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Lorraine

Semis de céréales 2023 : prendre les bonnes décisions pour anticiper les infestations de vulpins

Les échecs de désherbage ont été courants dans la plaine face aux fortes infestations de vulpins de ce printemps. Pour éviter qu’une telle situation se renouvelle sur la prochaine campagne, plusieurs leviers agronomiques peuvent être utilisés, en combinaison : rotation, travail du sol, faux-semis et date de semis.

Parcelle d’orge infestée par du vulpin au printemps 2023 en Lorraine

Le vulpin : un ennemi redoutable

Ce n’est pas pour rien que le vulpin est aussi présent dans nos parcelles de Lorraine et ce, depuis de nombreuses années car sa physiologie est impressionnante. Il est capable de germer dans l’horizon des cinq premiers centimètres, sa dormance est variable et peut être levée en cas de travail du sol en conditions humides. Son taux annuel de décroissance du stock grainier (TAD)* de 75 % rend impossible une disparition quasi-totale du stock en moins de trois à cinq ans, même en l’absence de tout renouvellement de stock ; et encore, faudrait-il réussir à tenir un objectif de ne pas permettre l’épiaison d’un seul pied de vulpin dans la parcelle.  Son seuil de nuisibilité directe est bas, 25 vulpins/m² sont suffisants pour faire chuter le rendement de 5 %, et sa nuisibilité indirecte impressionnante, car chaque vulpin peut produire entre 1500 et 10 000 graines. 

* le TAD correspond au pourcentage de graines qui disparaissent d’une année sur l’autre et donne ainsi une indication sur l’évolution potentielle de la viabilité des graines d’adventices dans le sol. Chaque année, le nombre de semences d’adventices viables diminue proportionnellement à la valeur du TAD.

Aider la chimie en mobilisant des leviers agronomiques pour baisser la pression

Si le désherbage chimique, centré désormais sur l’automne, a toujours sa place dans les stratégies de lutte, force est de constater que son efficacité peut s’avérer insuffisante en cas de forte infestation. Les leviers agronomiques sont justement là pour aider à diminuer cette infestation et lui permettre de retrouver de l’efficacité.

Figure 1 : Efficacité des leviers agronomiques dans la gestion du vulpin - ARVALIS
Figure 1 : Efficacité des leviers agronomiques dans la gestion du vulpin

Allonger les rotations et introduire plus de cultures de printemps

La rotation reste le levier le plus important de la lutte contre les vulpins. L’allongement des rotations, l’alternance des cultures d’automne et de printemps, de dicotylédones et de graminées permettent de casser le cycle du vulpin, historiquement calé sur le cycle du blé.  Même si des interrogations surgissent avec des constats de levées printanières possibles, leur efficacité n’est pas à remettre en cause.

Des essais de suivi de la cinétique de levée des vulpins réalisés sur la station expérimentale ARVALIS de Saint-Hilaire-en-Woëvre (55) démontre que si les levées restent principalement groupées sur l’automne, elles ont de plus en plus tendance à s’étendre jusqu’à décembre.

Dans les séquences les plus intéressantes derrière un blé infesté en 2023, on peut noter l’introduction de maïs / tournesol ou d’orge de printemps / pois de printemps avant le retour d’un blé.

Réintroduire un labour

Un essai pluriannuel comparant labour et techniques culturales simplifiées (TCS) sur la levée du vulpin conduit depuis 2018/2019 sur la station expérimentale de Saint-Hilaire-en-Woëvre redémontre l’intérêt d’introduire un labour en cas de forte infestation, l’année du labour mais également les années suivantes.

Figure 2 : Comparaison labour/TCS sur la levée du vulpin - essai pluriannuel ARVALIS St-Hilaire-en-Woëvre (55)
Figure 2 : Comparaison labour/TCS sur la levée du vulpin

En première année, l’introduction du labour dans une rotation colza/blé/orge en TCS depuis plus de cinq ans a eu un effet spectaculaire sur la levée du vulpin et l’efficacité du désherbage d’automne : 2,2 vulpins/m² en TCS et une efficacité de 100 % du traitement en prélevée, contre 405 vulpins /m² en TCS pour une efficacité qui s’effondre à 13 %.

L’intérêt de ce labour s’est confirmé les années suivantes à la condition de ne pas le renouveler tous les ans. En 2020-2021, la modalité labour/TCS/labour ne cumule que 23 vulpins/m². La modalité labour/labour/TCS est plus infestée, avec 64 vulpins/m². La modalité TCS/TCS/labour s’en tire plutôt bien avec seulement 60 vulpins/m².

Le labour permet d’enfouir le stock semencier de graines adventices qui s’était constitué en surface. La modalité TCS/labour/TCS est la plus infestée avec 189 vulpins/m². Le stock semencier en année N-2 a été enfoui mais les graines ont ensuite été remontées par un travail du sol peu profond et ont pu germer.

En parallèle, même si le type de sol joue un rôle, les rendements des parcelles labourées sont systématiquement supérieurs à ceux des parcelles non labourées, de + 15 à + 16 q/ha lors de la campagne 2020-2021 ; et avec plus de 40 q/ha d’écart en 2018-2019.

Réaliser des faux-semis

Les conditions sèches et chaudes observées en juin 2023 au moment de la maturation du vulpin sont a priori favorables à une faible dormance des graines. Ce constat doit nous encourager à engager des faux-semis en interculture sans attendre nécessairement septembre (la préconisation habituelle est de quinze jours à un mois avant le semis de la culture car ces graines n’attendront que le retour de l’humidité pour lever). Attention tout de même, cette non-dormance ne concerne que les graines produites cette année mais pas le stock semencier, visiblement très conséquent.

Le faux-semis demande une préparation fine, superficielle et retassée en surface pour établir un bon contact sol-graine et pour garder l’humidité du sol. Il ne doit pas être confondu avec une action de préparation de sol ou de destruction des adventices levées. Le choix de l’outil est en ce sens essentiel : herse de déchaumage, les bêches roulantes, les vibro-déchaumeurs et les déchaumeurs à disques indépendants ont démontré leur intérêt.

 Figure 3 : Faux-semis : quel outil choisir ? - ARVALIS
 Figure 3 : Faux-semis : quel outil choisir ?

Retarder la date de semis

Des essais réalisés depuis de nombreuses années et reconduits récemment ne cessent de démontrer l’intérêt de retarder la date de semis du blé ou de l’orge pour limiter la levée des vulpins dans la culture à l’automne : décaler de quinze à vingt jours les semis par rapport à un semis le 1er octobre réduit la population de vulpins d’environ 50 %. Les essais plus récents ont également permis de relativiser la possible perte de rendement liée à cette pratique, historiquement chiffrée à 7 q/ha, désormais loin d’être systématique avec des automnes doux favorables au développement et les variétés plus souples en termes de dates de semis. Dans tous les cas, l’idée n’est pas forcément de décaler les dates de semis sur toute l’exploitation mais de se focaliser sur les parcelles très infestées.

Cette pratique présente de plus l’avantage de réduire la pression des ravageurs d’automne.

Combiner des leviers connus

Rien de révolutionnaire donc dans la stratégie de lutte contre les vulpins, les leviers sont connus depuis de nombreuses années mais doivent aujourd’hui être mis en œuvre de manière plus systématique, et surtout, doivent être combinés entre eux pour atteindre deux objectifs de base : semer sur un sol propre et rechercher une efficacité de 100 %. Il faudra cependant être patient pour en voir les effets, nous avons mis des années à salir nos parcelles, il faudra de même des années pour assainir la situation.

Du côté de la chimie, peu d’innovations à venir et même plutôt de nouvelles restrictions. Dans la lutte directe en culture ; le désherbage mécanique peut également trouver sa place à l’automne et faire preuve d’efficacité en jouant de plus en plus sur la fréquence de passage. 

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