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Etude de cas en Pays de la Loire - Comment reconquérir des parcelles infestées en ray-grass ?

Pour les parcelles en non-labour, la gestion du ray-grass peut parfois être délicate. Rejoignons Sylvain Renaud, l’un des 15 agriculteurs à avoir participé au projet PEI Pays de la Loire, pour découvrir ce qui a fonctionné sur son exploitation.

Nous sommes en Mayenne, dans le village de Le Ham. Sylvain Renaud gère une exploitation de 140 ha, en polyculture-élevage, assurant la production de lait et de céréales. Depuis 25 ans, les parcelles sont en non-labour, un choix important pour l’agriculteur. La suppression du travail profond du sol permet de gagner de la main d’œuvre et de réduire l’usure mécanique des outils mais aussi de préserver la structure de ses sols limoneux, sensibles à la reprise en masse.

Depuis quelques années, plusieurs parcelles sont infestées par du ray-grass, devenu résistant à certains herbicides foliaires. L’absence de labour, technique efficace sur la majorité des graminées, ne permet pas de limiter les levées par enfouissement des graines. Mais d’autres causes du salissement sont en jeu. La rotation est dominée par les cultures d’automne : deux années en blé tendre d’hiver sont suivies d’une année avec une dérobée de ray-grass d’Italie et un maïs ensilage. En outre, le désherbage n’est pas totalement efficace et les herbicides utilisés possèdent un mode d’action commun, favorisant l’apparition de résistance.

Un cocktail de leviers exploré

Sylvain Renaud et son conseiller ont sélectionné plusieurs leviers pour maîtriser les ray-grass. Ces changements de pratiques respectent les contraintes techniques et organisationnelles (1 UTH disponible pour les productions végétales) et la volonté de l’exploitant d’éviter, si possible, le labour.

Tout d’abord, la rotation a été revue afin d’augmenter la fréquence de retour de la culture de printemps sur les parcelles les plus infestées : il n’y a plus qu’une année de culture de blé tendre d’hiver, suivie du maïs ensilage.

Par la même occasion, la dérobée, réalisée avant la culture de maïs, est désormais reconduite tous les deux ans. Les ray-grass sauvages, qui germent en même temps que le ray-grass d’Italie, sont eux aussi récoltés ce qui contribue à réduire le stock semencier du sol dans la mesure où ces ray-grass sauvages sont éliminés avant la production de graines.

L’itinéraire technique a lui aussi été modifié. Des faux-semis avant implantation des céréales permettent de réduire le stock de graines de ray-grass dans le sol. Ils doivent être effectués suffisamment tôt pour que les levées d’adventices puissent être détruites avant le semis. Si nécessaire, le recours au glyphosate permet d’avoir une parcelle parfaitement propre le jour du semis.

Du côté des traitements chimiques, le choix des herbicides a été revu. Les herbicides racinaires sont les seuls efficaces face aux ray-grass résistants. Le désherbage est donc renforcé à l’automne ainsi que dans la culture du maïs.

La stratégie de désherbage mise en place fait ses preuves

Trois ans après la mise en place des différents leviers, Sylvain Renaud constate la diminution du salissement de ses parcelles. Des suivis de flore adventices, réalisés trois fois par an, confirment ses observations (figure 1). Les semences se conservent plusieurs années dans le sol (en moyenne deux à trois ans pour le ray-grass), il y a donc toujours des levées. Mais l’infestation est maîtrisée et les ray-grass qui émergent sont détruits avant toute nouvelle grenaison ! Ainsi, le rendement est préservé et le stock semencier n’est pas renouvelé.

Figure 1 : Évolution des densités des différentes espèces d’adventices observées (plantes/m²), de juin 2018 à novembre 2020, sur une des parcelles avec des problèmes de ray-grass de l’Earl Renaud

Source : projet PEI « Innover en Santé du Végétal » (2018-2021)

I.C : interculture ; RGi : ray-grass d’Italie ; 3F : 3 feuilles ; der F : dernière feuille ; ME : maïs ensilage

Une marge maintenue malgré des coûts en hausse

Pour aller plus loin, ces changements de pratiques ont fait l’objet d’une analyse multicritères avec l’outil SYSTERRE. Elle se base sur une augmentation du rendement du blé de 5 q/ha, du fait de la maîtrise du ray-grass constatée lors des observations. Pour l’instant, il n’y a pas eu besoin de faire un labour. Mais l’agriculteur ne s’interdit pas cette option en cas de dégradation de la situation. De fait, l’analyse fait également intervenir un labour occasionnel, tous les quatre ans.

L’analyse confirme l’efficacité de la stratégie de désherbage (tableau 1). Les résultats économiques à l’échelle de la rotation sont également encourageants, avec une augmentation de 5 % de la marge nette avec aides, permise par l’augmentation du rendement du blé, ceci malgré un retour moins fréquent de la culture.

Tableau 1 : Synthèse, à l’échelle de la rotation, de l’effet de la mise en place des leviers par rapport au système précédent (blé tendre hiver / blé tendre hiver / ray-grass Italie / maïs ensilage), réalisée à partir des résultats de l’analyse multicritères SYSTERRE

Source : projet PEI Pays de la Loire « Innover en Santé du Végétal » (2018-2021)

L’utilisation de produits phytosanitaires racinaires explique l’augmentation de l’IFT (+ 11 %) et des charges opérationnelles (+ 67 €/ha).

La mise en place des faux-semis, du labour occasionnel, et le retour plus fréquent de la dérobée et du maïs mènent à plus de travail du sol. Cette progression se répercute à la fois sur le temps de travail (+ 10 %), la consommation de carburant (+ 15 %) et les charges de mécanisation (+ 98 €/ha).

La hausse des coûts liée à l’augmentation du nombre d’opérations culturales et du poste herbicides caractérisent un système transitoire. Les tendances s’inverseront lorsque les infestations de ray-grass seront révolues.

PEI Pays de la Loire : un projet innovant, tourné vers le collectif, associant agriculteurs et techniciensLa recherche de solutions pour limiter le salissement des parcelles, la mise en place des leviers identifiés et les suivis pluriannuels ont été menés, de façon personnalisée, avec 15 agriculteurs du nord-ouest de la France. Cette étude regroupe quatre partenaires : ARVALIS, l’APAD, la chambre d’Agriculture Pays de la Loire et la Civam Bio 53. Elle s’inscrit dans le cadre du Partenariat Européen pour l’Innovation « Innover en Santé du Végétal » (2018-2021), avec le soutien financier de la région Pays de la Loire.

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