Maladies du blé tendre : inutile de prévoir un T1 systématique

Conditions chaudes et humides, mais toute l’histoire n’est pas écrite

Depuis le semis, les cumuls de températures sont largement excédentaires aux cumuls des vingt dernières années. En parallèle, la pluie est de la partie depuis mi-octobre et ne semble pas vouloir nous quitter. Le début de campagne 23-24 est donc particulièrement chaud et humide.

Cartes 1 et 2 : Pluviométrie et température (en % de la médiane 20 ans) du 1^er octobre 2023 au 1^er avril 2024

Les conditions climatiques des prochaines semaines (entre le stade 2N et la floraison) seront déterminantes pour l’évolution des maladies, et sur la nuisibilité finale. D’après les prévisions météorologiques, les prochains jours devraient alterner jours chauds et secs, et jours frais et humides, ce qui est propice au développement de la maladie. Reste à déterminer si les prochaines semaines resteront favorables, en cas de pluies persistantes, ou limiteront la progression de la maladie (si les pluies s’arrêtent).

Les modèles agro-physiologiques annoncent des stades DFP (dernière feuille pointante) et DFE (dernière feuille étalée) précoces, situés entre le 22 avril et le 13 mai, selon la précocité de la variété et la date de semis. Le traitement T2 sera donc à positionner précocement cette année.

Tableau 1 : Prévision d’apparition du stade DFE – données réelles jusqu’au 8/04/24

Septoriose : ne pas systématiser le T1

Que disent les modèles ?

A ce jour, les modèles mettent en avant un risque pour les variétés sensibles semées tôt (tableau 2). Un T1 peut donc être envisagé pour ces variétés – en cas de semis précoce uniquement. Les variétés moins sensibles, ou les parcelles semées plus tardivement, présentent un risque faible et sont peu exposées. Un T1 est donc inutile pour le moment dans ces situations.

L’évolution du risque sera à surveiller dans les prochaines semaines pour décider ou non d’une impasse à T1.

La pression 2024 est moyenne à élevée. L’inoculum est présent mais le risque est, à ce jour, inférieur à 2023 – proche de 2022.

Tableau 2 : Simulation du risque septoriose (modèle Septo-LIS^®) au 9/04/24

Cartes 3 à 5 : Pression septoriose prédite par le modèle Septo-LIS^® au stade 2N + 7 jours pour une variété sensible à la septoriose – au 26 mars 2024 – précocité et date de semis : normales départementales

Quel enjeu du T1 ?

• Pour rappel, pour qu’un T1 soit économiquement intéressant, l’objectif est de rapporter au minimum 3 quintaux / ha par rapport à une impasse au T1.
• Concernant les variétés peu sensibles (note septoriose >= 6,5), la résistance de la plante contre la septoriose s’installe sur la F3. Il est donc normal de voir des symptômes sur les feuilles définitives F4 (= F2 à 2 nœuds) et inférieures.
• L’analyse du poids du T1 dans nos essais (figure 1 ; 379 situations, 119 essais en l’absence de rouille jaune sauf en 2022) montre qu’un T1 septoriose n’est valorisé sur variété peu sensible que de manière exceptionnelle (notamment en cas de T2 trop tardif). Même sur variétés moyennement sensibles, en 2023, l’enjeu n’était que de 2,9 q/ha(en médiane) alors que la pression simulée par Septo-LIS^® au stade 2N était plus forte que cette année (pour l’instant en tout cas, même si la pression finale dépendra beaucoup des conditions météos des prochaines semaines).

Figure 1 : Poids du T1 par année et par département, en fonction de la sensibilité variétale à la septoriose (S = Sensible ; MS = Moyennement Sensible ; PS = Peu Sensible) – synthèse d’essais de 2013 à 2023

La nuisibilité moyenne pour les variétés peu sensibles (note > 6,5) sur les années à forte pression (2008, 2018, 2023) pour les différents essais réalisés chez ARVALIS (différence entre témoins traités et non traités mesurée sur un seul bloc NT ; 320 essais) se situe entre 9 et 11 q/ha et est inférieure à 17 q/ha dans 75 % des cas. Dans ces conditions, un T2 unique correctement dosé et bien positionné suffit à gérer la septoriose.

Tableau 3 : Règles de décision pour un T1

Rouille brune, une arrivée très précoce cette année ?

Des cas de symptômes de rouille brune précoces sont signalés sur l’ensemble de la région.

Le risque climatique est important : la vigilance est de mise, en particulier pour les variétés sensibles. L’observation reste la première règle de décision : à partir du stade 2 nœuds, intervenir dès l’apparition de symptômes sur les trois feuilles supérieures. Le champignon a besoin d'eau libre pour la germination des spores. Son cycle est favorisé par des températures comprises entre 15 et 20°C : celles des prochains jours pourraient donc être favorables au développement de la maladie.

Carte 6  : Risque potentiel de rouille brune sur la base des sommes de températures moyennes base 0 du 1^er novembre 2023 au 31 mars 204 - au 26 mars 2024 – précocité et date de semis : normales départementales

Rouille jaune : très discrète pour le moment

La rouille jaune, discrète pour le moment, pourrait être favorisée par la météo des prochains jours. Le risque pour une variété sensible (4) est moyen, et accru sur la bordure maritime. Il est actuellement faible à moyen pour les variétés moyennement sensibles et peu sensibles.

Carte 7 : Risque rouille jaune estimé par le modèle Crusty_3 du 1^er au 7 avril  2024 pour une variété sensible (4) - au 26 mars 2024 – précocité et date de semis : normales départementales