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Champagne-Ardenne

Céréales d’hiver : un bilan de campagne mitigé

La précocité des stades courant montaison, la sécheresse du printemps et l’envolée du coût des intrants, notamment de l’azote, auront marqué la campagne 2021-2022. La moisson des céréales d’hiver se termine une semaine plus tôt (voire plus) que la moyenne : les orges d’hiver surprennent par de bons niveaux de rendement, tandis que les blés sont davantage centrés sur la moyenne pluriannuelle. Un point commun entre les deux espèces : la très grande variabilité des rendements selon le type de sol et la quantité de pluies reçues. Bilan de la campagne.

Céréales d’hiver : retour sur la campagne 2021/2022

Un début montaison précoce après un automne-hiver proche de la normale

Les chantiers de semis se sont concentrés principalement sur la seconde décade d’octobre. Les conditions climatiques sont favorables à une bonne implantation des céréales d’hiver, qui montrent une dynamique de levée et de croissance relativement homogène. Les ravageurs tels que pucerons et cicadelles sont peu présents, et les applications de désherbage sont réalisées dans des conditions quasi optimales pour optimiser leur efficacité. Les pluies sont régulières durant l’automne hiver (figure 1), les cumuls sont très légèrement inférieurs à la moyenne 10 ans. Les reliquats sortie hiver sont légèrement plus élevés que la moyenne, (+5/10 kg N/ha). Les premiers apports d’azote sont bien valorisés grâce aux pluies de février.

Figure 1 : Carte des pluies (mm) du 1er octobre 2021 au 10 mars 2022

La sortie hiver et la reprise de végétation se déroulent sous des conditions chaudes et sèches. Au sein de l’observatoire régional ARVALIS, le stade épi 1 cm est en avance de cinq voire dix jours par rapport à la moyenne pluriannuelle : le 16 mars pour les orges d’hiver, entre le 21 mars (zone craie) et le 26 mars (zone barrois) pour les blés tendres d’hiver.

Les notations de nombre de tiges à plus de 3 feuilles réalisées sur le réseau régional ARVALIS indiquent un niveau de tallage dans la moyenne pour les orges d’hiver et en retrait de près de 20 % pour les blés (figures 2). Hypothèse : la précocité de l’année et la chaleur de mars peuvent avoir engendré un arrêt précoce de la fabrication des talles.

Figures 2a et 2b : Tallage des orges d’hiver et des blés tendres d’hiver sur le réseau régional ARVALIS

Une montaison placée sous le signe de la sécheresse

Les apports d’azote à épi 1 cm ont en tendance été réalisés sur la première quinzaine de mars (stade épi 1 cm légèrement anticipé en blé), et ont été bien valorisés (pluies mi et fin mars).

D’une durée de 44 jours (légèrement supérieure à la moyenne pluriannuelle), la montaison des orges d’hiver se termine tôt en saison (29 avril). Les blés épient également précocement (15 mai), la montaison dure en moyenne 48 jours (-4 jours par rapport à la moyenne pluriannuelle). Sur cette période, on dénombre seulement trois épisodes de pluie : fin mars, début avril (tempête Diego) avec en moyenne 40 mm, puis fin mai. Certains secteurs (sud de l’Aube et Haute-Marne) bénéficient de petits épisodes de pluies supplémentaires fin avril et début mai (Figures 3 et 4).

Figure 3 : Cumul de pluie mensuel (mars-avril-mai 2022)

Figures 4a et 4b : Pluviométrie journalière (mm) et état de la réserve utile des sols (stations Fagnières-INRAE (51) et Auberive (52))

En conséquence, le stress hydrique s’installe très précocement en sols superficiels, dès avril. Les pluies conséquentes de mai et juin profitent aux cultures de manière transitoire mais ne permettent pas de sortir de cette situation de stress. En sols plus profonds, le stress apparaît plus tardivement, courant mai. Rappelons que la période de sensibilité majeure au déficit hydrique commence au stade dernière feuille (le potentiel de rendement peut être affecté dès 40 mm de déficit hydrique cumulé).

Les densités d’épis, à l’image du tallage, sont correctes en orge d’hiver (moyenne de 600 épis/m²), en retrait en blé tendre d’hiver (moyenne 550 épis/m²), et sont très variables selon le type de sol (figures 5). Certains secteurs cumulent un tallage en retrait et une montée à épis difficile, compte tenu du stress hydrique. Le taux de régression des talles est similaire à la moyenne pluriannuelle. Rappelons qu’un stress hydrique très précoce, dès le début de la montaison, peut expliquer une régression plus importante des talles.

Figures 5a et 5b  : Densités épis en orge d’hiver et blé tendre d’hiver sur le réseau régional ARVALIS

La fertilité épis est très liée au rayonnement durant la montaison : un très bon rayonnement peut compenser une partie de l’impact d’un stress hydrique. C’est le cas en sols profonds, avec des fertilités épis supérieures à la moyenne. Néanmoins, dans les situations où le stress hydrique a été précoce et/ou intense, les densités épis et la fertilité épis peuvent toutes deux être impactées. Au final, en orge d’hiver, la fertilité globale est correcte voire bonne, tandis qu’elle est davantage centrée sur la moyenne en blé tendre d’hiver. Certains sites décrochent à moins de 15000 grains/m² (figures 6).

Figures 6a et 6b : Fertilité en orge d’hiver et blé tendre d’hiver sur le réseau régional ARVALIS

Remarques :
- Des températures gélives (jusque -5 voire -8°C) ont été relevées début avril, au moment où les orges d’hiver étaient à 2-3 Nœuds, et les blés tendres à épi 1 cm – 1 nœud. Les conséquences de ce coup de froid ont été très limitées voire nulles et dépendent de la précocité des parcelles/sites.
- Pour les secteurs/parcelles les plus tardifs, la floraison des orges d’hiver a pu être concomitante avec des températures supérieures à 30°C à la mi-mai, pouvant ainsi expliquer des problèmes de fécondation ponctuels.

Une très grande variabilité des PMG et des rendements

En orge d’hiver, les mesures de poids de mille grains (PMG) réalisées à mi remplissage montrent des valeurs centrées sur la moyenne, voire légèrement inférieures : les conditions sèches et chaudes (températures supérieures à 25°C) de mi-mai ont pu limiter la taille des enveloppes, et donc freiner la cinétique de remplissage dès le départ. La seconde phase de remplissage se poursuit dans des conditions idéales de rayonnement et de températures, mais toujours dans un contexte de stress hydrique, malgré un retour des pluies fin mai-début juin. Au final, les PMG sont très hétérogènes selon les sites, et s’établissent à 39 g en moyenne (Figures 7 et 9).

Figure 7 : Evolution du PMG durant le remplissage des orges d’hiver

En blé tendre d’hiver, la première phase de remplissage se déroule sous des températures fraîches et favorables au remplissage. La seconde phase de remplissage est marquée par un coup de chaud (5 jours avec T°C max > 30°C) : selon la précocité des parcelles, ce coup de chaud est intervenu entre grain laiteux et grain pâteux, au moment du palier hydrique (stade très sensible). Les sites les plus précoces semblent épargnés. Les résultats des années passées nous rappellent que : 1 jour avec Tmax > 30°C = - 1 g PMG. Au final, sur notre observatoire régional, les PMG sont centrés sur 41 g, proches de la moyenne, voire inférieurs, particulièrement en sols superficiels (Figures 8 et 9).

Figure 8 : Evolution du PMG durant le remplissage des blés

Figure 9 : Températures maximales journalières et remplissage des orges et des blés tendres d’hiver

Sans surprise, les rendements sont très hétérogènes et liés au niveau de stress hydrique cumulé durant le printemps (Figure n°10). Les orges d’hiver tirent plutôt bien leur épingle du jeu, avec des teneurs en protéines contenues. A l’image des PMG, les calibrages sont décevants et très variables.

En blé, les rendements s’échelonnent de 50 q/ha en sols superficiels à 110 q/ha en sols de craie. Les semis tardifs ont davantage souffert de la sécheresse. On observe également la classique courbe de dilution de la protéine au regard de la productivité.

Néanmoins, en plaine, certaines remontées mentionnent des couples rendement-protéines surprenants : faibles rendements et teneurs en protéines modérées, forts rendements et malgré tout teneurs en protéines qui ne s’effondrent pas. Les stratégies d’apport d’azote, l’efficience des apports et la capacité de remobilisation de l’azote et des sucres en fin de cycle (liée à l’intensité du stress hydrique) peuvent expliquer ces phénomènes surprenants (voir encadré).

Notons également que les poids spécifiques (PS) s’établissent à des moyennes correctes voire très bonnes selon les sites.

Figures 10a et 10b : Rendements et teneurs en protéines des orges et blés tendres d’hiver

Les premiers enseignements sur l’azote et la physiologie de fin de cycle en blé tendre d’hiver

Dans un contexte de prix de l’azote élevé et de sécheresse, la question des troisièmes apports d’azote s’est posée (utilité et dose). Un message technique indiquait, le 11 mai dernier, un intérêt probable dans les parcelles sans stress hydrique notable, mais un intérêt beaucoup plus incertain dans les situations présentant des signes de stress hydrique marqués.

Que nous enseignent les essais cette année ? L’analyse des essais ARVALIS en région montre des indices de nutrition azotée contrastés selon les stratégies adoptées, le type de sol et le stress hydrique rencontré (figure 11).

Figure 11 : Evolution de l’INN (Indice de Nutrition Azotée) pour 2 sites ARVALIS (51 et 52)

Dans l’essai Physiologie à Crenay (52) en sol superficiel

Le stress hydrique est apparu dès mi-avril, la plante a restreint son alimentation en eau et en azote. Dans cette situation très stressée, le retour des pluies en fin de cycle n’a pas permis une remobilisation optimale de l’azote. Le rapport teneur en azote / biomasse produite montre que les blés étaient insuffisamment alimentés en azote, et ce, malgré 165 kgN/ha apportés (en deux apports – tallage et 1 nœud) (carence azotée induite par la sécheresse). Les rendements se situent à 64 q/ha et les teneurs en protéines à 11,5 %. Les teneurs en protéines contenues montrent bien que la remobilisation en fin de cycle a été suboptimale.

Dans l’essai Physiologie à Cuperly (51) en sol de craie

Dans cette situation en sol profond, le stress hydrique est apparu plus tardivement, vers fin mai. Sur ce site, les composantes de rendements sont correctes, hormis les densités épis en retrait. Avec 205 kgN/ha apportés en trois apports (tallage, épi 1 cm, début épiaison), l’indice de nutrition azotée (INN) se maintient aux alentours de 1 tout le long du cycle : autrement dit, les plantes étaient correctement alimentées au regard de la biomasse produite. Le retour des pluies fin mai-début juin, dans cette situation peu affectée à ce stade, a permis d’absorber l’azote minéral qui s’était progressivement accumulé dans le profil. Cet azote absorbé post-épiaison a rejoint un complexe d’azote et de sucres qui a été remobilisé vers les grains de manière efficace (conditions de remplissage correctes avec retour des pluies). Dans cette situation, les rendements s’établissent à 110 q/ha avec des teneurs en protéines correctes (10,2 %) pour le potentiel obtenu.

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