Désherbage du blé tendre : miser sur les programmes double automne

Les conditions douces de l’automne-hiver dernier ont fait la part belle aux adventices d’automne : conditions optimales de germination, parfois des levées échelonnées, et tallage végétatif élevé avec les conditions pluvieuses du printemps... Pour sûr, le stock semencier s’est encore multiplié : il faut donc rester vigilant sur le début de cette nouvelle campagne et préparer des stratégies de désherbage adaptées à chaque parcelle.

Après avoir évoqué les leviers agronomiques (faux-semis, décalage de la date de semis…), il s’agit maintenant de s’intéresser à la lutte directe contre les adventices, principalement ray-grass et vulpins.

2023 : dernière campagne de désherbage d’automne sans grande modification

D’ici à la fin de l’année, le flufénacet, le diflufénicanil, le prosulfocarbe et le chlortoluron (également le triallate) vont faire l’objet d’une instruction pour réhomologation. Des baisses de doses, voire des retraits, pourraient être envisagés pour certaines de ces molécules. Néanmoins, des nouveautés pertinentes quant à leurs efficacités et modes d’action devraient arriver dans quelques campagnes (automne 2025 ?).

Dans ce contexte réglementaire incertain et au vu du salissement des parcelles, les herbicides seuls ne peuvent répondre une gestion durable des adventices.

Lutter contre le ray-grass

En 2022, le désherbage de prélevée a continué à progresser dans les usages, notamment grâce à l’avantage d’une réintervention possible en postlevée (programme double automne), tout en bénéficiant de bonnes efficacités lorsque les conditions sont réunies. Les désherbages de prélevée solo atteignent des performances autour de 70-75 % d’efficacité sur ray-grass dans les essais ARVALIS 2022/2023. Ces valeurs sont légèrement en dessous des valeurs pluriannuelles situées autour de 75-80 %.

Cette année, les traitements réalisés en postlevée solo montrent une efficacité autour de 60-65 %, avec des niveaux d’efficacité plutôt bas pour Fosburi 0,6 l, inférieures à  40 %. Le positionnement des spécialités au stade précoce (1-2 feuilles) n’est pas toujours réussi et peut expliquer une partie des performances décevantes (notamment lors des automnes doux tel 2022 où des levées échelonnées peuvent exister), mais il semble également que l’on assiste à un essoufflement du flufénacet sur certaines populations de ray-grass.

Le créneau de la prélevée semble donc aujourd’hui à privilégier. A noter qu’en cas de semis tardifs, on préférera ces applications car la garantie de disposer de créneaux favorables en postlevée n’est pas assurée en cas d’hiver pluvieux ou de gel.

Figure 1 : Résultats des efficacités herbicides sur blé tendre d'hiver, cible ray-grass
Synthèse de cinq essais nationaux – ARVALIS 2022/2023

Il est malheureusement impensable d’observer des niveaux d’efficacités supérieurs à 80 % sur ray-grass avec une simple application automne, et les résultats sont variables selon la spécialité, les conditions météo (humidité du sol) et la population initiale. Ainsi, les programmes double automne permettent de régulariser les efficacités et d’atteindre des niveaux bien souvent proches de 90 % sur ray-grass.

Bien sûr, les investissements deviennent conséquents dans ce cas, avec des coûts allant de 90 à 140 €/ha. Mais ils sont équivalents à un programme « prélevée + sortie d’hiver », voire légèrement inférieurs.

Il faut néanmoins rester vigilant à l’alternance des modes d’action dans la construction du programme double automne. La règle est simple : utiliser une seule fois une matière active par campagne, c’est-à-dire, varier les modes d’action utilisés en prélevée et en postlevée.

D’un point de vue sélectivité, les associations aux multiples substances actives et à haute dose peuvent faire face à des niveaux de phytotoxicité non acceptables d’un point de vue visuel. Un ajustement de dose peut donc être à prévoir. Néanmoins, observer des symptômes de phytotoxicité est parfois un mal nécessaire pour une bonne efficacité. Ils s’estompent le plus souvent avec le temps.

Et contre le vulpin ?

Pour les désherbages anti-vulpins, si les conditions d’humidité du sol sont bonnes, les désherbages de prélevée solo atteignent de bonnes performances, avec 80-85 % d’efficacité dans les essais ARVALIS 2022/2023 (résultats équivalents à la moyenne pluriannuelle 2020-23).

Au niveau de la postlevée solo, les efficacités sont moins bonnes, entre 60 et 80 % selon les modalités. En effet, leur positionnement au stade précoce des adventices (1-2 feuilles) n’est pas toujours réussi, notamment lors des automnes doux où des levées échelonnées peuvent exister. Il est important de retenir que les pertes d’efficacité sont réelles en cas d’intervention trop tardive.

Figure 2 : Résultats des efficacités herbicides sur blé tendre d'hiver, cible vulpins
Synthèse de sept essais nationaux - ARVALIS 2022/2023

Le créneau de la prélevée semble aujourd’hui à privilégier. Elle conditionne en grande partie l’efficacité et la régularité des programmes d’automne ou de sortie d’hiver que certaines parcelles peuvent encore se permettre. A noter qu’en cas de semis tardifs, on préférera ces applications car la garantie de disposer de créneaux favorables à une postlevée n’est pas assurée en cas d’hiver pluvieux ou de gel.

Assez logiquement, comme pour les désherbages ray-grass, les programmes double automne  apportent des quantités plus importantes de substances actives et donc plus d’efficacité mais ils sont plus onéreux avec des coûts allant de 110 à 150 €/ha. Ces investissements sont équivalents à un programme « prélevée + sortie d’hiver », voire légèrement inférieurs, pour des efficacités plus importantes.

Les recommandations sur l’alternance des matières actives sont aussi valables dans la gestion des vulpins.

Quels programmes herbicides envisager ?

Les programmes doivent être définis en prenant en compte le niveau de salissement de la parcelle et la suspicion de résistance aux inhibiteurs de l’ALS.

Les noms de produits cités ne sont pas exhaustifs, et les prix sont donnés à titre indicatif. En rattrapage de printemps, l’efficacité des produits foliaires peut être limitée : privilégier les applications précoces.

Toujours vérifier les conditions d’emploi : dose homologuée, cible, stade d’utilisation, délai avant récolte, phrase de risque conditionnant les mélanges.

A retenir

La lutte contre le vulpin et le ray-grass doit, dans tous les cas, commencer en amont, bien avant le semis, avec l’ensemble des leviers agronomiques disponibles adaptés à la parcelle afin de minimiser les levées en culture et donc, faciliter les applications curatives en cours de campagne (gestion chimique et/ou mécanique). Sur des parcelles connues à risque, il est essentiel de limiter les infestations dès le départ en :

• réalisant un ou plusieurs faux-semis rappuyés, dès la période de germination des graminées,
• décalant la date de semis pour les parcelles les plus « sales »,
• semant sur un sol propre,
• priorisant un passage de prélevée qui garantira le passage et permettra, le cas échéant, de pouvoir repasser avec un deuxième passage en post précoce.