Articles et actus techniques
Nord-Aquitaine

Semis tardifs de céréales : prévoir des ajustements techniques

Depuis mi-octobre, les précipitations continues ont retardé les chantiers de semis des céréales. Seulement 10 à 15 % des surfaces sont à ce jour implantées. Et les prévisions météo indiquent encore des pluies, à des niveaux certes moins élevés, dans les prochains jours. Dans ce contexte, il est nécessaire d’attendre le ressuyage des parcelles non semées, qui devraient redevenir accessibles, dans la majorité des cas, au mieux fin novembre. Et d’adapter ses choix techniques.

Semis tardif de blé tendre dans le Sud Ouest

Conséquences d’un retard de la date de semis

En réduisant la phase de croissance et d’installation de la culture en hiver et en augmentant le risque d’échaudage et de déficit hydrique en fin de cycle, le retard de la date de semis se traduit par une diminution du potentiel de rendement. Des essais menés entre 2020 et 2022 ont montré que, jusqu’au 15-20 novembre, retarder le semis amène une perte de rendement négligeable. En revanche, pour des semis du 5-10 décembre, le rendement baisse fortement, d’environ 35 % en moyenne dans nos essais dans un sol de groie moyenne. Cette perte est cependant fortement variable selon le climat de l’année :

  • Elle sera plus importante dans les sols plus superficiels que dans les sols profonds.
  • Le choix d’une variété plus précoce peut permettre de réduire le risque de perte de potentiel.
  • Elle peut être atténuée par le recours à l’irrigation pour assurer l’alimentation en eau en fin de cycle.

D’un point de vue économique, lorsque le potentiel de rendement est ainsi entamé, les stratégies de protection et le niveau d’intrants doivent être revus à la baisse afin de limiter les pertes de marge. D’autant que le risque sanitaire est moindre pour les semis tardifs : moindre salissement en graminées, diminution des populations de pucerons, pression maladies plus faible.

Attendre le ressuyage des sols en profondeur, pas de passage en force

Afin de maximiser les chances de créer une structure favorable à la levée puis à l’enracinement des cultures, les bons réflexes sont d’attendre que le sol soit ressuyé sur toute l’épaisseur de la couche arable, ne pas travailler trop profond et utiliser le matériel le plus léger possible.

Les tassements profonds auront également des conséquences graves et durables sur les capacités des cultures à s’enraciner. Ils réduiront de ce fait les réserves en eau exploitables et exposeront davantage les cultures aux stress hydriques.

Carte 1 : Cumul de pluies du 15 octobre au 5 novembre 2023 (en mm)
Carte 1 : Cumul de pluies du 15 octobre au 5 novembre 2023 (en mm)

Adaptation variétale à envisager

Si les implantations peuvent être réalisées avant la fin novembre, à début décembre, les cultures prévues peuvent être maintenues qu’il s’agisse de blé tendre, d’orge d’hiver ou de triticale. Il est par contre nécessaire de privilégier les variétés les plus précoces afin de limiter les risques d’échaudage en fin de cycle. Pour les blés tendres, les orges d’hiver et les triticales, le bon compromis pour ce créneau de date de semis est de retenir les variétés dont la note de précocité épiaison atteint ou dépasse 7, sans oublier d’adapter la densité de semis.

Dans le cas de semis au-delà de fin novembre, des adaptations variétales peuvent être nécessaires.

Cas du blé tendre et du triticale

Au-delà de mi-novembre, il n’est pas envisageable de semer des variétés demi-précoces. On s’orientera vers des variétés précoces à très précoces, de manière générale plus adaptées au Sud-Ouest.

Tableau 1 : Dates de semis et précocités des variétés de blé tendre
Tableau 1 : Dates de semis et précocités des blés tendres

L’autre critère à prendre en compte est l’alternativité. Ce critère traduit l’aptitude d’une variété à épier en l’absence de période fraîche pendant l’hiver. Ainsi, une variété hiver (note d’alternativité de 2) nécessite entre six et huit semaines de vernalisation, contre une à trois semaines pour les variétés demi-alternatives ou alternatives (notes supérieures ou égales à 6). Les variétés de type ½ hiver ou ½ alternatives restent souvent les plus productives pour des semis tardifs, même si elles présentent une tardiveté significative (+5 à 10 jours à épiaison) par rapport aux variétés de printemps.

Tableau 2 :  Valeurs indicatives pour l’adaptation de la précocité variétale en fonction du mois de semis
Tableau 2 :  Valeurs indicatives pour l’adaptation de la précocité variétale en fonction du mois de semis

Les tableaux des caractéristiques physiologiques des variétés
pdf 517.05 Ko
Vernalisation
Les variétés de blé d’hiver ont besoin, pour produire des épis, de séjourner à de basses températures pendant leur période juvénile pour passer de l’état végétatif à l’état floral : c’est la vernalisation. Contrairement à certaines idées reçues, celle-ci peut débuter très tôt dès que la germination est déclenchée, et la plage optimale de températures pour la vernalisation se situe entre 3°C et 10°C de température moyenne journalière. Le processus ne peut pas s’opérer lorsque la température est inférieure à –4°C ou supérieure à 17°C. Il est proportionnellement ralenti dans les plages de températures de –4°C à 3°C et de 10° C à 17°C. La différence entre les variétés réside dans le nombre de jours pendant lequel la plante doit séjourner dans la plage de températures nécessaire à sa vernalisation. Ainsi, pour le blé tendre, ce nombre de jours varie de 5 jours (variétés très alternatives de type printemps) à 60 jours (variétés très hiver, c’est à dire très peu alternatives).

Cas du blé dur

Les blés durs sont de type printemps. Leur épiaison n’est pas impactée par des semis tardifs. La réussite principale pour l’implantation de cette espèce est de semer sur un sol suffisamment ressuyé, afin de garantir un peuplement correct.

Cas des orges

L’orge d’hiver est plus sensible au froid que le blé tendre. Elle est également très sensible à l’anoxie racinaire (manque d’oxygénation des racines lié à un excès hydrique ou une structure de sol dégradée).

Du point de vue de la phénologie, les variétés d’orges d’hiver (2 et 6 rangs) sont pour la majorité au moins ½ alternatives (note d’alternativité ≥ 5) ; elles peuvent être semées jusqu’à mi-décembre dans les secteurs de faible altitude où le risque de gel est limité. Après cette date, il est nécessaire de s’orienter vers une variété alternative (note ≥ à 7) ou de printemps. Les variétés de type printemps sont beaucoup plus sensibles à la rhynchosporiose, il faudra surveiller cette maladie dès le stade 1-2 nœuds.

Figure 1 : Dates de semis recommandées de l’orge d’hiver selon la zone
Figure 1 : Dates de semis recommandées de l’orge d’hiver selon la zone

Semis retardés : revoir la densité ?

Le décalage de la date de semis impacte directement la dose de semis, à la fois à cause du risque de perte à la levée (limaces, risque d’hydromorphie à des stades sensibles, lenteur de la levée), et du tallage fortement réduit. Il est donc nécessaire d’adapter à la hausse la quantité de grains semés au mètre carré.

Voici en résumé les préconisations de densités de semis pour le Sud-Ouest selon le type de sol. Pour les semis tardifs, l’objectif est d’obtenir 210 à 250 plantes/m² en sortie d’hiver. Les préconisations sont données pour des pertes attendues à la levée de 20 % environ.

Tableau 3 : Densité de semis recommandée en blé tendre
Tableau 3 : Densité de semis recommandée en blé tendre 

Tableau 4 : Densité de semis recommandée en triticale
Tableau 4 : Densité de semis recommandée en triticale

Tableau 5 : Densité de semis recommandée en orges 
Tableau 5 : Densité de semis recommandée en orges 

Tableau 6 : Densité de semis recommandée en blé dur
Tableau 6 : Densité de semis recommandée en blé dur

Conditions climatiques actuelles : d'autres conséquences ?

Risque d’ennoiement pour les parcelles semées

Les semis réalisés mi-octobre sont au stade 2-3 feuilles, en cas d’excès d’eau, des jaunissements commencent à être visibles. Les plantes à partir de 3 feuilles sont peu sensibles à l’ennoiement et peuvent résister à l’excès d’eau pendant une période assez longue. Pour les stades moins avancés, des pertes à la levée sont possibles, en particulier dans les bas-fonds.

Désherbage

Les conditions de pluviométrie entraînent plusieurs conséquences :

  • Pour les parcelles semées, et pour lesquelles aucun désherbage n’a pu être réalisé, les levées de graminées pourraient être difficiles à gérer ; en particulier en cas de résistance. Ces parcelles devront faire l’objet d’un désherbage dès que possible. Le risque étant d’avoir peu ou pas de créneaux propices à l’automne. Si le désherbage a été réalisé, l’excès de pluie a probablement lessivé les produits ; un passage supplémentaire peut être nécessaire.
  • Pour les parcelles non semées, une part des adventices aura levé en octobre, permettant un effet de faux-semis pour les graines en surface et les repousses. Il faudra cependant veiller à semer sur une parcelle propre.

Fertilisation azotée

La fertilisation azotée devra être adaptée : ajustement de la dose et fractionnement à privilégier.

  • Le potentiel de rendement des semis tardifs devra être revu à la baisse.
  • L’enracinement des céréales sera plus limité, notamment en sortie d’hiver et au printemps.
  • Les possibles reliquats d’azote fournis par le précédent risquent fortement d’être lixiviés si les conditions pluvieuses perdurent. Les reliquats seront peut-être plus faibles que les années passées.

Maladies et ravageurs

  • Les premiers semis sont exposés aux ravageurs d’automne sans possibilité d’intervention actuellement.
  • Les semis tardifs vont par contre permettre l’évitement des insectes d’automne. Cependant, des implantations en novembre ou décembre conduisent le plus souvent à des levées très lentes, qui peuvent exposer les plantules aux limaces ; les conditions pluvieuses sont favorables aux attaques.
  • Au printemps, le moindre inoculum dans les parcelles et le rythme accéléré des sorties de feuilles devraient permettre de réduire les risques précoces de maladies foliaires.

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.