Digestat vs azote minéral : quelles différences sur le rendement d'une Cive d'hiver ?
Digestat vs azote minéral ? Y a-t-il une différence d’impact sur le rendement biomasse d’un seigle fourrager conduit en culture intermédiaire à vocation énergétique (Cive) ? C’est l’un des objectifs de l’essai implanté sur des terres moyennement superficielles du nord Dijonnais à l’automne 2021 et suivi durant trois campagnes.
Les méthaniseurs se multipliant en Bourgogne-Franche-Comté, ARVALIS a étudié, de 2022 à 2024, la valorisation des digestats pour fertiliser une Cive d’hiver, en comparaison à une fertilisation azotée minérale.
Il en ressort que l’utilisation du digestat reste un bon moyen pour apporter les éléments nutritifs à la plante (azote, phosphore et potassium) et de gagner une certaine autonomie en azote minérale. Malgré tout, il est important de bien connaître la teneur en éléments du digestat et de respecter certaines conditions d’apports pour une bonne valorisation et éviter le tassement des sols. Il est également important d’alterner et de diversifier les parcelles recevant du digestat.
Trois modalités d’apport testées
Pour cet essai, ARVALIS a travaillé en collaboration avec une société agricole possédant un méthaniseur et tout le matériel nécessaire à l’épandage du digestat (pendillard).
En comparaison à un témoin non fertilisé, l’essai étudie deux modalités d’apport de 90 kg N/ha au printemps soit sous forme de digestat, soit sous forme d’azote soufré liquide. Une troisième modalité mettant en œuvre un apport de 40 kg N/ha de digestat à l’automne a également été testée durant deux campagnes, le Plan d’Action Régional de la Directive Nitrate autorisant l’épandage de digestat jusqu’au 15 octobre. Mais cet apport est peu valorisable en général, ce que l’essai a confirmé.
Durant les trois campagnes d’essai, les apports ont été bien valorisé avec des pluies dans les jours suivant l’application (tableau 1).
Tableau 1 : Conditions des apports de digestats et d’azote minéral durant les 3 années d’essais
En complément de cet essai, un essai courbe de réponse à l’azote a été mise en place afin de recalculer la dose X a posteriori. De plus, des analyses de digestat ont été réalisé à chaque apport afin de connaître la quantité d’azote réellement apportées par le digestat. Quantité traduite en azote valorisable par la plante après l’utilisation du Keq (coefficient d’équivalence engrais), fixé à 0,65.
Il est important de rappeler que la CIVE exporte également du potassium et du phosphore selon son niveau de rendement :
- Entre 150 et 250 kg/ha de potassium K2O (25 à 30 g de K2O par kg de matière sèche).
- Entre 30 et 60 kg/ha de phosphore P2O5 (6 g P2O5/kg MS).
De ce fait, le retour du digestat sur la parcelle permet un apport non négligeable de potassium et de phosphore.
Une moindre variabilité interannuelle avec de l’azote minéral
Chaque essai a été récolté avec un pré-fauchage, ramassé avec une ensileuse.
Apporter 90 kg N/ha en minéral ou en digestat permet un gain moyen de 2 tonnes de matière sèche (t MS) par rapport au témoin sur les 3 années d’essais. A l’inverse, les apports d’automne de 40 kg N/ha de digestat ne sont pas valorisés par rapport au témoin sans azote.
Cet essai met également en évidence une moins forte variabilité interannuelle avec de l’azote minéral par rapport à un digestat. Cette variabilité peut être due à l’offre climatique au moment de l’apport du digestat qui impacte à la fois la valorisation de l’azote et la volatilisation de l’azote ammoniacal qu’il contient.
Figure 1 : Rendement biomasse de la CIVE d’hiver (seigle fourrager) en fonction des stratégies d'apport de fertilisation azotée - synthèse de 3 ans d'essais ARVALIS (2022-2024) à Marsannay-le-Bois (21)
Des risques de tassement plus marqués avec le digestat
En 2022, la modalité « minéral » est légèrement supérieure à la modalité « digestat » de quelques centaines de kilos par hectare. Le printemps relativement peu arrosé et le tassement de la végétation au passage de la tonne à lisier peuvent expliquer cet écart.
Au printemps 2022, les apports ont été bien valorisé avec des pluies dans les 15 jours. Mais par la suite, le manque de précipitations a pu limiter la valorisation de l’azote organique du digestat, qui représente environ 20 à 30 % de l’azote total.
Par ailleurs, l’utilisation d’une tonne à lisier, qui peut peser jusqu’à 40 t, a un impact sur le tassement du sol plus important qu’un pulvérisateur. La surface de roulement plus large avec une tonne à lisier et le nombre de passages plus élevé du fait de la largeur d’épandage s’ajoutent à l’impact du poids. Cela représente environ 9 % de surface tassée, contre 4 % en apport d’azote liquide avec un pulvérisateur. Tous ces facteurs peuvent expliquer une légère baisse de rendement sur la modalité digestat.
Une efficacité très dépendante des conditions printanières
En 2023, à l’inverse, le digestat apporte un gain de 800 kg MS/ha par rapport à la fertilisation minérale. Cela peut s’expliquer par un printemps plus arrosé et plus chaud que la normale, qui a conduit à une très bonne valorisation des apports, digestat ou minéral. Mais ces conditions printanières ont également occasionné de la verse généralisée avec apport minéral, qui s’est traduite par une perte de rendement car plus difficile à faucher. On peut également supposer que ces conditions ont favorisé la minéralisation de l’azote organique du digestat, ce qui a conduit à une absorption accrue d’azote (98 kg N/ha absorbé, contre 70 kg N/ha en 2022).
En 2024 en revanche, la montaison s’est déroulée sous un climat très pluvieux et frais. Dans ces conditions, la modalité « azote minéral » a produit environ 2,5 t MS/ha de plus que celle fertilisée avec le digestat. Après analyse, la quantité d’azote absorbée par la Cive sur la modalité « digestat » est plus faible (seulement 64 kg N/ha, contre 100 kg N/ha avec l’azote minérale). Une partie de l’azote contenu dans le digestat a pu être lessivé par les pluies importantes.
Ces résultats restent issus d’essais sans répétitions, menés lors d’années climatiques et des niveaux de production très différents. Il faut donc faire attention à relativiser chaque résultats et hypothèses
Pour aller plus loin, des essais sur la fertilisation d’un blé avec du digestat vont être menés au cours des années à venir.
Pourquoi une dose de 90 kg N/ha sur une Cive d’hiver ?
Les premiers essais courbes de réponses à l’azote réalisé dans d’autres situations suggèrent que la dose optimale pour une Cive d’hiver se situe autour de 90-100 kg N/ha. De plus, la Directive nitrate fixe un plafond à 100 kg N/ha au-delà duquel un calcul de dose prévisionnelle est obligatoire.
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