Résultats d’essais

Performances techniques d’un essai bio de longue durée

Depuis 2009, ARVALIS évalue la faisabilité d’un système céréalier bio autonome en azote sur sa station de Boigneville (91). Présentation des résultats techniques après 13 ans d'essais.

Ce dispositif étudie un système de grandes cultures conduites en agriculture biologique sans apport exogènes d’engrais organiques, en particulier d’azote. Après 10 ans de suivi, il permet de répondre aux différentes questions posées par les acteurs de l’agriculture biologique d’Ile-de-France (fertilité des sols, gestion de l’enherbement, biodiversité, consommation d’énergie, lixiviation des nitrates).

La luzerne : le moteur de notre rotation

Le dispositif repose sur une rotation longue avec de nombreuses légumineuses, seule source d’azote pour les autres cultures. La luzerne est le moteur principal de ce système pour deux raisons : son effet précédent qui permet d’alimenter en azote les deux blés suivants, et son effet nettoyant sur les adventices. La rotation est cohérente avec les pratiques observées dans la région Île-de-France et la présence de la luzerne est permise par sa valorisation en débouché déshydratation.

La rotation du dispositif n’a cessé de s’allonger depuis 2009, passant de six à huit ans en 2015 puis à dix depuis 2019. Ces allongements successifs ont eu pour objectif commun d’augmenter la fréquence de retour de la luzerne, à la suite de contre-performances observées depuis 2013. 

Figure 1 : Rotation du dispositif de Boigneville depuis la campagne 2019-2020
Figure 1 : Rotation du dispositif de Boigneville depuis la campagne 2019-2020

Tous les termes de la rotation sont présents chaque année sur le dispositif.

Des rendements et des qualités globalement satisfaisants

Depuis sa mise en place en 2009, plusieurs indicateurs sont suivis : itinéraires techniques, notations adventices, reliquats azotés, analyses de sol complètes, rendements, qualité des grains…

À l’exception de la luzerne et de la lentille, les rendements obtenus reflètent les potentiels atteignables en bio dans le contexte pédoclimatique de Boigneville (limons argileux peu calcaires sur 30 à 90 cm de profondeur).

La lentille n’ayant pas donné satisfaction, elle est remplacée depuis le semis 2023 par un mélange pois-triticale, qui permet de maintenir une légumineuse.

Tableau 1 : Evolution des rendements du dispositif bio autonome de Boigneville depuis 2009 (t/ha)
Tableau 1 : Evolution des rendements du dispositif bio de Boigneville

Remarque : le potentiel d’un blé conventionnel dans ce contexte se situe autour de 80 q/ha.

Les variétés de blé sont choisies en fonction de leur position dans la rotation : variétés de compromis rendement/protéines à la suite de la luzerne, variétés typées protéines en précédent féverole. A noter que toutes les variétés sont résistantes à la rouille jaune.

L’objectif est d’avoir un blé panifiable mieux rémunéré. La stratégie variétale a permis d’atteindre, même sans apport exogène d’azote, en moyenne le taux de 10,5 % requis en protéines. Aucun problème de mycotoxines n’a jamais été constaté, même en 2016 où le printemps a été très pluvieux.

Figure 2 : Evolution des teneurs en protéines des blés du dispositif bio de Boigneville
Figure 2 : Evolution des teneurs en protéines des blés du dispositif bio de Boigneville

Les rendements satisfaisants du blé tendre sont très liés au précédent et à l’azote disponible dans le sol en sortie d'hiver. De forts reliquats sont souvent synonymes de bons rendements.

Figure 3 : Relation entre rendements des blés bio et reliquats sortie d’hiver

Côté couvert, la priorité étant donnée à la gestion des chardons, en moyenne sur neuf ans d’implantation, les biomasses sont très faibles, avec une moyenne de 0,6 t MS/ha (pas de levées à un maximum de 1,6 t MS/ha en 2015). En majorité, le couvert implanté en août/début septembre était du trèfle incarnat (légumineuse pure réglementairement autorisée en bio).

Une carence en soufre pénalise la croissance de la luzerne

Des problèmes de développement de luzerne nous ont conduits à faire des diagnostics approfondis (analyses, essais aux champs et en laboratoire). Ils ont mis en évidence une carence en soufre, phénomène en lien avec des retombées atmosphériques en diminution constante (60 kg SO3/ha en 1980, 24 kg/ha en 1990, 3,3 kg/ha émis en 2014).

Pour y remédier, des apports systématiques de kiésérite (l’équivalent de 60 kg SO3/ha) sont réalisés chaque année sur la luzerne depuis 2017.

Si l’autonomie en azote semble aujourd’hui possible sans aucun apport de fertilisants extérieurs, il n’en est pas de même pour le soufre.

Un appauvrissement progressif en phosphore et potassium

Quant aux éléments phosphore (P) et potassium (K), ils ne font que diminuer. Si la teneur en potassium reste satisfaisante en lien avec la richesse du sol, celle en phosphore est plus préoccupante. Cette teneur reste tout de même convenable en comparaison avec certaines observations faites dans le cadre du projet PhosphoBio. L’observatoire du Bassin parisien montre que la moyenne en phosphore est de 47 mg/ha sur un échantillon de 58 parcelles et que 35 d’entre elles sont en dessous du seuil renforcé pour les cultures moyennement exigeantes (orge, pois…).

Les résultats des analyses AgroEcoSol sont attendus dans les semaines à venir.

Tableau 2 : Evolution des teneurs P et K du sol observés sur le dispositif bio de Boigneville
Tableau 2 : Evolution des teneurs P et K du sol observés sur le dispositif bio de Boigneville

Une gestion satisfaisante des adventices

Alors que l’adventice la plus problématique sur la partie conventionnelle est le ray-grass, la flore du dispositif bio est avant tout composée de dicotylédones annuelles. Chardons et folles-avoines sont aussi observés.

Les différentes stratégies mises en œuvre pour gérer les adventices sur le dispositif donnent satisfaction au vu des notations réalisées. Les leviers agronomiques comme le labour, le semis tardif, la présence de la luzerne, et l’utilisation du désherbage mécanique permettent de maintenir un salissement acceptable sur les céréales. La gestion du salissement sur le lin et la féverole reste plus difficiles mais non problématiques (gestion à l’échelle de la rotation).

L’évaluation multicritères de cet essai permet d’analyser la durabilité agronomique, économique et environnementale sur le long terme d’une telle pratique.

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