Azote trop tôt sur les céréales : un rapport modeste entre efficacité et coût
Dans le contexte économique actuel, il est essentiel de valoriser au mieux chaque unité fertilisante apportée. Une fois n’est pas coutume, les conditions climatiques enregistrées depuis l’automne sont dans la normale. De ce fait, les céréales d’hiver présentent un état correct mais variable. Voici quelques recommandations pour décider sereinement de la conduite à tenir sur la fertilisation azotée au cours du tallage, dans le respect de la réglementation.
D’abord quelques rappels agronomiques
Au cours du tallage, le statut azoté des plantes commande la croissance et le développement des talles qui ont bien voulu se former sous l’effet d’un cumul de températures depuis le semis. Une suralimentation azotée en début de cycle (avant épi 1 cm) favorise la croissance de talles secondaires, émergeant à l’aisselle des feuilles des talles primaires. Celles-ci sont susceptibles de régresser au cours de la montaison si la concurrence avec les talles principales est trop forte. Elles ne contribuent alors pas au rendement et consomment azote et eau au détriment des talles primaires, limitant, au passage, la fertilité de ces dernières.
Par ailleurs, les besoins en azote sont faibles du semis jusqu’à fin tallage : environ 50 unités sont nécessaires, facilement trouvées dans le milieu, en particulier lorsqu’il fait doux et sec pendant l’hiver.
Enfin, plus l’apport est précoce, moins il est bien valorisé, d’autant plus s’il ne pleut pas 15 mm dans les 15 jours suivants. En moyenne, cet apport n’est valorisé par la céréale qu’à 50 %.
Les céréales à paille présentent un état correct dans l’ensemble
Les semis d’octobre, majoritaires, réalisés dans de bonnes conditions entre le 10 et le 25 octobre 2021, présentent actuellement un développement satisfaisant, mais plus faible que celui observé lors des campagnes précédentes. Les semis médians dans certains secteurs présentent de belles céréales en plein tallage. En revanche, pour les semis tardifs, les blés atteignent tout juste le stade début tallage, variable selon la qualité de reprise du sol et l’hydromorphie de la parcelle. Cette année, les céréales connaissent des conditions climatiques hivernales « normales », aussi bien du côté des températures que des précipitations. Ce constat est rare et mérite d’être cité (figures 1 à 4).
Figure 1 : Position de l’année 2022 en cumul de pluies et température moyenne du 1er décembre 2021 au 29 janvier 2022 – Station de Dijon (21)
Figure 2 : Position de l’année 2022 en cumul de pluies et température moyenne du 1er décembre 2021 au 29 janvier 2022 – Station d'Auxerre (89)
Figure 3 : Position de l’année 2022 en cumul de pluies et température moyenne du 1er décembre 2021 au 29 janvier 2022 – Station de Tavaux (39)
Figure 4 : Position de l’année 2022 en cumul de pluies et température moyenne du 1er décembre 2021 au 29 janvier 2022 – Station de Clamecy (58)
En conséquence, le niveau des reliquats azotés de sortie d'hiver (RSH) devrait se trouver dans la moyenne haute, donc non limitant, en particulier dans les sols profonds.
Enfin, à l’instant présent, l’année n’est pas précoce, ce qui ne doit pas encourager tout apport d’azote précoce et précipité. En revanche, pour les parcelles sales en mauvaises herbes, les désherbages de rattrapage devront être réalisés dès que les conditions climatiques favorables seront réunies. Et cela, avant tout apport d’engrais, qui favoriserait le développement des adventices et rendrait plus difficile leur contrôle.
En pratique, quelles stratégies adopter ?
Attendre mi-février pour imaginer faire un premier apport d’azote, voire plus tard pour la majorité des situations. Pour préciser :
- D’abord s’intéresser aux situations de sols superficiels, de blés semés tardivement d’autant plus en situations hydromorphes, d’orges d’hiver voire d’orges de printemps semées à l’automne, sous réserve qu’elles aient commencé à taller. Dans ces situations, épandre de l’ordre de 40 à 50 kg N/ha à partir de mi-février.
- Puis seulement, se poser la question de l’opportunité de réaliser un premier apport d’azote sur les blés les plus avancés qui sont à ce jour bien alimentés. Dans le cas général, épandre 40 à 50 kg N/ha fin février. Lorsque le RSH est supérieur à 50-60 unités, reporter la dose initialement prévue au tallage sur la période de montaison. Dans ces conditions, avancer l’apport envisagé au stade épi 1 cm en l’anticipant d’environ 15 jours, à partir du décollement de l’épi du plateau de tallage. Dans nos régions, la probabilité de valoriser des apports azotés est plus forte sur la première quinzaine de mars que la deuxième.
Article rédigé par les partenaires de « Blé Orge Objectifs Protéines » (BOOP) Bourgogne-Franche-Comté :
PASCAL Eléonore et PELCE Luc (ARVALIS), BLAS Jérémie (CA21), BONNIN Emmanuel (Soufflet Agriculture), BOUCHIE Jean-Michel (Axereal), BOULLY Christine (Bourgogne du Sud), CHOPARD Patrick (CA39), COURBET Emeric (CA70), DERELLE Damien (SeineYonne), FLAMAND Romain (SAS Bresson), GUITTARD Jean-Michel (Terre Comtoise), KOEHL Philippe (Interval), LACHAUD Dominique (SAS Ruzé), LAMBARE Camille (CRA BFC), LOISEAU Marie-Agnès (CA89), MIMEAU MICKAËL (Dijon Céréales), SCHNOEBELEN Franck (CA25-90), VILLARD Antoine (CA71) et ZAMBOTTO Cédric (CA58)
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