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Céréales : pourquoi il y a de l’échaudage dans les parcelles ?

Ces derniers jours, les parcelles de céréales sont touchées par de l’échaudage, suite aux températures élevées et aux forts vents desséchants. Dans la majorité des cas, il s’agit de piétin échaudage et de maladies du pied. Voici quelques clés pour déterminer la cause précise de ces échaudages, l’objectif étant de mettre en place des moyens de lutte préventifs pour les prochaines campagnes.

Le piétin échaudage : visible tardivement cette année

Habituellement, les symptômes du piétin échaudage sont visibles en cours de montaison, voire durant l’hiver pour les situations graves. La plupart du temps, les plantes sont plus chétives, avec une végétation plus faible, une réduction du tallage, un jaunissement des vieilles feuilles. Les symptômes sont répartis en foyers ou le long des anciens andains de paille. Les plus spectaculaires et nuisibles se retrouvent en fin de cycle : échaudage des épis qui deviennent blancs en foyers de plus ou moins grandes tailles, avec un système racinaire noirci avec des manchons noirs.

Cette année, les symptômes en cours de montaison sont souvent passés inaperçus en lien avec une pluviométrie en mars importante et des apports d’azote très bien valorisés. Ainsi, même avec un système racinaire atrophié, les plantes ont pu avoir à disposition facilement de l’eau et de l’azote pour continuer leur croissance. Néanmoins, l’arrêt des pluies mi-mai accompagné de fortes évapotranspirations (ETP) a asséché rapidement l’horizon en surface. Les plantes ayant un système racinaire déficitaire et superficiel se sont retrouvées en grande difficulté. L’échaudage a été inévitable. Les pertes de rendement liées au piétin échaudage peuvent aller jusque 50 % du rendement.

Pour les plantes saines, malgré les fortes ETP, le réservoir en eau du sol a été très bien rempli jusqu’à mi-mai, avec le réservoir facilement utilisable qui n’a été épuisé qu’à partir de fin mai, contre fin avril en 2022 (donc un mois plus tard qu'en 2022). Malgré l’état de sécheresse en surface, avec un système racinaire sain, les céréales peuvent trouver de l’eau plus en profondeur, ce qui n’est pas le cas des plantes parasitées.

Vidéo du Paysan breton / Piétin échaudage : comment le reconnaître et comment l'éviter ?

Comment bien identifier la ou les causes de l’échaudage ?

Le piétin échaudage n’est pas forcément le seul responsable des phénomènes d’échaudage cette année. On observe aussi, dans une moindre mesure de nuisibilité, la présence de maladies du pied : piétin verse et rhizoctone. La présence de jaunisse nanisante de l’orge (JNO) peut également mettre à mal le remplissage des grains et les amener à échauder. En 2022, les épis noirs échaudés étaient souvent associés à des pieds atteints par la JNO. Même si l’impact sur le rendement de ces derniers bioagresseurs est moins important que le piétin échaudage, il est important d’identifier le responsable pour adapter au mieux les pratiques pour les semis 2024.

Symptômes d’identification en fin de cycle 

Dégâts de piétin échaudage en juin 2023 en Bretagne

Dégâts de piétin échaudage en juin 2023 / Gauche : petits foyers de plantes échaudées par la maladie/centre : cas extrême de piétin échaudage en grands foyers avec tassement végétation/ droite : système racinaire extrêmement nécrosé avec manchons noirs.

Piétin échaudage : symptômes d’épis blancs en foyers de plus ou moins grandes tailles avec un système racinaire composé de racines noircies. Plus la pression est importante, plus le système racinaire est nécrosé. Seuls les racines et le plateau de tallage sont nécrosés, la tige est intacte. Il est important de ne pas arracher les plantes, mais de sortir les racines à l’aide d’une bêche ou truelle et de bien laver les racines pour constater l’état sanitaire des racines.

Les épis de toute une plante sont impactés puisque le parasite atteint le système racinaire, et donc toute la plante. Les rotations avec un retour récurrent de graminées (blé, orge, maïs) favorisent le champignon, tout comme des pratiques de chaulage important, dates de semis précoces (avant le 20 octobre), l’absence de traitement de semence Latitude XL dans les parcelles ayant déjà eu des dégâts de piétin échaudage. On constate que les systèmes intégrant des Cultures Intermédiaires à Valorisation Énergétique (CIVE) d’hiver de type seigle (blé – CIVE d’hiver de seigle- maïs) favorisent fortement la pression en piétin échaudage.

Conséquence : les pertes de rendement liées au piétin échaudage peuvent atteindre 30 à 50 % dans les cas les plus graves. Toutes les espèces ne présentent pas la même sensibilité : blé dur > blé tendre > orge > triticale > seigle. L’avoine est l’exception, puisque tolérante au piétin échaudage touchant le blé.

Au-delà du piétin échaudage, d’autres maladies des tiges moins nuisibles peuvent provoquer un échaudage des épis, mais seulement sur les tiges affectées. Il n’est pas rare d’observer du piétin échaudage sur les racines et des maladies du pied en surinfection (rhizoctone/piétin-verse sur des plantes atteintes par le piétin échaudage), d’où l’importance de nettoyer les racines dans tous les cas. Cette année, on observe de manière plus fréquente du piétin-verse sur les parcelles à risque.

Piétin-verse à Plélan le Grand (35) le 11 juin 2023 Piétin-verse à Plélan le Grand (35) le 11 juin 2023/ Gauche : épis échaudés, mais que sur une seule des tiges de la plante/ Centre : tache sur le premier entre-nœud avec un point noir au centre (stroma) / droite : point noir (stroma) persiste après l’avoir essuyé)

Le piétin-verse : il est identifiable par une tache elliptique entre le plateau de tallage et le premier nœud. Le stroma résiste assez bien au passage du doigt sur la tige. Dans ce cas, seuls un ou deux épis par plante blanchissent (bouquets d’épis blancs dans la parcelle). La nuisibilité directe est souvent faible 3-5 q/ha, le plus fort risque est la nuisibilité indirecte par la verse des plantes (15-20 q/ha).

 

Piétin-verse

 

Le rhizoctone : il se distingue par un aspect marbré des gaines, qui évolue en déchirure avec des tissus dilacérés, effilochés. Le mycélium présent sur les taches s’enlève facilement en frottant avec un doigt humide. Cependant, si un ou plusieurs points noirs subsistent au sein de la nécrose, il s'agit de piétin-verse, ces structures noires prises dans la tige étant les stromas du champignon. Comme pour le piétin-verse, seules les tiges touchées blanchissent. Bien souvent, il existe un antagonisme avec le piétin-verse ou la fusariose des tiges, mais il est rare d’observer ces maladies sur la même tige. La nuisibilité est souvent faible, liée à une attaque superficielle des tiges.

Les fusarioses de la tige et des nœuds : on observe des taches brunes sous forme de trait de plume et l’absence de stroma. Le plus souvent, un anneau brun violacé est observé sur les nœuds.

Quelles mesures prendre pour les prochaines années ?

mesures à prendre en 2024

Si le piétin échaudage est identifié comme l’origine des échaudages, il est important de mettre en œuvre plusieurs leviers pour réduire la pression du champignon sur la parcelle. A savoir que des travaux récents d’ARVALIS n’ont pas permis d’identifier une tolérance variétale des céréales. Le levier génétique ne peut pas être mobilisé pour cette maladie

A faire 

Limiter la présence de couvert et repousses de graminées en interculture et en cultures (dont les adventices graminées type ray-grass) : il faut savoir qu’en l’absence de plantes hôtes type graminées, la pression en piétin échaudage diminue en l’espace de deux ou trois ans. Il faut veiller à intégrer d’autres cultures dans la rotation non hôte : colza, protéagineux, pomme de terre, oléagineux. Les CIVE d’hiver bien souvent de type graminées (ex. : seigle) sont très favorables à la maladie. Le maïs est une culture amplificatrice du champignon tout comme les graminées prairiales ou les adventices graminées (chiendent, ray-grass, vulpin …).

Retarder la date de semis : dans la mesure du raisonnable, viser les derniers créneaux de semis recommandé plutôt que les premiers (ex. Est Bretagne : ne pas semer avant le 5 novembre au lieu du 25 octobre).

Traitement Latitude XL : sur les parcelles avec un passif de piétin échaudage, il est plus prudent d’associer un traitement de semences Latitude XL sur blés et orges. Le traitement ne permet pas d’effacer complètement la nuisibilité (efficacité de 50 %), mais au vu des pertes de rendement importantes, ce traitement permet un gain rentable de 8-10 q/ha en moyenne. Aujourd’hui, aucun autre traitement en semences ou en végétation ne fait mieux que Latitude XL.

Le triticale peut également être atteint par la maladie et l’entretenir, mais supporte mieux les dégâts que les blés et orges et ne nécessite pas de traitement de semences. En seconde paille, à choisir, il est plus intéressant de s’orienter vers du triticale qu’une orge sur la problématique piétin échaudage. Mais dans les deux cas, la pratique d’une seconde paille ne diminue pas la pression de la maladie au contraire.

A ne pas faire 

Remonter le pH trop rapidement par des pratiques de chaulage favorise le champignon en déstabilisant la flore antagoniste du piétin échaudage. Notamment la chaux vive qui augmente plus rapidement le pH que les carbonates.

En cas de pailles non exportées : veiller à broyer finement les pailles et à les répartir du mieux possible.

Repousses de céréales en interculture : dans le même raisonnement que sur le choix des cultures non graminées, il est important de limiter au maximum la présence de graminées dans la parcelle dont les repousses pour casser le cycle de la maladie (en l’absence de graminées, la pression du champignon diminue en 2-3 ans).

L’implantation de crucifères en interculture a un effet neutre sur la maladie, le plus important est de ne pas implanter de graminées dans les couverts. La pratique de biofumigation a également été testée, au-delà de sa mise en œuvre contraignante, l’effet reste neutre à légèrement positif.

Pour en savoir plus, consultez la fiche accident Piétin échaudage

Ne pas confondre les symptômes avec :

Pour en savoir plus, visionnez le webinaire blé sur blé avec une première partie consacrée à la gestion du piétin échaudage

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