Ce mois-ci dans Perspectives Agricoles : comment les données agricoles sont-elles gouvernées ?
L’entrée en phase industrielle des livrables du projet MULTIPASS, un écosystème informatique de gestion des consentements pour le partage des données agricoles, est l’occasion pour Bruno Lauga, data manager chez Arvalis, de faire un point sur le sujet.
Perspectives Agricoles : Pourquoi collecter les consentements ?
Bruno Lauga : Obtenir le consentement d’utilisation des données personnelles, qui identifient un individu, est une obligation réglementaire (hors contrat). En revanche, il existe un vide juridique concernant l’usage des autres types de données, notamment agricoles. Vide auquel la profession (FNSEA, JA) a répondu en élaborant la charte Data Agri qui reconnaît un droit de contrôle exclusif des agriculteurs sur la collecte, l’accès et l’usage de leurs données.
La gestion des consentements(1) renforce la confiance nécessaire au partage : l’agriculteur ne partagera ses données que s’il accepte et maîtrise la finalité de leur traitement, et s’il peut choisir les partenaires avec qui collaborer. Le fournisseur de données, les bénéficiaires et ayant-droits, le type et l’usage de ces données, ou encore les dates de début et de fin de consentement sont requis. Ils figurent dans un « message de consentement ».
P. A. : Quel est le rôle de MULTIPASS dans ce contexte ?
B. L. : L’écosystème MULTIPASS a été développé dans le cadre du projet CASDAR du même nom, en partenariat avec ARVALIS, l’Acta, FIEA(2), l’Idele, l’Inrae, l’opérateur Orange et la société SMAG. L’idée était de « notariser » les relations numériques avec les producteurs agricoles. Outillant la charte Data Agri, le projet devait démontrer l’intérêt et la faisabilité d’un écosystème de gestion des consentements en imaginant les conditions de l’interopérabilité(3) des outils. Cet écosystème s’articule autour d’un routeur, c’est-à-dire un aiguilleur vers les différents systèmes de gestion des consentements (SGC), à la fois unique, homogène (le système est interopérable avec les différents SGC) et accessible (sans coût pour l’utilisateur final). Le routeur-pilote MULTIPASS offre une vue exhaustive des consentements et facilite leur vérification avant tout échange de données.
P. A. : Quelle suite est donnée à ce projet ?
B. L. : Le projet MULTIPASS s’est achevé au printemps 2021 avec la mise au point du routeur-pilote et des normes d’échange. Une version industrialisée est en phase de finalisation chez Agdatahub, l’opérateur européen de la plateforme d’échanges de données agricoles API-AGRO. Nommée Agri-consent, elle s’appuie sur un premier SGC compatible qui a vu le jour dans la filière Élevage.
L’un des objectifs de la gestion des consentements est de favoriser le partage de données facilitant le quotidien des exploitants. Ils n’auront pas à ressaisir plusieurs fois les mêmes données (par exemple de parcellaire) dans leurs différents outils d’aide à la décision (OAD) si ces données ont le droit d’être partagées entre les différents OAD. Une gestion plus simple des consentements et des accès aux données agricoles est aussi une opportunité de débloquer le potentiel du big data agricole. Les données agricoles numérisées issues des parcellaires, OAD, robots d’élevage, etc., constituent en effet un immense gisement. Si leur gestion est transparente et légitime, ce qui encouragera les agriculteurs à donner leur consentement, ces données pourront créer de la connaissance, de nouveaux modèles ou services ou encore compléter des données d’expérimentations.
(1) Les spécifications d’un gestionnaire de consentements sont précisées par Agdatahub sur https://agdatahub.eu
(2) La FIEA (pour France Informatique Elevage et Agriculture) est la fédération professionnelle d’Entreprises de Services Numériques spécialisées dans l’élevage et l’agriculture.
(3) Un système interopérable est capable de fonctionner - en l’occurrence, de communiquer et d’échanger des données - avec d’autres systèmes existants ou futurs. Cela implique la définition d’un format d’échange commun à tous les systèmes.
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