Articles et actus techniques
Bourgogne-Franche-Comté

Céréales : pourquoi y a-t'il des teneurs en protéines parfois faibles ?

Les moissons de céréales ont démarré tôt et se sont déroulées à vive allure à la faveur d’une météo favorable. Les rendements sont globalement bons et les poids spécifiques sont très hauts. En revanche, c’est la protéine qui fait défaut, avec une moyenne régulièrement inférieure à 11,5 %. Quelques éléments d’analyse pour expliquer ces résultats.

Deux épis de blé dans une main après la récolte 2025 en Franche-Comté

Un printemps sec qui a pu conduire à une mauvaise valorisation des apports

Le printemps 2025 a été marqué par un stress hydrique dans la moitié nord du pays. Ainsi, dans notre région, 2025 se positionne dans les trois années sur dix parmi les plus sèches. En comparaison, en termes de stress hydrique, cette année est proche de 2019, mais pas aussi marquée qu’en 2020 et 2022.

Pour rappel, avec le décalage des dates de semis à l’automne 2024, trois grandes périodes d’arrivée au stade épi 1 cm ont été observées :

  • Situations précoces (variétés précoces à montaison, semées début octobre) : autour du 10/03 ;
  • Situations intermédiaires (variétés ½ précoces à ½ tardives semées à partir du 20 octobre, ce qui représente la majorité des situations) : autour du 20/03 ;
  • Situations tardives (semis de novembre décembre et zones tardives) : début avril.

Avec les cumuls de pluie observés entre février et avril 2025 (tableau 1), les apports à tallage en sortie d’hiver ont bien été valorisés. En revanche, une période de sec est apparue à partir de mi-mars et les apports épi 1 cm positionnés après le 15 mars n’ont pas pu être bien valorisés par la pluie. Dans ces situations de mauvaise valorisation, il était essentiel de fractionner l’apport à épi 1 cm afin de limiter les pertes. Des différences de valorisation de l’azote en fonction de la forme utilisée ont également pu être observées. En particulier, l’efficience azotée de la solution azotée est inférieure à celle de l’ammonitrate ou de l’urée.

Tableau 1 : Valorisation de l’azote des apports entre tallage et épi 1 cm

Tableau 1 : Valorisation de l’azote des apports entre tallage et épi 1 cm
Cumul de pluies dans les 15 à 20 jours qui suivent l’apport d’azote dans différentes stations météo de Bourgogne-Franche-Comté. Le vert indique que l’apport a été bien valorisé avec 15 mm de pluie dans les 15 jours, orange quand il faut attendre 20 jours pour cumuler 15 mm de pluie et rouge quand l’apport n’est pas valorisé car le cumul de pluie est inférieur à 20 mm dans les 20 jours suivant la date d’apport d’azote (source : ARVALIS, Météo-France).

Par ailleurs, le troisième apport à fin montaison (tableau 2) a également souffert d’une mauvaise valorisation, dans certaines zones de la région (stations météo de Dijon, Gray, Tavaux, Clamecy, Premery).

Tableau 2 : Valorisation de l’azote des apports de fin de cycle

Le sec observé pendant la montaison a également pu entraîner une carence induite en azote. En effet, lorsque les plantes sont en stress hydrique, elles réduisent leur flux transpiratoire, et donc l’absorption d’azote du sol.

Un effet de dilution des protéines en lien avec les bons rendements atteints

Si le nombre d’épi/m2 des céréales a pu être impacté par le stress hydrique courant montaison, les conditions climatiques lors de la fécondation des épis et lors du remplissage ont été globalement favorables. Ainsi, on observe en tendance cette année une bonne fertilité des épis ainsi que des bons poids de mille grains.

Cela est toutefois à nuancer pour les secteurs superficiels où on observe des défauts de fertilité épi par rapport aux zones de terres profondes (liés probablement à des stress abiotiques), et également pour les situations tardives, qui ont été pénalisées par le stress thermique de la fin du mois de juin / début juillet.

Globalement, les rendements moyens estimés à ce jour pour la récolte 2025 sont bons et supérieurs à la moyenne sur cinq ans (tableau 3).

Tableau 3 : Prévisions de rendements moyens en Bourgogne-Franche-Comté et écart à la moyenne d'après Agreste - Juillet 2025

Tableau 3 : Prévisions de rendements moyens en Bourgogne-Franche-Comté et écart à la moyenne d'après Agreste - Juillet 2025

La bonne dose a-t-elle été apportée ? Lorsque les rendements sont bons à très bons, il convient de vérifier l’adéquation avec la dose d’azote apportée, à l’aide des outils de pilotage du dernier apport. Lorsque la dose apportée était cohérente avec le rendement, la protéine est correcte. Mais, dans un bon nombre de situations, la fertilisation a été trop juste, notamment au dernier apport, au regard du potentiel, avec en conséquence des teneurs en protéines basses.

Le bon fractionnement ? La crainte de ne pas avoir la pluie suffisante a également conduit à la prudence, avec une tendance depuis quelques années à apporter plus tôt l’engrais azoté et avec un impact moindre sur la teneur en protéines. Les doses apportées en fin de montaison sont parfois insuffisantes pour la double optimisation rendement et protéines.

Des questionnements autour de l’absorption d’azote post-floraison

L’azote qui constitue la protéine du grain provient essentiellement des stocks constitués dans les dernières feuilles – on peut retenir comme ordre de grandeur que l’azote du grain provient à 80 % de stocks remobilisés et à 20 % d’absorption de l’azote du sol en fin de cycle. Ainsi, l’azote contenu dans les grains est fortement correlé à l’azote absorbé par la plante jusqu’à floraison.

Dans nos essais de suivi physiologique, la quantité d’azote absorbé à floraison était particulièrement faible en terres superficielles (Hauteville, 21) puisque l’indice de nutrition azotée (INN) était inférieur à 0,81. En plaine (Izier, 21), on a observé une carence en azote induite à dernière feuille étalée, mais l’INN est correctement remonté à floraison, avec une valeur proche de 0,9.

Cette année, l’absorption tardive a pu être potentiellement réduite sous l’effet du sec, en particulier dans les secteurs les moins arrosés en mai - juin. Les analyses d’azote dans les grains et dans les pailles sont encore en cours, et ces futurs résultats  pourront préciser ce point.

Le choix variétal : premier levier pour favoriser une bonne teneur en protéines

Les variations de teneurs en protéines du blé tendre s’expliquent par trois principaux facteurs que sont le potentiel génétique des variétés, les conditions agro-climatiques et les pratiques de fertilisation.

Jouer sur le profil génétique des variétés apparaît donc comme un levier très intéressant pour améliorer la richesse en protéines des grains et viser des débouchés exigeants sur ce critère (export notamment).

Afin d’aider au choix variétal, les variétés sélectionnées pour favoriser une bonne teneur en protéines (tableau 4) ont dont été filtrées avec les critères suivants :

  • Précocité à épiaison ≥ 6 : précocité adaptée à notre région ;
  • Note GPD ≥ 6 :  variétés qui ont une meilleure aptitude à concentrer la la protéine (moins de dilution de la protéine avec l’augmentation du rendement) ;
  • Note protéine ≥ 3 : capacité intrinsèque de la variété à faire de la protéine ;
  • Note septoriose ≥ 6.

Tableau 4 : Sélection variétale pour favoriser une bonne teneur en protéines

Principaux éléments d’explication à retenir 

>> Effet météo : les apports à épi 1 cm (après le 15/03) et fin montaison ont pu être pénalisés par le sec pour certains secteurs.
Le stress hydrique courant montaison a également pu entraîner des carences azotées induites.

>> Effet fractionnement dans les situations de mauvaise valorisation, le fractionnement de l’apport à épi 1 cm était un moyen de limiter les pertes d’azote. L’anticipation des apports par crainte du sec a pu également être pénalisant.

>> Effet dose : un effet dilution de l’azote marqué dans toutes les parcelles qui n’ont pas été fertilisées à la hauteur du potentiel finalement atteint.

>> Absorption d’azote post-floraison et remobilisation vers le grain : l’azote du grain provient à 80 % de stocks remobilisés et à 20 % d’absorption de l’azote du sol en fin de cycle. Est-ce que l’absorption d’azote post-floraison s’est bien déroulée ?

1 Un indice de nutrition azoté correcte se situe entre 1,2 et 0,8, avec une valeur optimale à 1. 

Article rédigé par les partenaires de « Blé Orge Objectifs Protéines » (BOOP) Bourgogne-Franche-Comté :
CHAVASSIEUX Diane et BOUNHOURE Léa (ARVALIS), BLAS Jérémie (CA21), BONNIN Emmanuel (Soufflet Agriculture), FOLTIER Benjamin (Axereal), JOUD Stéphane (CA39), COURBET Emeric (CA70), DERELLE Damien (SeineYonne), FLAMAND Romain (SAS Bresson), ROBLIN Yohann (Interval), LACHMANN Alexandre (Bourgogne du Sud), LOISEAU Marie-Agnès (CA89), MIMEAU MICKAËL (Alliance BFC), VILLARD Antoine (CA71) et ZAMBOTTO Cédric (CA58)

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.