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Bourgogne-Franche-Comté

Céréales : des bonnes conditions de semis et de désherbage pour cet automne

Alors que les conditions climatiques pour semer sont globalement bonnes dans la région depuis début octobre, veiller à combiner du mieux possible les différents leviers pour gérer les adventices, à adapter le programme d’intervention et à viser les meilleures conditions.

Semis d’orges en 2025 en Bourgogne

Si la fin de la commercialisation du flufénacet est actée au 10 décembre 2025, son utilisation restera possible jusqu’au 10 décembre 2026. Après cette date, pour les désherbages d’automne, il restera donc, en principales molécules, le prosulfocarbe, le chlortoluron, la pendiméthaline, le diflufénicanil et l’aclonifen. Pour les sols drainés, certaines matières actives ne sont pas utilisables limitant encore plus les possibilités dans ces situations.  Dans ce contexte réglementaire toujours incertain, l’utilisation des leviers agronomiques reste primordiale pour limiter la pression des adventices et maximiser, dans un second temps, la réussite des interventions de désherbage chimique. Les herbicides seuls peuvent de moins en moins répondre à une gestion durable des adventices, d’où l’utilité de la rotation, du labour intermittent (une année sur trois ou quatre), des faux-semis, du décalage de la date de semis, du désherbage mécanique… sans oublier la gestion des graminées à l’échelle de la rotation en particulier dans les colzas.

Décaler la date de semis sur les parcelles les plus sales

Contrairement à ces deux dernières années, début octobre a été climatiquement favorable au semis des céréales. Sur les parcelles les plus sales, le message reste le même : ne pas se précipiter pour semer.

Pour rappel, avec un décalage de 15-20 jours (semis au 20-31 octobre), les pertes de rendement sont négligeables pour un blé, d’autant plus que les hivers doux actuels permettent de rattraper ce retard au départ. Il y a donc peu de risque pour le rendement avec des semis jusque fin octobre, à partir du moment où les conditions d’implantation sont correctes en particulier pour les orges.

En 2024/2025, un essai « décalage de la date de semis » a été conduit à Bressey-sur-Tille (21) en blé tendre. Un semis au 8 novembre, par rapport au 21 octobre, a entraîné une perte de 4 quintaux mais présentait une bien meilleure note de satisfaction en désherbage. Sur les parcelles les plus sales, il est parfois préférable d’accepter une légère baisse de rendement au profit d’une meilleure gestion du stock semencier adventice sur le moyen terme (figure 1). Dans ces situations, le choix d’adapté d’une variété plus précoce permet de compenser le « retard » (ex. : Thermidor, Celebrity, Prestance…).

Figure 1 : Rendement d’un semis décalé en fonction de la date de semis précoce (1er au 20 octobre) sur blé tendre d'hiver et orge d'hiver dans les essais ARVALIS (8 essais de 2017 à 2025)

Figure 1 : Rendement d’un semis décalé en fonction de la date de semis précoce (1er au 20 octobre) sur blé tendre d'hiver et orge d'hiver dans les essais ARVALIS (8 essais de 2017 à 2025)

Privilégier un désherbage en prélevée

En cas de préparation du sol grossière, il est judicieux de reporter l’application en postlevée. Dans tous les autres cas, le désherbage de prélevée dispose de plusieurs avantages :

  • Une bonne souplesse d’application : le stade d’application, après le semis, est moins risqué que pour la postlevée, qui voit ses efficacités affectées en cas de positionnement trop tardif (au-delà de 2 feuilles des graminées adventices). Privilégier l’intervention juste après le semis pour bénéficier de l’humidité résiduelle (dans les 48 h).
  • Une réintervention reste possible en postlevée en cas de nécessité, 15 à 20 jours après le passage de prélevée.

Depuis cette année, les modalités évaluées dans nos essais sont celles SANS FLUFENACET, pour préparer l’avenir du fait de l’arrêt de son utilisation fin 2026, et évaluer de nouvelles associations de substances actives.

Les désherbages de prélevée seule atteignent des performances moyennes à bonnes dans les essais ARVALIS 2024/2025, avec une efficacité moyenne de seulement 53 % pour les modalités testées sur vulpins et 68 % d’efficacité moyenne sur ray-grass. C’est malheureusement entre 10 % à 20 % d’efficacité en moins que les solutions contenant du flufénacet : d’où l’intérêt de mobiliser des leviers agronomiques en amont.

Pour les désherbages de postlevée seule, les efficacités sont inférieures sur vulpins, autour de 45-50 %, et légèrement supérieures sur ray-grass, autour de 60 %. Leur positionnement doit donc vraiment se faire au stade précoce des adventices (1 feuille), pour limiter les pertes d’efficacités en cas d’intervention trop tardive.

Avec cette baisse d’efficacité, la réalisation d’un programme double automne devient donc de plus en plus nécessaire, en plus des leviers agronomiques qui doivent abaisser la densité de graminées par m².

Il faudra rester vigilant à l’alternance et l’association des modes d’action dans la construction du programme double automne pour ne pas favoriser les résistances. La règle est simple : utiliser une seule fois une matière active par campagne.

D’un point de vue sélectivité, les associations les plus performantes en désherbage restent les plus à risque. Observer des symptômes de phytotoxicité est un mal parfois nécessaire. Ils restent la plupart du temps acceptables et s’estompent avec le temps. Pour les limiter, il est essentiel de bien enfouir les grains lors du semis (≈ 3 cm), d’adapter les doses en sols trop filtrants et d’éviter une intervention chimique en amont de pluies significatives annoncées (≥ 20 mm, risque plus important en sol sableux / sablo-limoneux qu’en limons argileux ou argilo-limoneux).

Viser les meilleures conditions d’application

Les herbicides disponibles à l’automne sont quasi-exclusivement des produits racinaires. L’humidité du sol est un facteur essentiel pour que ces herbicides appliqués soient efficaces. En effet, une fois à terre, les substances actives migrent dans l’eau du sol pour rejoindre les racines des plantes cibles. Il est recommandé de pulvériser ces produits sur un sol frais qui permettra la circulation du produit jusqu'aux racines et permettra de garantir l'efficacité du traitement.

L’efficacité des produits racinaires est également dépendante des quantités d'argile et de matière organique présentes dans le sol, ainsi que des résidus de cultures ou couverts végétaux présents. Plus la teneur en argile et/ou en matière organique est élevée, plus les molécules d'herbicides sont retenues par le sol. Les substances actives ne sont alors plus disponibles pour agir contre les adventices. En cas de présence de nombreux résidus de cultures ou de couverts végétaux, une partie de ces substances actives sera également mobilisée.

Les autres paramètres à ne pas négliger :

  • Privilégier un semis rappuyé et roulé pour améliorer l’efficacité et éviter les défauts de sélectivité ;
  • Semer sur un sol propre en particulier en semis direct.

Dans les sols filtrants avec une faible capacité au champ, qui sont sujets aux transferts rapides de matière actives dans l’eau, attention aux excès de précipitation après application. Si des abats d’eaux sont annoncés sur de courtes durées, mieux vaut décaler l’intervention.

Focus sur l’utilisation des produits à base de prosulfocarbe (Défi, Auros, Minarix…)

Conditions d’emploi à respecter par rapport aux cultures non-cibles
Pour les applications d’automne et afin de limiter la contamination des cultures non-cibles :
• Dans le cas de cultures non-cibles situées à moins de 500 mètres de la parcelle traitée : ne pas appliquer le produit avant la récolte de ces cultures. Il convient donc à l’utilisateur de s’assurer de la fin des récoltes avant toute application. Dans le cas contraire, il devra utiliser un désherbant sans prosulfocarbe.
• Dans le cas de cultures non-cibles situées à plus de 500 mètres et à moins d’un kilomètre de la parcelle traitée :
- ne pas appliquer le produit avant la récolte de ces cultures ;
- ou, en cas d’impossibilité, appliquer le produit uniquement le matin avant 9 heures ou le soir après 18 heures, en conditions de température faible et d’hygrométrie élevée.

Quelles sont les cultures non-cibles ?
Les cultures non-cibles concernées figurent dans une liste actualisée mise à disposition des utilisateurs, par le titulaire de l’autorisation. Il s’agit généralement des cultures suivantes :
- cultures fruitières : pommes, poires,
- cultures légumières : mâche, épinard, cresson des fontaines, roquette, jeunes pousses,
- cultures médicinales : artichaut, bardane, cardon, chicorée, piloselle, radis noir, bourgeon de cassis, échinacées, pissenlit, cataire, vigne rouge (feuilles),
- autres cultures : sarrasin, quinoa, chia, millet, moha, sorgho.

Autres conditions à respecter pour les produits à base de prosulfocarbe
- Buses antidérive : l’utilisation de buses antidérive homologuées est obligatoire lors de l’application de produits contenant du prosulfocarbe. Il est conseillé de traiter en l’absence totale de vent. Dans tous les cas, respecter la limite de vent de 19 km/h (degré 3 sur l’échelle de Beaufort).
- Distance de Sécurité Riverains (DSR) : vérifier les distances indiquées sur l’étiquette du produit. Les distances à respecter sont généralement les suivantes :
- En cas d’utilisation de matériel permettant une atténuation de la dérive de 90 %, respecter une distance d’au moins 10 mètres entre la rampe de pulvérisation et :
• L’espace fréquenté par les personnes présentes lors du traitement ;
• L’espace susceptible d’être fréquenté par des résidents.
- En cas d’utilisation de matériel permettant une atténuation de la dérive d’au moins 66 %, respecter une distance d’au moins 20 mètres entre la rampe de pulvérisation et :
• L’espace fréquenté par les personnes présentes lors du traitement ;
• L’espace susceptible d’être fréquenté par des résidents.

Tableau 1 : Conditions d'application des herbicides en fonction du mode d'action, de très favorable à très défavorable sur l’efficacité du traitement

Tableau 1 : Conditions d'application des herbicides en fonction du mode d'action, de très favorable à très défavorable sur l’efficacité du traitement
+++ très favorable, ++ favorable, 0 sans effet, - défavorable, -- très défavorable ; Source : Colloque Objectif Cultures propres, 2023

Et le désherbage mécanique ?

La mise en œuvre du désherbage mécanique, en complément des herbicides, pourrait accompagner l’utilisation limitée de ces derniers qu’elle soit volontaire ou suite à des retraits ou diminutions de doses des produits actuels. Les outils de désherbage mécanique en plein (herse étrille, houe rotative et roto-étrille) permettent de gagner jusqu’à une vingtaine de points d’efficacité par passage et jusqu’à 50 % d’efficacité pour un passage triple. Ce passage mécanique est à positionner sur des adventices peu développées et être suivi d'un à quatre jours sans pluie.

Dans les essais 2024/2025, les stratégies mixtes (mécanique + chimique) apportaient des efficacités entre 60 et 70 %. La modalité avec un passage chimique en prélevée combiné à un passage de herse étrille à 2F était la meilleure modalité. Ces performances sont à mettre en regard des pertes de pieds de céréale, de 10 à 20 % de pertes de pieds pour un passage mécanique et jusqu’à 30 % pour les passages triple. A ce stade précoce de la céréale, les pertes de pied peuvent être compensées en partie. Néanmoins, il est donc conseillé d’anticiper cette perte dès le semis pour prévoir une densité de grains/m² revue à la hausse de l’ordre de 15 à 20 %. Les conditions climatiques actuelles sont favorables à un passage de désherbage mécanique en plein à l’aveugle.

Tableau 2 :  Préconisations de désherbage mécanique sur céréales, en fonction du stade de la culture

Tableau 2 :  Préconisations de désherbage mécanique sur céréales, en fonction du stade de la culture
Source : ARVALIS

A retenir :

  • Attendre pour semer les parcelles les plus sales en graminées (pas avant le 20-25 octobre).
  • Pour les parcelles déjà semées ou en cours de semis avec un risque de graminées, prévoir un désherbage de prélevée.
  • En cas d’équipements disponibles pour du désherbage mécanique en plein, les conditions climatiques sont actuellement réunies pour un passage à l’aveugle.

Article rédigé par les partenaires de « Objectif Cultures Propres » (OCP) Bourgogne-Franche-Comté : CHAVASSIEUX Diane et Léa BOUNHOURE (ARVALIS), BONNIN Emmanuel (Soufflet Agriculture), FOLTIER Benjamin (Axereal), LACHMANN Alexandre (Bourgogne du Sud), JOUD Stéphane (CA39), COURBET Emeric (CA70), PILLIER Arnaud (CA21), ROBILLARD Catherine (SeineYonne), FLAMAND Romain (SAS Bresson), GELOEN Michael (Terres Inovia), BOIVIN Marius (Terre Comtoise), ROBLIN Yohann (Interval), LACHAUD Dominique (SAS Ruzé), Equipe grandes cultures Chambre d’agriculture de l’Yonne (CA89), MIMEAU Mickael (Alliance BFC), VILLARD Antoine (CA71) et ZAMBOTTO Cédric (CA58). 

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