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Hauts-de-France

Blé tendre : retour sur la campagne 2022/23

Après une première partie de campagne très favorables au développement des blés, le printemps frais et humide a mis un coup de frein. Pour autant, les biomasses à montaison et la fertilité des épis sont élevées. Malgré un remplissage sous contraintes, le nombre de grains est important et les rendements sont proches de la moyenne quinquennale, avec moins d’amplitude entre situations qu’habituellement. Retour en détails sur les faits marquants de la campagne 2022/23.

parcelle de blé mûr

Un automne/hiver très doux

Les conditions d’implantation des blés tendres d’hiver ont été bonnes en 2022 avec le climat doux du mois d’octobre : au 25 octobre, quasiment 75 % des blés étaient semés. La levée a été rapide et homogène.

Figure 1 : Evolution du cumul des températures d’octobre 2022 à mai 2023 – Station météo de Saint-Quentin (02)
Figure 1 : Evolution du cumul des températures d’octobre 2022 à mai 2023 – Station météo de Saint-Quentin (02)

Figure 2 : Evolution du cumul des pluies d’octobre 2022 à mai 2023 – Station météo de Saint-Quentin (02)
Figure 2 : Evolution du cumul des pluies d’octobre 2022 à mai 2023 – Station météo de Saint-Quentin (02)

Cette douceur automnale a été favorable à l’activité des pucerons. Ces insectes s’observent dès la mi-octobre et jusqu’en décembre. Cette présence prolongée a pu nécessiter une voire plusieurs interventions. La présence de Jaunisse Nanisante de l’Orge (JNO) s’observe ponctuellement au printemps sur des parcelles souvent semées précocement ou non/mal protégées.

Les coups de froid hivernaux ont été très ponctuels, et l’automne-hiver 2022-23 se démarque par un cumul de températures proche du record, avec un excédent de 150 à 200°C sur la période du 1er octobre au 1er mars par rapport à la moyenne 20 ans. Cette douceur a permis un tallage élevé : le nombre de tiges à plus de 3 feuilles en sortie d’hiver est important avec des comptages fréquents à plus de 900-1000 tiges/m².

Sur le plan hydrique, l’automne-hiver n’a permis de recharger les nappes que partiellement (cumuls de pluie inférieurs à la moyenne 10 ans). Le mois de février très sec évite de forts lessivages hivernaux et les reliquats azotés sont relativement élevés cette année en se répartissant bien entre les trois horizons du sol (75 kg N/ha en moyenne sur 3 horizons).

Le désherbage est de plus en plus compliqué

Lors de cette campagne, on relève une insatisfaction générale de la gestion du désherbage. A l’automne, en raison des levées rapides, les traitements précoces sont difficiles à positionner et les efficacités sont décevantes au regard du niveau d’infestation en graminées. Les semis trop précoces et le temps poussant sortie d’hiver sont favorables au développement des adventices. Au final, la plaine est sale et la présence de ray-grass, de vulpins et même de bromes est fréquente. La gestion des vivaces, chardons et laiterons devient également compliquée. Plus que jamais, on milite pour la mobilisation des leviers agronomiques, avec en premier lieu le décalage de la date de semis : un décalage de 15 jours permet une réduction de plus de 50 % du nombre d’adventices.

Printemps pluvieux et frais à l’origine d’une montaison lente

Compte tenu de la douceur de l’hiver, les parcelles de blé sont en avance à la sortie de l’hiver. Le stade « épi 1 cm » s’observe avec 7 à 10 jours d’avance, autour du 15-20 mars. Le début de montaison des blés s’accompagne du retour des pluies. Ces conditions pluvieuses associées à des températures fraîches se maintiennent jusque début mai et ralentissent l’évolution des stades. La montaison est donc longue, ce qui est gage d’une bonne montée à épis, d’autant plus que les sols ne sont pas du tout en situation de stress hydrique.

Les densités d’épis sont élevées, supérieures à la moyenne cette année (même en sols séchants), avec près de 600 épis/m² (vs une moyenne pluriannuelle de 556 épis/m² dans notre observatoire Hauts-de-France – essais ARVALIS et partenaires).

Carte 1 : Cumul de pluies du 1er mars au 15 mai 2023
Carte 1 : Cumul de pluies du 1er mars au 15 mai 2023

Figure 3 : Nombre d’épis/m2 – observatoire Hauts-de-France sur tous types de sol
Figure 3 : Nombre d’épis/m2 – observatoire Hauts-de-France sur tous types de sol

Les apports d’azote à tallage, réalisés dans des conditions sèches et sur des blés aux besoins faibles ont été moins bien valorisés et ont surtout permis le maintien de trop nombreuses talles.

En tendance, les apports d’azote à épi 1 cm ont été anticipés (par crainte d’un retour du sec en avril comme les années précédentes). Attention néanmoins à ne pas tomber dans une trop forte anticipation qui ne coïncideraient plus avec les besoins de la plante.

À partir d’épi 1 cm, l’azote a été bien valorisé grâce aux pluies abondantes du printemps.

En revanche, qui dit pluies, dit forte nébulosité : les rayonnements sont en retrait de 15 à 20 % sur une partie de la montaison. Ce manque de rayonnement, associé à un peuplement élevé, entraîne une compétition pour la lumière et donc un étiolement des tiges : le risque verse début montaison est élevé cette année.

Les orages de fin de cycle et la présence de piétin verse ont accentué ce risque. La verse s’observe fréquemment dans certaines parcelles, surtout en variétés sensibles.

Des biomasses élevées à montaison et une très bonne fertilité des grains

Les biomasses à floraison sont très élevées cette année et atteignent fréquemment 16 t MS/ha voire plus (contre 12-14 t MS/ha en moyenne).

Les biomasses en fonction des sommes de température depuis le stade épi 1 cm sont bien supérieures à la courbe de tendance pluriannuelle.

Figure 4 : Evolution de la biomasse en fonction des températures depuis le stade épi 1 cm
Figure 4 : Evolution de la biomasse en fonction des températures depuis le stade épi 1 cm

Figure 5 : Grains par épi en fonction du nombre d’épis par m2
Figure 5 : Grains par épi en fonction du nombre d’épis par m2

Le rayonnement en retrait courant montaison et quelques coups de froid début mai ont pu poser question sur à la fertilité des épis. Mais le retour du soleil et des rayonnement très élevés à partir de mi-mai sont très favorables. Ainsi, même avec un peuplement très élevé, la fertilité est finalement élevée, autour de 48 grains/épi en moyenne. Combiné à un nombre d’épis/m² élevé, le nombre de grains/m² est record en 2023.

Figure 6 : Fertilité des grains (nombre de grains par épi) – observatoire Hauts-de-France
Figure 6 : Fertilité des grains (nombre de grains par épi) – observatoire Hauts-de-France

Figure 7 : Fertilité des grains (nombre de grains par m2) – observatoire Hauts-de-France
Figure 7 : Fertilité des grains (nombre de grains par m2) – observatoire Hauts-de-France )

Présence assez importante des maladies en 2023

Faisant suite à l’automne-hiver doux et humide, les maladies du pied sont fréquemment présentes, particulièrement le piétin verse, dans de nombreuses situations. 

La rouille jaune est très calme : les pluies abondantes et les températures fraîches du mois d’avril ne sont pas favorables à l’expression de la maladie. A noter que le suivi des populations de races de rouille jaune réalisé par l’INRAE en 2022 n’identifie pas de nouveaux variants, ni de contournement variétal.

L’oïdium est signalé plus fréquemment qu’à l’accoutumé, certainement suite à l’absence de pluie du mois de février et à la présence abondante de végétation.

Contrairement aux dernières années, la septoriose s’observe fréquemment au printemps : l’inoculum primaire est bien présent (comme chaque année) et le printemps humide favorise le développement de la maladie (surtout sur variété sensible) même sur les étages foliaires supérieurs.

La rouille brune s’observe tardivement avec la remontée des températures mi-fin juin, mais reste peu nuisible au global.

Enfin, en raison de l’absence totale d’eau autour de la floraison, la fusariose sur épi est quasiment absente cette année.

La nuisibilité des maladies finale est assez importante cette année, autour de 10-15 q/ha. Un niveau plus élevé que ces dernières années.

Beaucoup de grains mais un remplissage contraint

Les plantes ont connu un revirement de climat relativement brutal autour de la mi-mai, en passant d’un régime frais et humide à un régime ensoleillé et chaud, sans temps d’acclimatation.

Alors que les conditions climatiques de début remplissage sont plutôt favorables et que les premières tendances à grains laiteux sont bonnes, les blés poursuivent leur remplissage sous des températures maximales constamment supérieures à 25°C accompagnées de vent. La biomasse étant importante, ces conditions cumulées engendrent une demande évaporative importante (ETP), et in fine une entrée en stress hydrique rapide et brutale en juin.

Ainsi, les courbes de remplissage se tassent à grain pâteux et les Poids de Mille Grains (PMG) sont finalement relativement faibles cette année. La pression maladie (piétin verse et septoriose essentiellement) plutôt élevée, a pu aussi accentuer ce remplissage compliqué.

Figure 8 : Données journalières de températures et de pluie du 15 mai au 28 juin 2023 – Station météo de Saint-Quentin (02)
Figure 8 : Données journalières de températures et de pluie du 15 mai au 28 juin 2023 – Station météo de Saint-Quentin (02)

Figure 9 : Poids de mille grains (en g) – observatoire Hauts-de-France
Figure 9 : Poids de mille grains (en g) – observatoire Hauts-de-France

Récolte satisfaisante, dans la moyenne

Les récoltes des blés tendres ont débuté autour du 14 juillet dans la région Hauts-de-France et avaient bien avancé en Picardie mais elles s’arrêtent rapidement suite aux pluies fréquentes et abondantes de fin juillet / début août. Les cumuls de pluie atteignent entre 65 et 220 mm à cette période. L’inquiétude monte concernant la qualité des blés non battus : poids spécifique, germination sur pied et temps de chute de Hagberg ont pu être affectés dans certaines situations. La verse et l’égrenage s’observent également fréquemment.

Carte 2 : Cumul de pluies entre le 20 juillet au 8 août 2023
Carte 2 : Cumul de pluies entre le 20 juillet au 8 août 2023

Au final les rendements sont proches de la moyenne quinquennale, avec moins d’amplitude entre situations qu’habituellement : les terres séchantes ou les semis très tardifs s’en sortent relativement bien par exemple.

Les rendements atteindraient 91 q/ha dans le Nord / Pas-de-Calais (vs 96 q/ha en 2022), 90 q/ha dans la Somme (vs 92 q/ha en 2022), 85 q/ha dans l’Aisne (vs 86 q/ha en 2022), et près de 86 q/ha dans l’Oise (vs 85 q/ha en 2022). A confirmer avec les résultats définitifs de l’année.

Les poids spécifiques (PS) approcheraient les 76 kg/hl de moyenne (moins que l’année dernière à 77-78). A noter des situations dégradées pour les récoltes réalisées après les pluies avec des minimums observés à 71-72 kg/hl (mais pas de manière aussi importante que ce que l’on avait pu envisager) et des maximas à 79-80 kg/hl ponctuellement.

Les teneurs en protéines sont modérées, autour de 11 %- 11,3 %.

Et pour les orges d’hiver alors ?
La récolte des orges d’hiver s’achève sur un sentiment global de satisfaction : rendement et teneur en protéines sont au rendez-vous. Tandis que la campagne automnale et hivernale débutait « sur les chapeaux de roue », tant en termes de biomasse que d’avancée des stades, la pluie et les températures fraîches du printemps ont ralenti le rythme tout en maintenant le potentiel (nombre de grains/m² élevés malgré une fertilité d’épi légèrement diminuée par le manque de rayonnement du printemps). Le remplissage, plus précoce que pour les blés, se fait dans de bonnes conditions avant le stress climatique, permettant l’établissement d’une taille correcte d’enveloppe et des Poids de Mille Grains satisfaisants. Globalement les rendements sont bons, légèrement supérieurs à la moyenne malgré une pression maladies foliaires supérieures aux années précédentes et de la verse sur les parcelles aux biomasses très élevées.

 

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