Les Essentiels d'ARVALIS - Désherbage des céréales à paille : quelle est la date optimale de traitement ?
Lorsqu’ils sont réalisés dans de bonnes conditions climatiques, les désherbages précoces visant des adventices peu développées préservent le rendement de la culture. C’est ce que montrent les expérimentations récentes réalisées par ARVALIS. En cas de parcelles fortement infestées, le désherbage d’automne tôt en saison s’impose dans le cadre d’un programme. En situation d’infestation modérée, l’intervention doit avoir lieu le plus tôt possible en sortie d’hiver sur des plantes sensibles au produit herbicide utilisé.
Avec l’arrivée des anti-graminées de type sulfonylurées, produits complets assez efficaces, les interventions herbicides tendent à être retardées. La stratégie consiste à attendre qu’un maximum d’adventices soient levées pour intervenir. Néanmoins cette pratique privilégiée par une majorité de céréaliers fait face à de plus en plus de dérives d’efficacité dont les causes sont multiples : adventices plus développées et plus difficiles à détruire, densités élevées, progression de la résistance des adventices, conditions climatiques difficiles, changements de pratiques culturales… Des expérimentations récentes illustrent l’impact du choix de la période d’intervention sur la rentabilité du désherbage et confirment la stratégie « désherber tôt » mise en avant dans les années 1990.
• Les références expérimentales ARVALIS
• Les préconisations d'ARVALIS
• Pour en savoir plus
Comment ça marche ?
Le désherbage des céréales répond à un double objectif :
- lever précocement la concurrence des mauvaises herbes sur la culture en place pour ne pas compromettre le rendement (nuisibilité directe). Par ailleurs, en contrôlant précocement les adventices, les autres facteurs de production, en particulier l’azote, seront mieux valorisés,
- éviter leur prolifération et contribuer à maintenir un capital propreté sur les cultures suivantes, en limitant au maximum le stock semencier de la parcelle.
Raisonner son désherbage passe par la définition de la date optimale du traitement, fonction du niveau d’infestation, plus particulièrement en graminées. Il faut intervenir avant que les adventices n’aient eu le temps de concurrencer significativement la culture en tenant compte du fait que toutes les mauvaises herbes n’apparaissent pas de façon simultanée.
• Comment mettre à profit la connaissance et les caractéristiques biologiques des adventices pour mieux les gérer ?
• Quelle est la nuisibilité des mauvaises herbes ?
Les références expérimentales ARVALIS
Des expérimentations allant jusqu’à la donnée rendement illustrent bien l’impact de la date du désherbage sur la concurrence exercée par les mauvaises herbes.
Une première série d’essais dans les années 80
Au cours des campagnes 1985-86, 1986-87 et 1987-88, 89 essais ont été réalisés dans toutes les régions céréalières afin d’étudier les facteurs déterminant le choix de la meilleure époque de désherbage. Une synthèse (45 essais) avec comparaison des 5 périodes de désherbage a permis de regrouper les essais selon la pression des adventices et le potentiel de rendement.
Figure 1 : Evolution des rendements de différents groupes d’essais en fonction des époques de désherbage (synthèse de 45 essais – 1985 à 1988)
Les enseignements de ces essais :
- la nature et la densité des mauvaises herbes est un critère déterminant pour le choix de la meilleure période de désherbage.
- la nuisibilité peut s’exercer durant le tallage. C’est principalement à la sortie de l’hiver que s’exerce la concurrence des adventices pour l’eau, la lumière, les éléments nutritifs.
- dans les situations à faible infestation, seule l’intervention début montaison est pénalisante.
- dans les situations à forte infestation, la tendance générale montre clairement l’intérêt des désherbages les plus précoces. La réponse aux herbicides apparaît d’autant plus grande que le potentiel de milieu est faible : la chute de rendement consécutive à un désherbage trop tardif est d’autant plus importante que le potentiel du blé est faible. Cela s’explique par la concurrence à l’égard des mauvaises herbes que peut entretenir une culture de blé très vigoureuse.
… Corroborée dans les années 2000
D’autres essais ont été conduits de 2005 à 2008 (17 essais) pour mesurer l’impact de différentes époques de désherbage sur le rendement et sur l’efficacité visuelle finale. Dans cette série d’essais plus récente, la nuisibilité moyenne des mauvaises herbes est de 24,7 q/ha (de 6 à 65 q/ha) qui illustre aussi la diversité des situations rencontrées.
Figure 2 : Impact de différentes époques de désherbage sur le rendement et sur l’efficacité visuelle (synthèse de 17 essais – 2005 à 2008)
La synthèse des essais montre :
- un gain de 4 q/ha pour les applications en programmes par rapport aux applications uniques de sortie d’hiver. Les efficacités visuelles des programmes sont supérieures et plus régulières.
- même si les applications d’automne sont inférieures en efficacité aux applications de sortie d’hiver, il est intéressant de constater que ces applications uniques d’automne apportent un avantage au niveau du rendement, illustrant la concurrence qui s’exerce précocement sur la céréale.
Derrière ces résultats globaux, ces essais corroborent ceux acquis précédemment :
- dans les essais très fortement infestés en graminées : les applications d’herbicide à l’automne ou en programme protègent les rendements.
- dans les essais modérément infestés : le risque de nuisibilité avant fin tallage est faible.
- dans les essais à infestation « intermédiaire », le traitement de sortie d’hiver précoce est la solution de sécurité pour le rendement.
Cependant, compte tenu du développement des situations résistantes, une base d’automne peut s’avérer utile afin d’intervenir plus sereinement en sortie d’hiver précoce (risque de ne pouvoir passer à cause des conditions climatiques). À titre d’exemple, les essais de Vraux (51) et de Jurigny (51) en 2007 montrent que les traitements réalisés fin mars avec des efficacités visuelles bonnes ne préservent pas le rendement, les baisses allant de 15 q/ha jusqu’à 30 q/ha entre 2 traitements réalisés à 20 jours d’écart en mars.
Des essais spécifiques sulfonylurées
Pour compléter l’approche perte de rendement, des essais ont également eu pour objectif de déterminer le meilleur positionnement des sulfonylurées anti-graminées sur l’efficacité visuelle. Les produits ont été appliqués à plusieurs époques correspondant à différents stades et lors de conditions climatiques parfois dites « difficiles ». Ils montrent que pour ces produits, le critère à mettre en avant pour choisir leur moment d’application est le stade des graminées à détruire, sachant qu’il faut viser des adventices peu développées. Ensuite, il faut tenir compte des conditions climatiques.
Des doses efficaces selon les stades des adventices
Au travers de son expertise et de ses essais annuels « efficacité », l’institut établit régulièrement pour chaque herbicide des spectres d’efficacité par dose selon les stades des adventices.
Les préconisations d'ARVALIS
Ces essais montrent qu’il faut désherber tôt, viser des adventices peu développées et intervenir en bonnes conditions climatiques. Les désherbages précoces préservent le rendement de la culture : ils lèvent de façon précoce la concurrence des adventices et sont plus efficaces, les adventices étant jeunes. Il ne faut donc pas attendre le développement de plantes à levée plus tardive, comme la folle avoine par exemple.
Ce conseil peut être affiné en fonction du salissement de la parcelle et de la nuisibilité des mauvaises herbes présentes. La nature et la densité des adventices constituent deux critères déterminants et pertinents.
- en faible infestation, il est possible de choisir plusieurs époques de désherbage allant de l’automne à la sortie d’hiver. Cette pratique est à réserver aux parcelles bien connues pour leur risque de résistance nul ou faible. Reste que le désherbage précoce visant à intervenir à un stade jeune des adventices alors que leur sensibilité est importante permet là aussi de moduler la dose de certains produits et de maximiser l’efficacité de l’herbicide.
- en infestation modérée, il convient d’intervenir en fin d’hiver le plus tôt possible. Si la parcelle a déjà été diagnostiquée en résistance (FOP et/ou DEN et/ou Sulfonylurées), il convient d’intervenir dès l’automne.
- en situation fortement infestée, il est nécessaire de s’orienter vers les périodes d’intervention les plus précoces pour limiter la concurrence des adventices sur la culture et préserver le rendement. Le désherbage d’automne s’impose dans le cadre d’un programme de désherbage. Si la parcelle a été diagnostiquée résistante aux différentes solutions de sortie d’hiver (FOP/DEN/Sulfonylurées), il peut être nécessaire de mettre en place un programme à base de deux applications d’automne.
Dans tous les cas, l’observation de la parcelle, les conditions climatiques ainsi que les bonnes pratiques d’application des herbicides sont les clés de la réussite d’un désherbage.
• B. Real, E. Fabre, JP Gouet, L. Pelce (1990) : Facteurs de rentabilité du désherbage, le choix de la meilleure époque d’intervention. CR 14ème Conférence du Columa.
• L. Bonin, G. Citron « Désherbage : intervenir tôt et appliquer en bonnes conditions » - Perspectives Agricoles N°338 - octobre 2007.
• L. Bonin, G. Citron, PY Yeme « Du côté des herbicides : optimiser leur application pour réduire leur utilisation » - Perspectives Agricoles N°369 - juillet-août 2010.
• Dépliants « Protection des céréales à paille - lutte contre les mauvaises herbes ».
• Editions Régionales «Choisir et décider 1 – Variétés et traitements d’automne des céréales ».
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