Articles et actus techniques

Stratégies fongicides sur blé tendre : huit régions dévoilent leurs programmes pour 2026 

La pression des maladies fongiques sur blé tendre a été globalement faible en 2025, mais avec des différences marquées entre régions. Cette variabilité souligne la nécessité d’ajuster les stratégies de lutte au contexte local. Tour d’horizon des programmes-types à mettre en œuvre dans huit régions céréalière avec l’expertise des ingénieurs régionaux d’ARVALIS.

personnes au champ

La nuisibilité moyenne des maladies observée sur blé tendre dans les essais ARVALIS durant la campagne 2024/25 est de 12,2 q/ha, un chiffre en baisse de 10 q/ha par rapport à la campagne précédente. Avec des pluies moins abondantes et plus espacées, les conditions météo 2025 ont été globalement peu favorables au développement de la septoriose. Ce sont les rouilles, et particulièrement la rouille brune en fin de cycle, qui se sont fait remarquer en toutes régions.
 

Mais de fortes disparités régionales ont été observées. Les plus faibles nuisibilités sont enregistrées en Lorraine et en Champagne-Ardenne (autour de 6 q/ha), ainsi qu’en Île-de-France. Mais dans trois régions céréalières, elles sont bien au-dessus de la moyenne nationale : 17,7 q/ha dans le Centre, 21,8 q/ha en Midi-Pyrénées et 22 q/ha en Bretagne. Qu’en conclure pour l’année qui s’annonce ? Les ingénieurs régionaux d’Arvalis proposent ci-après des programmes fongicides adaptés au contexte pédoclimatique et à la pression moyenne des maladies attendues dans chaque grande région céréalière.
 

Il faudra bien sûr adapter ces stratégies de lutte en fonction de la tolérance des variétés semées et de l’évolution des risques de maladie en cours de campagne. Le Bulletin de Santé du Végétal, édité par région et publié chaque semaine, est un précieux outil d’information sur le risque réel, de même que les OAD.  

  • Occitanie et Sud Aquitaine

    En 2025, la douceur et la pluviométrie sur la deuxième partie de la montaison ont entraîné le développement de la rouille brune, de la septoriose et, sur certains secteurs, de la rouille jaune. Les variétés plus sensibles à la septoriose et à la rouille brune (Bologna, Oregrain, Providence, KWS Ultim, Pibrac) doivent faire l’objet d’une surveillance renforcée avec, en cas d’attaque importante, une intervention (T1) à « 2 noeuds ». La rouille jaune est aussi à surveiller en cas d’attaque précoce. Un T1 à base d’une triazole efficace (tébuconazole ou metconazole) peut s’avérer suffisant en attendant le traitement pivot au stade « Dernière feuille étalée » (DFE). Celui-ci permet de contrôler efficacement les principales maladies foliaires sur les variétés les plus cultivées de la région : Prestance (surveiller la rouille jaune), Izalco CS, Pibrac, RGT Pacteo, Grekau… Afin de maximiser l’efficacité du traitement contre la rouille brune, le partenaire (SDHI, Qil ou IDM) doit être associé à une strobilurine.

    Tableau 1 :Exemple de programme fongicide à « Dernière feuille étalée »
    Tableau 1 : Exemple de programme fongicide à « Dernière feuille étalée »

  • Poitou-Charentes

    La campagne 2025 a été marquée par la rouille jaune qui entame significativement les rendements sur certaines variétés. Le premier levier reste la résistance variétale : Intensity ou Thermidor ont de très bons comportements vis-à-vis de cette maladie. Le benzovindiflupyr (SDHI), les strobilurines (QoI) ou le tébuconazole (IDM) sont des solutions efficaces en T1, l’application à « Dernière feuille étalée » restant la stratégie majoritaire. Cette stratégie, bien positionnée par l’observation terrain et appliquée aux doses recommandées sur une variété peu sensible aux maladies (comme KWS Perceptium ou LG Abilène), a bien géré la nuisibilité de l’année 2025. Dans les secteurs à plus forte pression maladies, limons ou terres rouges à châtaigniers, sur une variété sensible, un outil d’aide à la décision détermine la pertinence d’une intervention en T1.Attention, une double application de fongicides contenant du prothioconazole dans le programme contribue à la progression des résistances. Pour rappel, pour préserver les efficacités, il faut associer et alterner les matières actives et n’utiliser qu’une seule SDHI, QoI ou QiI par programme.

    Tableau 2 : Exemple de programme fongicide pour un risque septoriose faible (nuisibilité 10-15q/ha), en présence de rouille brune
    Tableau 2 : Exemple de programme fongicide pour un risque septoriose faible (nuisibilité 10-15q/ha), en présence de rouille brune

  • Champagne-Ardenne

    Après une année 2024 marquée par une pression maladies exceptionnelle (majoritairement septoriose), ce fut tout le contraire en 2025, avec la présence caractéristique de rouille brune. Les variations climatiques obligent vraiment à adapter son programme fongicide au contexte annuel. Le T2 au stade « Dernière feuille étalée », quelle que soit l’année, reste le traitement primordial, avec un éventuel T3 en cas de pression de fusariose, ou de septoriose et de rouille brune persistantes. Pour le T1, un OAD aidera à arbitrer selon la tolérance variétale, la météo de l’année, dont dépend sa rentabilité. L’impasse est souvent possible en Champagne (en l’absence de rouille jaune et d’oïdium). Plus que jamais, l’alternance des matières actives est essentielle dans un programme, pour limiter la progression des résistances. Ainsi, le prothioconazole peut être plus adapté en T3, tandis que pour le T2, d’autres matières actives performantes sont également utilisables.

    Tableau 3 : Exemple de programme fongicide en T2 avec une pression moyenne à forte en septoriose
    Tableau 3 : Exemple de programme fongicide en T2 avec une pression moyenne à forte en septoriose

    Si rouille brune au T2 : ajout de strobilurine (Amistar, Comet 200 / Quibilium...). Attention aux possibilités de mélanges suivant les produits.

  • Hauts-de-France

    La nuisibilité moyenne de 10 q/ha s’étale sur la région de 4 à plus de 25 q/ha en présence de rouilles. La rouille brune a été favorisée par un cumul des températures sur le printemps supérieur à la médiane ainsi que la sensibilité des variétés implantées. Celles-ci sont de plus en plus résistantes à la septoriose mais plutôt sensibles à la rouille brune !Le traitement à « Dernière feuille étalée » reste le pivot de la protection et lève la majorité de la nuisibilité. Le relai à « Début floraison » contre les rouilles n’est pas à systématiser, mais la surveillance de la rouille brune est primordiale jusqu’en fin de cycle de la rouille brune, en plus de nos maladies habituelles (septoriose et fusarioses). L’impasse du T1 se raisonne selon la sensibilité variétale, à la septoriose notamment. Les solutions de biocontrôle à base de soufre ou/et de phosphonates de potassium sont efficaces contre la septoriose ; en cas de rouilles, il est nécessaire de les associer à une strobilurine ou à une triazole.Les résistances aux triazoles progressent légèrement et les résistances aux SDHI se stabilisent, dans les suivis réalisés en 2025 dans un contexte de faible présence de septoriose et d’utilisation large de la fenpicoxamide, appartenant à une nouvelle famille chimique.

    Tableau 4 : Exemple de programme fongicide avec une pression moyenne en septoriose et rouilles
    Tableau 4 : Exemple de programme fongicide avec une pression moyenne en septoriose et rouilles
    Alterner les produits, maintenir 1 seule application par campagne de SDHI,de fenpicoxamid et veiller à utiliser chaque triazole une seule fois par campagne (en particulier le prothioconazole).

  • Centre-Val de Loire

    La meilleure protection fongicide, et la moins chère, reste le choix d’une variété résistante à la septoriose et à la rouille jaune. L’optimisation des charges passe ensuite par une application à « Dernière feuille étalée » (DFE), à sanctuariser. Si la rouille jaune est absente, mieux vaut faire un unique traitement à une dose cohérente à DFE que de répartir son enveloppe entre un petit T1 et un T2 à dose réduite !À DFE, plusieurs solutions équivalentes sont envisageables pour gérer la septoriose : association de SDHI, fenpicoxamide et triazoles, dont la dose est à moduler selon son risque. Le recours à une strobilurine n’a d’intérêt que pour la gestion des rouilles (jaune ou brune) et devient alors un incontournable à DFE en leur présence. Vigilance particulière cette année sur la rouille jaune avec l’apparition de nouvelles souches, qui vont rebattre les cartes des résistances variétales. Dernière chose à prendre en compte : l’alternance des matières actives ! Le choix de produits efficaces sur rouilles et fusarioses en T1 et T3 se réduit et doit s’anticiper.

    Tableau 5 : Exemple de programme fongicide avec une pression moyenne en septoriose (13-18 q/ha de nuisibilité)
    Tableau 5 : Exemple de programme fongicideavec une pression moyenne en septoriose(13-18 q/ha de nuisibilité)
    * suffisant en cas de septo et rouille jaune uniquement.

  • Normandie

    Quoi qu’il en coûte - selon la formule consacrée – la protection à « Dernière Feuille Étalée » reste la plus préjudiciable si elle est mal faite. Il ne faut surtout pas la négliger : garantir son efficacité exige d’appliquer la dose adéquate, au stade adéquat et avec deux substances actives. Pensez-vous avoir besoin de passer avant ce stade ? Bien souvent, les quelques quintaux perdus à « 2 noeuds » ne justifient pas une intervention, sauf en cas de rouille jaune précoce avec des pustules actives. Et en fin de cycle ? On pense souvent qu’il faut regarder la pluie et le risque de fusariose… mais, attention, depuis quelques années, c’est la rouille brune qui est présente et nuisible en fin de cycle ! S’il fait beau, c’est l’occasion d’aller observer ses champs ou de lire le BSV au soleil pour s’informer.

    Tableau 6 : Exemple de programme fongicide pour variétés moyennement sensibles (note=6) avec un risque septoriose moyen (15-20 q/ha de nuisibilité) en absence de rouille jaune
    Tableau 6 : Exemple de programme fongicide pour variétés moyennement sensibles (note=6) avec un risque septoriose moyen (15-20 q/ha de nuisibilité) en absence de rouille jaune
    Risque rouille brune : associer une strobilurine efficace en complément des interventions ci-dessus.

  • Bourgogne-Franche-Comté

    Dans une région où la nuisibilité des maladies est plutôt faible (<10 q/ha) et dans un contexte économique tendu, il faut se focaliser sur le traitement pivot à « Dernière feuille étalée » du blé, qui lève le plus de nuisibilité avec des produits apportés à une dose efficace. Les variétés cultivées dans la région sont, dans leur majorité, résistantes à la septoriose comme Chevignon, Lg Absalon, KWS Sphere, Thermidor, Prestance… Le traitement avant la dernière feuille n’est rentabilisé que dans 30 % des situations avec des variétés sensibles, en cas d’arrivée précoce de la maladie : ce fut le cas en 2024 sur des variétés comme Celebrity, Complice, KWs Ultim, SY Admiration… Dans ce cas, un premier traitement est préconisé avec une application à base de soufre seul ou de soufre avec du phosphonate de potassium.En 2025, de la rouille brune a pu arriver en fin de cycle. Associer une strobilurine au traitement pivot à « dernière feuille » en cas de pression rouille brune sur variété sensible est conseillé dans ce cas (Thermidor, Su Pulsion, Pondor, RGT Luxeo, KWS Ultim, Unik, Complice…).

    Tableau 7 : Exemple de programme fongicide pour variétés résistantes à peu sensibles à la septoriose (<10 q/ha de nuisibilité)
    Tableau 7 : Exemple de programme fongicide pour variétés résistantes à peu sensibles à la septoriose (<10 q/ha de nuisibilité)
    1 traitement unique à dernière feuille étalée est suffisant.

  • Rhône-Alpes

    La région a été plus arrosée qu’une grande partie du territoire au printemps 2025, mais la pression de septoriose est restée modérée. Comme souvent, la maladie ne s’est installée qu’en toute fin de montaison et une intervention unique à « dernière feuille étalée » a permis un bon contrôle. L’intervention unique à « dernière feuille » reste la recommandation dans la région pour 2026, en ajoutant une strobilurine pour toutes les situations avec un risque rouille brune (variétés sensibles comme Thermidor, Conquistador, RGT Pacteo, Intensity et moitié sud de la région). Pour garantir la qualité sanitaire, une intervention à floraison peut s’avérer nécessaire sur les blés avec un précédent maïs s’il pleut à floraison. L’association de tébuconazole et prothioconazole est alors à privilégier, car elle assure un relais de protection sur la rouille brune. L’application d’azoxystrobine ou de pyraclostrobine à floraison est en revanche déconseillée car elle pourrait favoriser le développement des champignons du genre Fusarium spp. au détriment des Microdochium spp. et ainsi favoriser la production de DON.

    Tableau 8 : Exemple de programme fongicide avec un risque rouille brune dominant et un risque septoriose modéré (nuisibilité 15 q/ha)
    Tableau 8 : Exemple de programme fongicide avec un risque rouille brune dominant et un risque septoriose modéré (nuisibilité 15 q/ha)
    Programme fongicide pour la moitié sud de Rhône-Alpes. Pour la moitié nord de Rhône-Alpes dominée par la septoriose, les programmes proposés en Bourgogne peuvent s’appliquer pour des variétés peu sensibles septoriose.

Téléchargez le tableau des efficacités de fongicides disponibles
pdf 118.28 Ko

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.