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Méiose et floraison - Stress climatiques : comprendre les processus physiologiques en jeu

Gel, froid, faible rayonnement… Les phénomènes climatiques peuvent avoir des impacts au niveau physiologique de chaque plante, et au final, sur le rendement. Explications sur les mécanismes en jeu.

Blé : des gelées à la méïose peuvent affecter la fertilité du pollen

Tout stress physiologique à la méïose peut altérer sérieusement le rendement. En effet, c'est durant cette phase que la fertilité des épis se met en place. En cas de stérilité d'une proportion conséquente d'épis, la composante du rendement nombre d'épis / plante est fortement réduite. Ces stress physiologiques peuvent être dus entre autre à un coup de froid ou un défaut de rayonnement. Ils compromettent l'alimentation en sucres des cellules des anthères, lieu de production du pollen.

Gel à la méiose : des impacts assez aléatoires…

La méiose est une phase sensible au froid. On considère généralement un seuil d’alerte à 4°C.

epis mal formes a cause du gel a la méiose

Une fois passé l’endurcissement hivernal, ce qui est largement le cas au stade méiose, la résistance intrinsèque du blé au gel se situe aux alentours de -5°C d’après de très nombreuses études en conditions contrôlées. Quand les températures passent sous ce seuil, les tissus végétaux peuvent être détruits par le gel. Il ne semble pas y avoir de variabilité entre variétés sur ce point. En deçà de -5°C, on peut donc imaginer des destructions de tissus au niveau des épillets. Si elles existent, ces destructions d’épillets ou de fleurs seront néanmoins aléatoires, sur le territoire, en fonction d’effets microclimatiques, mais aussi dans la parcelle et même au sein des épis (cf photo).

En effet, la plante de blé possède plusieurs mécanismes d’échappement à la prise en gel de ses tissus. Premièrement, on observe fréquemment des phénomènes de surfusion : autrement dit, la température des tissus descend bien au-delà de -5°C, parfois jusqu’à -15°C, sans gel des cellules. Ceci se produit car la glace, pour commencer à se former, doit trouver un support pour entamer sa nucléation (ou cristallisation, pour utiliser un terme moins rigoureux mais plus connu). Si les températures remontent ensuite sans qu’il y ait eu gel cellulaire, la plante évite les destructions cellulaires.

Deuxièmement, la progression de la prise en gel des tissus dans la plante est régulièrement bloquée par des barrières physiques : au niveau des nœuds par exemple, la prise en gel se bloque et ne passe pas à l’entre-nœud suivant. La même chose existe tout le long du rachis de l’épi. Ainsi, pour que plusieurs épillets gèlent, il faut que la prise en gel se produise sur chacun d’entre eux, indépendamment.

Tout ceci contribue à expliquer la localisation aléatoire, au sein d’une parcelle et au sein de l’épi, des dégâts de destruction d’épillets. Ces phénomènes de véritable gel, étant donné les températures atteintes, ne devraient apparaître que très ponctuellement. Ils peuvent par contre concerner une plus large gamme de stades que les seules parcelles à la méiose.

…par rapport au froid et au manque de rayonnement plus préjudiciables

La méiose est une phase particulièrement sensible aux stress climatiques. C’est plus précisément la méiose pollinique, c'est-à-dire les étapes de formation du pollen, qui peuvent être affectées. En effet, la formation du pollen requiert, au niveau des anthères dans lesquels il se forme, des quantités très importantes d’énergie, pour alimenter les processus cellulaires complexes qui se déroulent dans les futurs grains de pollen, et pour accumuler dans ces futurs grains de pollen des réserves de sucres qui leur permettront ensuite de germer et de féconder les ovules. Des déficits de rayonnement à ce moment clé tarissent la source de sucres, et enrayent donc tous ces processus. On observe alors souvent des anthères plus petites, malformées, et, à la clé, contenant très peu de pollen, ou du pollen non-viable (incapable de germer).

L’effet du froid est différent, mais conduit au même résultat. Le froid induit lui un blocage du transfert du sucre vers les grains de pollen. Les études fines ont en effet mis en évidence le fait qu’au niveau de la couche des cellules qui tapisse l’intérieur des anthères, dont la fonction est justement de transférer les sucres vers les futurs grains de pollen, les enzymes servant à ce transfert, en particulier les invertases, qui transforment le sucrose (forme de sucre pour le transport dans la plante dans la sève) en formes directement utilisables par les cellules (glucose et fructose), sont beaucoup moins présentes en situation de froid. Les sucres se trouvent donc bloqués et n’arrivent pas vers le pollen. Les conséquences sont donc in fine les mêmes qu’avec un manque  de rayonnement.

L’effet du manque de rayonnement et/ou froid à la floraison

On considère souvent que des températures en dessous de 0°C à la floraison doivent mettre en alerte pour d’éventuels problèmes de stérilité. En ce qui concerne les rayonnements, des niveaux en deçà de 200 cal/cm², soit à peu près 840 J/cm², sont préjudiciables. Les mécanismes en jeu peuvent être de 2 ordres, et sont un peu moins connus sur blé que ce qui concerne la méiose. Le froid peut gêner la germination des grains de pollen et la croissance du tube pollinique, empêchant ceux-ci de féconder les ovules. Le manque de rayonnement, lui, ne poserait problème que pour la  croissance du tube pollinique. Ces phénomènes sont néanmoins plus connus sur d’autres espèces, le riz par exemple.

On pense que les problèmes induits par le froid ou le manque de rayonnement à la floraison sont plus souvent dus à des avortements très précoces de fleurs récemment fécondées. En effet, dans la foulée de la fécondation, le futur grain commence à se former avec une phase très intense de divisions cellulaires, également très gourmande en énergie. Les mécanismes sont donc analogues au cas de la méiose. Les faibles rayonnements limitent la source de sucres, enrayant les divisions cellulaires. Certains chercheurs supposent que les effets du froid seraient les mêmes que pour la méiose, à savoir un blocage du transfert des sucres vers les cellules en division du jeune grain.

Fertilité des épis altérée : des conséquences directes sur le rendement

La fertilité des épis est l’avant dernière composante de rendement, avant le PMG. C’est également, en ce qui concerne le blé, l’une des plus plastiques. Elle est une source d’adaptabilité de la culture aux conditions locales de l’année. Lorsqu’elle est pénalisée fortement par des incidents, les conséquences en matière de rendement peuvent être conséquentes. En effet, seul le PMG peut ensuite compenser les pertes. Or, cette dernière composante est nettement moins plastique. Elle ne peut donc jamais entièrement compenser des problèmes de fertilité des épis.

Il est impossible de prévoir uniquement sur la base des conditions météorologiques observées et des stades le réel impact de ces épisodes. Pour cela, il est nécessaire de réaliser certaines observations : consultez l’article « Diagnostiquer les problèmes de stérilité d’épis ».

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