide de type Othello ou Kalenkoa sur fin novembre/début décembre en complément d’un traitement racinaire.

• Pour les semis qui ne sont pas encore réalisés, outre la nécessité de semer sur un sol propre, la panoplie de solutions est encore correcte en favorisant la prélevée. Compte tenu du décalage de ce semis, il y aura également moins de graminées, il sera nécessaire d’adapter le programme avec un mélange moins agressif pour la culture (Défi 2,5 + DFF 0,15 ou Défi 2 + Codix 2 par exemple). Il est bon de rappeler qu’à partir de novembre, il convient d’adapter son choix variétal en semant uniquement des variétés avec une note de précocité montaison supérieure ou égale à 4 pour respecter les exigences physiologiques et limiter les risques vis-à-vis du gel et/ou de l’échaudage, ainsi que d’adapter à la hausse sa densité de semis (ex. : Celebrity, Rgt Pacteo, Sy Admiration, Providence, Talendor, Sy Rocinante, Prestance…).

Article rédigé par les partenaires de « Objectif Cultures Propres » (OCP) Bourgogne-Franche-Comté : CHAVASSIEUX Diane et Léa BOUNHOURE (ARVALIS), BAROT Jean-François / BONIN Emmanuel (Soufflet Agriculture), FOLTIER Benjamin (Axereal), LACHMANN Alexandre (Bourgogne du Sud), CHOPARD Patrick (CA39), COURBET Emeric (CA70), PILIER Arnaud (CA21), DELATTRE Marc (Columa Vegephyl), DERELLE Damien (SeineYonne), FLAMAND Romain (SAS Bresson), GELOEN Michael (Terres Inovia), GUITTARD Jean Michel (Terre Comtoise), KOEHL Philippe (Interval), SCHNOEBELEN Franck (CA25/90), LOISEAU Marie-Agnès (CA89), MIMEAU Mickael (Alliance BFC), VILLARD Antoine (CA71) et ZAMBOTTO Cédric (CA58).

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