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Nouvelle approche - Date de semis du blé : différencier l’évolution des parcelles

Gérer sur l’exploitation des groupes de parcelles de blé tendre ayant chacun des développements différents, plus ou moins avancés, est déjà une réalité dans certaines situations. Systématiser ce type de gestion culturale peut apporter des avantages face aux risques climatiques. Des ingénieurs régionaux d’ARVALIS font part de leur analyse pour quatre bassins de production bien distincts.

Stratégies de semis du blé tendre : diversifier date et précocité

Le changement climatique se manifeste par une augmentation globale de température à l’échelle pluriannuelle, mais aussi par une fréquence plus importante d’évènements exceptionnels intervenant de façon aléatoire tout au long du cycle des cultures.

A ce jour, les précocités des variétés de blé sont adaptées aux dates de semis, et réciproquement, afin qu’ils épient à peu près en même temps. Dans une logique de répartition des risques, les précocités des variétés et des dates de semis pourraient être revues. Il en résulterait une diversification significative des dates des différents stades de développement de la culture. L’objectif est ici de limiter le nombre de parcelles concernées par un stress climatique ponctuel intervenant à une date donnée. A cette fin, Arvalis retravaille le couple précocité variétale/dates de semis, en intégrant la maîtrise des bioagresseurs (graminées, pucerons d’automne, maladies).

En attendant les résultats de ces travaux, intégrer le progrès génétique en cultivant des variétés récentes, adapter les pratiques au contexte de l’année grâce aux outils de pilotage, faire évoluer le système de culture (choix de cultures selon le mode de production), sont autant de solutions pour tenter de s’adapter aux conséquences des changements climatiques. Il s’agit de valoriser les bonnes années et de limiter les coûts les années à faible potentiel.

Nord : des semis étalés du fait des précédents

Dans le nord de la France, la diversité des précédents du blé (colza, betterave, pomme de terre, maïs, luzerne) étale «automatiquement» les dates de semis du blé d’octobre à début décembre et ainsi les précocités et les stades en plaine. Pour illustrer ce propos, en Champagne, les semis de blé avec un précédent colza ont lieu avant le 20 octobre, alors qu’en précédent betterave seulement un tiers du blé est semé à cette même date, puis un tiers environ en novembre.

Le groupe de précocité des variétés est globalement adapté à la date de semis. Cela réduit les risques d’aléas climatiques importants, tels que le gel en sortie hiver et une fin de cycle trop stressante. La diversité des stades en plaine se trouve ainsi conservée : stade « épi 1 cm » du 20-25 mars au 10-15 avril, selon les dates de semis, et stade « épiaison » du 15-20 mai à début juin, toujours selon les dates de semis.

Cet étalement des semis réduit donc les conséquences sur les cultures d’un à-coup climatique à une date et un stade donné. A titre d’exemple en 2016, les pluies diluviennes de début juin, au moment de la floraison des blés précoces (semis octobre) avaient pénalisé fortement le rendement. Les blés semés en novembre avaient fleuri plus tard, en dehors de ce stress climatique, donnant de meilleurs rendements que les semis précoces.

Lorraine : limiter les stress abiotiques en misant sur des couples de précocité et de date de semis

Pour faire face aux deux accidents climatiques majeurs en Lorraine, le gel d’épi en sortie d’hiver et l’échaudage de fin de cycle, la variété idéale d’un point de vue physiologique doit être plutôt tardive à montaison et, à l’inverse, plutôt précoce à épiaison. L’offre variétale actuelle répond à ces critères avec des variétés comme Fructidor, Chevignon, Pastoral, Nemo, LG Absalon, Sokal, Mortimer, Syllon, etc.

Toutefois, faire preuve de flexibilité dans un contexte d’épisodes météorologiques de plus en plus extrêmes et imprévisibles, incite à sortir de ce modèle unique et à rechercher de la complémentarité physiologique entre les variétés semées sur l’exploitation. L’expression « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » se traduit par une diversification des variétés, des précocités et des dates de semis. La gamme d’apparition des stades clés à risque, comme le stade « épi 1 cm » ou la floraison, est alors plus large.

En considérant que les variétés font finalement preuve d’une grande tolérance vis-à-vis des dates de semis, la stratégie la plus efficace pour diversifier, par exemple, les dates de floraison est de semer à une même date des couples de variétés de précocité différentes. Semer au 20 septembre une variété tardive et une variété précoce échelonne leurs dates de floraison respectives sur 8,5 j contre 6,7 jours pour un semis au 20/10. Comparativement, jouer uniquement sur la date de semis d’une même variété, même en la décalant fortement d’un mois (semis au 20 septembre ou au 20 octobre), n’aboutit qu’à une différence de date de floraison de 2,8 jours pour une variété tardive et de 4,7 jours pour une variété précoce (figure 1).

Figure 1 : Couple de précocité et de date de semis adapté à la Lorraine
 

Météo de Metz, 2010 à 2017. Dans ce couple variétal, il est recommandé de chercher de la tardivité dans la variété 1 (exemple : Trapez, KWS Dakotana, Barok, Sokal, Bergamo, Boregar, Hybery, RGT Libravo, Hybery, Matheo) et de la précocité dans la variété 2 (exemple : Goncourt, Descartes, Cellule, Milor, Pibrac, Filon, Hydrock).

Poitou-Charentes : semer à deux périodes différentes, voire davantage

Les recommandations habituelles de dates de semis, adaptées aux rythmes de développement des céréales, prennent en compte deux risques majeurs : le gel en sortie d’hiver et le risque d’échaudage/stress hydrique en fin de cycle. Ce cadrage des dates de semis est pertinent pour un risque moyen interannuel. Avec les modifications climatiques, il peut s’avérer insuffisant pour prendre en compte des accidents ponctuels, irréguliers et donc difficilement prévisibles, tels que des gelées tardives (2017) ou un excès d’eau en fin de cycle (2016). La solution la plus efficace consiste à choisir des variétés de précocités différentes tout en respectant leur plage de semis optimale. Dans la mesure du possible, ces variétés seront implantées à deux périodes différentes, voire davantage, pour disposer, à l’échelle de l’exploitation, d’un panel de parcelles à des stades très différents. Les cultures esquiveront mieux les incidents imprévus.

Le choix des variétés pour une période de semis s’appuiera sur différentes catégories de précocité. Par exemple, au regard des préconisations adaptées au sud du Poitou-Charentes (figure 2), on pourrait retenir les variétés de blé tendre Rubisko, Cellule et Oregrain pour des semis autour du 20 octobre. Avec un semis au 5 novembre, Oregrain, Descartes et Filon pourraient être choisies. Il ne s’agit pas ici de mélange de variétés mais bien de diversifier les variétés semées sur différentes parcelles de l’exploitation à une même période.

Figure 2 : Exemple de préconisation de date de semis en Poitou-Charentes selon les variétés

Zones : Station expérimentale ARVALIS du Magneraud (St Pierre d’Amilly), Saintes, Angoulême, Niort.

Sud : répartir les risques de stérilité de pollen

Semer à une même date des variétés de précocités différentes est, dans la pratique, souvent ce qui se passe. La recommandation de décaler de cinq jours le début des semis en s’ajustant à la gamme de précocité de chaque variété est « parfaite » sur le plan théorique ; c’est rarement ce qui est pratiqué sur le terrain. Les contraintes de chantier, les conditions météorologiques, la disponibilité des semences, etc., conduisent fréquemment à des créneaux de semis assez regroupés, où des variétés de précocités différentes sont alors implantées à la même période.

Dans la mesure où des dates de semis à peu près normales sont respectées pour les variétés choisies - en évitant notamment de semer trop tôt des variétés précoces (risque de montaison l’hiver en zone littorale et donc de gel d’épis) ou trop tard des variétés tardives (risque d’échaudage de fin de cycle) - le panachage variétal a l’avantage de répartir les risques de stérilité de pollen en cas de températures froides à la méïose (stade gonflement, en général courant avril).

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