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Bourgogne-Franche-Comté

Désherbage des céréales : comment s’adapter au contexte 2023-24 ?

Le plus urgent en ce début d’année 2024 est de faire un état des lieux, sur chaque parcelle de céréales : état végétatif de la culture, état d’enherbement et portance des sols. L'objectif est de faire un diagnostic, puis d’organiser et de prioriser les travaux.

Parcelle de blé en sortie d’hiver 2024 en Bourgogne

Ce début de campagne se caractérise par un climat chaud et humide depuis octobre (figure 1). Différentes situations sont présentes dans les parcelles de céréales de la région, de la plus fréquente à la moins fréquente :

  1. Des parcelles semées en octobre avec une bonne efficacité du désherbage d’automne, mais pouvant nécessiter un rattrapage en sortie d’hiver.
  2. Des parcelles semées en octobre non désherbées ou avec une mauvaise efficacité, et très infestées en graminées.
  3. Des parcelles semées tardivement, dont le décalage de date de semis contribue largement au désherbage.

Figure 1 : Position de l’année 2024 en cumul de pluies et de températures moyennes – station de Dijon (21)

Figure 1 : Position de l’année 2024 en cumul de pluies et de températures moyennes – station de Dijon (21)

Que faire sur les parcelles semées en octobre avec une moindre infestation et rattrapables en sortie d’hiver ?

Dans les parcelles désherbées à l’automne (la majorité des situations), avec une efficacité partielle selon les cas mais sans remise en cause de la culture, un rattrapage est nécessaire. Les produits utilisables au printemps, de mode d’action majoritaire ALS (groupe HRAC 2) et FOP/Den (groupe HRAC 1), sont en difficulté, très touchés par la « résistance ».

Figure 2 : Rappel des meilleures conditions d’utilisation des produits à base de sulfonylurées (ALS) et FOP/Den

(source : ARVALIS)

NB : une plante est considérée comme « poussante » quand les conditions de pousse lui sont favorables dans les 8 jours encadrant l’application : hygrométrie > 60 % et températures douces (8 à 20°C).

Figure 3 : Exemples de programme de désherbage de rattrapage au printemps possible

(source : Choisir et Décider Blé Tendre d’Hiver- Variété et intervention d’automne 2023-2024 Bourgogne Franche-Comté Alsace, ARVALIS) 

Que faire sur les parcelles semées en octobre et déjà très infestées de graminées développées ?

Faute de créneaux favorables, de nombreuses parcelles semées en octobre n’ont pas pu être désherbées en postlevée, rappelant l’intérêt des positionnements en prélevée. D’autres, désherbées tôt, auraient nécessité un programme d’automne en raison de leur forte infestation en graminées. Dans ces situations très délicates, pour ne pas dire ingérables, avec une forte infestation de graminées d’automne déjà très développées (tallage), il convient de bien s’interroger sur la conduite à tenir. Si l’infestation est forte (photo), un retournement peut être préférable plutôt qu’un désherbage chimique non efficace. En effet, les conséquences d’une parcelle sale sont nombreuses : baisse du rendement (26 q/ha en moyenne sur du blé dans nos essais désherbage, essentiellement des graminées), augmentation du stock semencier, dégradation de l’état sanitaire de la parcelle et de la qualité de la récolte. Dans le cas d’un retournement de parcelle d’orge d’hiver, il faudra s’assurer de l’absence de repiquage pour ne pas polluer l’orge de printemps brassicole s’il s’agit d’un resemis en orge.

Photo du 26 janvier 2024 : Orge d’hiver non désherbée envahie de ray-grass (89). Source : E.Bonnin (Soufflet Agriculture)
Photo du 26 janvier 2024 : orge d’hiver non désherbée envahie de ray-grass (89). Source : E. Bonnin (Soufflet Agriculture)

En effet, au-delà du stade tallage des graminées, leur maîtrise est compromise car l’efficacité des herbicides, quels qu’ils soient, sera probablement médiocre. En orge d’hiver, aucune solution de rattrapage efficace n’existe sur ray-grass et vulpin (impasse technique).

Ainsi, si l’on tente un rattrapage « pompier » avec des antigraminées foliaires seuls ou combinés en mélange, on s’expose à deux risques :

  • Ne pas obtenir l’efficacité suffisante malgré des coûts de désherbage élevés,
  • Limiter les possibilités de ré-implantation d’une culture de remplacement au printemps s’il est décidé de ne pas conserver la parcelle. La rémanence des produits utilisés est alors à prendre en considération dans le choix de la culture de remplacement.

Retournement de céréales : quelles cultures de remplacement possibles selon les herbicides déjà appliqués ?

Les conditions d’implantation de la fin d’année 2023 ont été très compliquées et quelques parcelles de céréales devront être retournées. Evidemment, si un désherbage a été réalisé, les cultures possibles seront plus ou moins limitées, en fonction des herbicides déjà utilisés.

La rémanence des herbicides déjà appliqués sur la parcelle est à prendre en considération dans le choix de la culture de remplacement.

Si un mélange a été mis en œuvre auparavant, nos essais avaient montré que le « cumul » de substances actives n’était pas forcément plus impactant sur les possibilités de réimplantation. Il s’agit surtout de tenir compte du produit le plus restrictif du mélange pour les cultures de remplacement possibles. Dans certains cas, un travail du sol spécifique peut apporter de la souplesse dans ce choix. 

Téléchargez  la liste des cultures de remplacement possibles après une céréale d’hiver désherbée à l’automne
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Semis tardifs de céréales : le décalage contribue largement au désherbage

Seul point positif au retard des semis suite aux pluies : il contribue à réduire considérablement le risque de salissement. Compte tenu des conditions d’implantation difficiles, avec des ré-engorgements réguliers des parcelles, il est préférable dans ces situations de reporter le désherbage à plus tard.

On envisagera un désherbage de postlevée précoce uniquement dans les parcelles semées fin novembre où l’on constate actuellement des levées de ray-grass malgré le semis retardé. Dans ce cas, intervenir en bonnes conditions : pas de pluies abondantes annoncées dans les jours qui suivent l’application, pas d’amplitude thermique supérieure à 15°C et pas de gelées marquées (minimales inférieures à 3°C). On interviendra sur des adventices très jeunes, avec des produits racinaires à base de flufénacet ou prosulfocarbe, possibles jusqu’au stade 3 feuilles des cultures. Les conditions actuelles avec une absence de précipitations et de gel sont le plus souvent favorables.

Semis de janvier : un statut « céréale d’hiver » prolongé pour les usages phytosanitaires

D’un point de vue réglementaire, le nouveau catalogue des usages, paru en août 2023, considère désormais comme céréale d’hiver les céréales semées avant le 1er février*. Ainsi, un blé semé courant janvier demeure un blé d’hiver, ce qui ouvre la possibilité de le désherber avec les herbicides habituellement appliqués à l’automne. Toutefois, des précautions sont à prendre avec des spécialités dont l’AMM spécifie une interdiction d’application au-delà du 31 décembre (par exemple Merkur) ou pour lesquelles la firme mentionne explicitement des conditions d’emploi particulières. Par ailleurs, dans ces conditions de semis très tardifs, le risque de salissement sera grandement limité, tout particulièrement vis-à-vis des adventices dites automnales. De fait, on limitera l’emploi des herbicides « dits d’automne ». Si leur emploi devait s’envisager en début d’année civile, bien valider avec la firme cette possibilité.

Pour les semis qui seront réalisés à partir du 1er février, la culture devient « culture de printemps » du point de vue des usages phytosanitaires. Dans ce cas, la liste des herbicides possibles se restreint.

Téléchargez la liste des herbicides autorisés pour un usage « céréale de printemps »
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Du côté des antidicotylédones, la plupart des produits ont l’homologation hiver et printemps, à l’exception de Beflex, Picosolo, Compil, Alliance WG et quelques spécialités de metsulfuron qui n’ont pas d’usage sur blé tendre et blé dur de printemps.

*Ce classement au titre du catalogue des usages phytosanitaires n’a rien à voir avec le statut des cultures du point de vue de la réglementation PAC.

Cas particulier des orges de printemps

Les conditions de semis difficiles ont limité les surfaces des orges de printemps semées à l’automne dans la région. Ainsi, les dates de semis sont très étalées. Dans la majorité des cas, aucun herbicide n‘a été appliqué. Même si la dynamique de levée des graminées peut être plus tenue du fait de semis tardif, l’absence de solutions au printemps nécessite une réflexion en amont du choix de cette stratégie de semis (choisir une parcelle propre en graminées).

Quelques parcelles d'orges de printemps ont été semées sur sol gelé mi-janvier. Les semis reprendront dès qu’il gèlera ou que le ressuyage le permettra selon le type de sol. Ces semis sont de plus en plus affectés par des levées précoces de graminées. Un positionnement précoce d’herbicide racinaire est recommandé de type Avadex ou pendiméthaline.

Article rédigé par les partenaires de « Objectif Cultures Propres » (OCP) Bourgogne-Franche - Comté : CHAVASSIEUX Diane et Léa BOUNHOURE (ARVALIS), BAROT Jean-François / BONNIN Emmanuel (Soufflet Agriculture), FOLTIER Benjamin (Axereal), LACHMANN Alexandre (Bourgogne du Sud), CHOPARD Patrick (CA39), COURBET Emeric (CA70), PILIER Arnaud (CA21), DELATTRE Marc (Columa Vegephyl), DERELLE Damien (SeineYonne), FLAMAND Romain (SAS Bresson), GELOEN Michael (Terres Inovia), GUITTARD Jean Michel (Terre Comtoise), KOEHL Philippe (Interval), SCHNOEBELEN Franck (CA25/90), LOISEAU Marie-Agnès (CA89), MIMEAU Mickael (Alliance BFC), VILLARD Antoine (CA71) et ZAMBOTTO Cédric (CA58).

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