Résultats d’essais

Enrubannage d'herbe : quelles performances attendre du liage par film ?

A la demande de l'entreprise John Deere, ARVALIS a conduit au printemps 2019 des essais pour comparer les effets du liage des balles par film plastique par rapport au liage classique par filet sur la conservation de l'herbe enrubannée.

Enrubannage d’herbe : Le liage par film au banc d’essais

À mi-chemin entre l’ensilage et le foin, l’enrubannage est un mode de conservation fréquemment utilisé par les éleveurs. Il est particulièrement adapté à la récolte des petites surfaces ou des fourrages sensibles aux pertes mécaniques lors de la fenaison, tels que les légumineuses. En revanche, la réussite de la conservation tient en grande partie à l’intégrité du film d’enrubannage, seule barrière à l’oxygène.

Mais avant de poser ce film, il faut d'abord procéder au liage de la balle. Apparue il y a plusieurs années, la méthode de liage par film plastique consiste à remplacer le filet utilisé pour le liage par plusieurs couches de film polyéthylène sur la face arrondie de la balle. Cette méthode permet-elle de réduire le nombre de couches de film d'enrubannage ? Impacte-t-elle la qualité de conservation du fourrage ? Pour y répondre, ARVALIS a mis en place deux essais.

Les problèmes d’abrasion pris en compte

Les essais mettent en jeu deux types de fourrages présentant des risques d’abrasion du film plastique très différents. Le premier type, dit « fourrage tendre », est constitué de repousses feuillues de ray-grass anglais moyennement préfanées (53 % de matière sèche). Le second, dit « fourrage agressif », est composé de repousses de ray-grass d’Italie au stade « fin épiaison » et fortement préfanées (71 % MS) afin d’accroître son agressivité vis-à-vis du film plastique.

Pour chaque méthode de liage (3,5 tours de film ou 2,2 tours de filet), 4 ou 6 couches de film plastique d’enrubannage ont été appliquées, d’où la désignation des quatre modalités étudiées : FILM 4, FILM 6, FILET 4 et FILET 6.

Pour chaque modalité, 5 à 6 balles ont été confectionnées à l’aide d’un combiné presse-enrubanneuse John Deere C441R à chambre fixe, équipé d’un système de pré-coupe à 25 couteaux (12 activés sur le fourrage tendre et 13 sur le fourrage agressif). Les balles ont ensuite été stockées sur palette sur leur côté plat, sans empilement.

Le liage par film accroît légèrement la densité des balles mais consomme beaucoup plus de plastique

Lors de la confection, les consignes de taille de balle étaient identiques pour toutes les modalités. Le poids moyen des balles était de 316 et 390 kg MS par balle respectivement pour le fourrage agressif et le fourrage tendre.

Les dimensions de chaque balle, couplées à leur poids, ont permis de calculer leurs densités. Les résultats indiquent clairement que le liage par film permet d’obtenir des densités de balles plus élevées qu’avec le filet (tableau 1). Selon le type de fourrage, l’enjeu est compris entre +12 et +16 kg MS/m3. Pour le fourrage tendre, l’application de 6 couches de film d’enrubannage au lieu de 4 a faiblement accru la densité de 6 à 8 kg MS/m3.

Tableau 1 : Densité des balles selon le mode de liage et le nombre de couches de film d’enrubannage

Analyse statistique par le test de Tukey : pour un même type de fourrage, les valeurs indicées par des lettres différentes sont significativement différentes les unes des autres.
(*) FILET/FILM : liage par filet ou film ; 4/6 : 4 ou 6 couches de film d’enrubannage.

Les différences de densité s’expliquent par une meilleure contention mécanique avec le liage par film ainsi que par le nombre de couches de film d’enrubannage. Cette résistance mécanique plus importante diminue la réexpansion des balles en sortie de chambre de la presse.

En revanche, dans les conditions de l’essai (2,2 tours de liage par filet et 3,5 tours de liage par film), le liage par film induit une consommation de plastique très supérieure : 470 à 488 g, contre 91 à 99 g avec le filet.

La méthode de liage a un effet variable sur les pertes en conservation

Les pertes fermentaires (ou pertes en conservation) désignent les pertes sous forme gazeuse durant la conservation par enrubannage. Elles sont estimées en calculant la différence de masse mesurée après 210 jours de conservation par rapport à la quantité de matière sèche mesurée sitôt pressage et enrubannage. 

Les niveaux de pertes fermentaires constatés durant les essais sont conformes à ceux relevés sur ces types de fourrage et pour ces teneurs en matière sèche.

Les pertes totales désignent quant à elles la somme des pertes fermentaires et des pertes par fourrage moisi (mesurées à l'ouverture des balles après 210 jours), jugé inconsommable. Dans les deux essais, les pertes par fourrage moisi n’ont pu faire l’objet d’analyse statistique classique du fait des faibles valeurs relevées et de la faible variabilité de ce critère.

Pour le fourrage tendre, la méthode de liage et le nombre de couches d'enrubannage expliquent les écarts de pertes fermentaires

Concernant le fourrage tendre, la méthode de liage et le nombre de couches de film d’enrubannage ont un effet significatif sur les pertes fermentaires et les pertes totales (tableau 2). Les pertes dues au développement de moisissures ont été très faibles, quel que soit le mode de liage, confirmant le caractère « tendre » du fourrage qui a entrainé peu d’abrasion du film plastique.

En moyenne, quel que soit le nombre de couches d'enrubannage, le liage par film a diminué les pertes totales de 0,7 point (6,6 % de la matière sèche, contre 7,3 % pour le liage par filet), soit l’équivalent de 2,7 kg de matière sèche par balle. Le filmage en 6 couches (tous modes de liage confondus) abaisse les pertes totales de 0,7 point aussi (6,6 % MS contre 7,3 pour 4 couches), soit l’équivalent de 2,7 kg MS/balle.

Avec un fourrage tendre, les différences entre modalités sont globalement faibles. Seule la modalité « filet + 4 couches d’enrubannage » se distingue des autres avec des pertes fermentaires et totales supérieures.

Tableau 2 : Pertes fermentaires et pertes totales en pourcentage de la matière sèche initiale, selon le mode de liage et le nombre de couches de film d’enrubannage

Analyse statistique par le test de Tukey : pour un même type de fourrage, les valeurs indicées par des lettres différentes sont significativement différentes les unes des autres.
(*) FILET/FILM : liage par filet ou film ; 4/6 : 4 ou 6 couches de film d’enrubannage.

Avec un fourrage agressif, seul le nombre de couches d'enrubannage a un effet significatif sur les pertes

Pour le fourrage agressif, les pertes fermentaires sont plus faibles qu’en fourrage tendre. Ce résultat est avant tout le fait d’une teneur en matière sèche plus élevée et d’une plus faible solubilité de la matière organique (moindre digestibilité) du fourrage lors du pressage. Ces deux caractéristiques réduisent l’intensité des fermentations bactériennes (désirables comme indésirables) à l’origine de pertes sous forme de gaz.

Sur ce type de fourrage, la méthode de liage n’a pas eu d’effet sur les pertes fermentaires. En revanche, le nombre de couches de film d’enrubannage s’est à nouveau avéré significatif : en moyenne (tous modes de liage confondus), le filmage en 6 couches permet d’abaisser les pertes fermentaires de 0,4 point (3,7 % MS contre 4,1 % pour 4 couches), soit l’équivalent de 2,2 kg MS/balle.

Quant aux pertes par moisi, elles sont modérées mais supérieures à celles en fourrage tendre : entre 0,4 et 0,9 % de la matière sèche initiale. Finalement, seul le nombre de couches de filmage a un effet significatif sur les pertes totales. En moyenne (tous modes de liage confondus), l’application de 6 couches permet d’abaisser les pertes totales de 0,9 point (4,1 % contre 5 % pour 4 couches), soit l’équivalent de 2,8 kg MS/balle. Bien que les pertes totales semblent plus faibles pour le liage par film que par filet, les différences ne sont pas statistiquement significatives.

En termes de composition chimique ou de profil de fermentation, les analyses réalisées sur le fourrage n’ont pas mis en évidence de différences majeures entre modalités, quel que soit le type de fourrage. Ceci est cohérent avec les faibles différences de pertes totales observées.

Ces résultats sont très proches de ceux obtenus en Italie en 2013.

Les pertes moindres ne compensent pas le surcoût du liage par film

Le surcoût de la technique de liage par film est estimé entre 0,9 et 1 € par balle par rapport au filet (consommables, amortissement technique et temps de liage compris). L’économie de pertes générée par cette technique ne rembourse pas le surcoût de mise en œuvre. L’application de 6 couches de film à l’enrubannage au lieu de 4 génère, quant à elle, un surcoût de 0,59 € par couche supplémentaire. Toutefois, les essais ont mis en œuvre une manipulation soigneuse des balles au transport et un stockage sans empilement ; en pratique, ce n’est pas toujours le cas. Rappelons que seules une récolte à une teneur en matière sèche supérieure à 50 % et une densité élevée permettent d’empiler les balles sur deux hauteurs sans risque de déformation et d’affaissement, synonymes de sur-étirement du film d’enrubannage et donc de développement de moisissures.

Malgré le surcoût, les éleveurs peuvent être intéressés par ce moyen de réduire le volume de fourrage moisi pouvant engendrer des problèmes sanitaires chez certains animaux particulièrement sensibles (chèvres, chevaux) et gagner du temps en retirant moins de fourrage moisi. Enfin, le film de liage et d’enrubannage étant de même nature et de même densité, leur recyclage est facilité.

Une protection mécanique supplémentaire sur les arêtes des balles
Dans les conditions d'essais, la pose du film de liage sur les balles ne permettait généralement pas de couvrir la face arrondie de la balle jusque sur les arêtes, et encore moins de recouvrir ces dernières. Or ces zones sont le point de faiblesse des balles, car le fourrage y est ébouriffé et l’agressivité accrue. Elles sont donc particulièrement sujettes aux abrasions et microperforations par les tiges de fourrage agressif, favorisant ensuite le développement de moisissures.
La pose du film d’enrubannage perpendiculairement à l’arête ne peut contourner cette agressivité. Pour maximiser les effets de protection mécanique apportés par le liage par film, celui-ci devrait pouvoir être appliqué a minima sur l’ensemble de la face arrondie des balles, et de préférence en recouvrant les arêtes des balles.
C’est une des raisons pour lesquelles l’application de six couches de film d’enrubannage reste recommandée avec un fourrage agressif, type graminées, pour tenir compte des défauts de pose du film et du vieillissement du plastique sous l’effet des rayons ultraviolets lors de conservations longues (plus de six mois).

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