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Point agroclimatique - Céréales : faut-il craindre le retour du froid ?

La chute actuelle des températures rappelle le scénario météo de fin mars et début avril 2021. Faut-il pour autant s’inquiéter pour les céréales à paille ?

Froid début avril : quel impact sur les blés et orges à montaison ?

De la neige en plaine, des minimales descendant vers -2 à -4°C, avec des cultures qui entament leur montaison suite à une séquence poussante fin mars… ça pourrait ressembler au résumé du début du printemps 2021, mais il s’agit en fait des prévisions pour ces prochains jours en France, notamment dans le Centre et l’Est.

Dans les grandes lignes, les similarités sont évidentes. Cependant, de petits détails doivent être pris en compte pour anticiper les conséquences sur les céréales à paille en 2022.

Quels enseignements retenir des enquêtes 2021 ?

Suite à l’épisode de gel d’avril 2021 et à l’apparition de symptômes, des enquêtes ont été réalisées auprès des producteurs, pour tenter de mieux cerner les facteurs impactants. Les questions portaient sur l’intensité des dégâts observés, en fonction de l’espèce et de la précocité, et de possibles facteurs aggravants. En voici les principaux enseignements.

En premier lieu, le stade de la culture lors du gel influence sa sensibilité. Il a été confirmé qu’à température similaire, les cultures ou parcelles les moins avancées ont présenté moins de dégâts. Derrière la notion de précocité se cachent évidemment les différences régionales, les effets de date d’implantation et le facteur variétal (précocité à montaison). Les observations collectées au cours de l’épisode de gel 2021 conduisent à proposer des seuils de risque en fonction du stade du blé (figure 1).

Figure 1 : Niveau indicatif de résistance au froid d'une culture de blé tendre d'hiver
Niveau indicatif de résistance au froid d'une culture de blé tendre d'hiver

Par ailleurs, les principales espèces de céréales présentent des niveaux de résistance au gel différents. Comme attendu, les orges de printemps semées en automne et les blés durs sont les plus fragiles. En revanche, à milieu équivalent (observations réalisées en Auvergne), le triticale présente moins de dégâts que l’orge d’hiver, elle-même plus résistante que le blé tendre. Au passage, les orges de printemps en cours de levée « tiennent le coup » : les symptômes foliaires sont passagers.

En fonction du stade d’occurrence du gel, la nature des dégâts fluctue : il s’agit en priorité de gel du maître-brin pour des cultures peu avancées (avec compensation partielle ou totale par les talles), et de destruction partielle d’épis (non compensable) dans les cas les plus avancés.

Le diagnostic ne s’avère pas toujours aisé : on a pu observer des épis en formation ralentis dans leur développement suite au gel, conduisant à des cohortes d’épis très décalées en fin de cycle (notamment en blé dur).

Observations des épis courant montaison et à maturité sur une parcelle d’essai de blé dur
Epis observés courant montaison et à maturité sur une parcelle d’essai de blé dur (Anvergur), station d’En Crambade (31), campagne 2020-2021. Le gel a provoqué la destruction ou le retard de croissance de certains épis, avec la présence de nombreux tardillons à la récolte (M. Killmayer - ARVALIS - Institut du végétal)

Certains facteurs aggravants ont été observés : la microtopographie (cuvettes), l’exposition, la proximité de bois (maintien du froid le matin), les zones séchantes (effet précocifiant du stress hydrique).

L’impact final sur le rendement à l'échelle régionale ou nationale a été négligeable pour les céréales à paille, à la différence d’autres grandes cultures (betteraves, lin fibre) ou des vignes et vergers. Cependant, de manière très ponctuelle, des pertes de rendement significatives, voire des destructions de cultures, ont eu lieu.

Quelles différences entre les scénarios 2022 et 2021 ?

La situation au 30 mars 2022 diffère très légèrement de celle d'avril 2021 en termes d'intensité du gel, de son étendue et du stade des cultures.

  • L’intensité du gel : pour le moment, les températures sous abri annoncées sont de l’ordre de -2 à -4°C, alors que les épisodes successifs des 5-6-7 avril 2021 ont fréquemment présenté des températures inférieures à -4°C, voire en-deçà de -6°C.

Cartes 1 & 2 : Températures minimales sous abri pour la période des 5-6-7 avril 2021 (à gauche) et du 1er au 6 avril 2022 (à droite)
carte gel

  • L’étendue du gel : en 2021, seules les bordures maritimes avaient été épargnées par les températures inférieurs à -2°C, et plus de 35 % du territoire avait été touché par des températures sous abri inférieures à -4°C. Après le Centre et l’Est les 5 et 6 avril, le Sud avait été significativement touché le 7. Les prévisions actuelles laissent présager que les températures descendront en dessous de -4°C sur à peine 10 % du territoire, notamment dans des zones de relief (Massif Central, Vosges, centre des Alpes).
  • Le stade des céréales : comme en 2021, les cultures ont atteint le stade épi 1 cm (Nord-Est) ou l'ont dépassé (autres secteurs), mais les zones Centre et Est sont majoritairement entre les stades épi 1 cm et 1 nœud. Ces stades sont, au global, légèrement en avance par rapport aux tendances pluriannuelles, mais ils restent moins avancés que lors de l’épisode de gel d’avril 2021. Ce très léger décalage peut laisser espérer une moindre fragilité, en lien avec une sensibilité différente en fonction des stades.

En conclusion, les éléments disponibles en date du 30 mars 2022 laissent penser que les céréales à paille vont être peu impactées par la chute des températures. Néanmoins, une observation détaillée environ une semaine après l’épisode de froid devrait permettre de confirmer cette absence de dégât.

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